Partie 1 – Les institutions des réseaux de vie

Les Institutions sociales, introduction

S’enrichir de nos différences par la pratique de la solidarité à travers la prise de décision politique préparée par les centres de gestion des Réseaux de Vie, notre lecteur est maintenant prêt à en convenir, ne pose pas de difficultés au niveau local d’une ville libre et de ses institutions politiques et économiques. Sur le plan social, la conséquence de la pratique des institutions politiques et économiques dans les Réseaux de Vie se traduit par une société sans classe sociale puisque les citoyens développent leur gestion de la propriété commune à travers les biens communs et une monnaie pleine, sans dettes.

Les classes sociales, en principe, ne figurent pas au programme du système capitaliste libéral puisque selon son dogme, il n’y a pas de société mais uniquement des marchés. Les êtres humains produisent et consomment selon leurs fonctions dans le système et les revenus qu’ils obtiennent de leur travail. Le Marketing propose une satisfaction des besoins en personnalisant l’offre selon les différents niveaux de besoins qu’une personne soit riche ou pauvre, jeune ou âgée, en bonne santé ou handicapée. Bien entendu l’offre ne sera pas la même puisqu’elle s’adapte à la capacité de payer ou de payer très peu.

Par contre et ce n’est pas surprenant, la guerre des classes sociales est bien au programme du système qui sert d’opposition au capitalisme et qui a été sélectionné et financé pour servir justement de contre exemple au capitalisme que les citoyens ne doivent pas en principe soutenir et défendre sauf pour servir de prétexte à des guerres organisées par l’oligarchie financière anglo-saxonne avec ses marchands d’armes qui obtiennent ainsi des profits mirifiques impossibles en temps de paix. Nous parlons bien entendu du système de pouvoir communiste. Les militants communistes ont depuis abandonné pour la plupart le dogme de la dictature du prolétariat pour que cette dictature élimine les classes sociales de la bourgeoisie sans toutefois chercher à nuire à la secte des puritains qui dirige l’oligarchie financière anglo-saxonne. Pas touche au grisbi !

La lutte des classes propagée par la doctrine communiste sur l’ensemble des continents de la Terre permet néanmoins de bien faire comprendre à un citoyen que les classes sociales existent et sont certainement inévitables. Les conflits entre classes sociales sont ainsi inévitables surtout lorsque ces conflits sont entretenus pour justifier le principe bien connu de diviser pour régner ou pour appliquer le principe politique énoncé déjà par Aristote : ” Il est aussi dans l’intérêt d’un tyran de garder son peuple pauvre, pour qu’il soit si occupé à ses tâches quotidiennes qu’il n’ait pas le temps pour la rébellion. “

Pourtant à travers la présentation des institutions politiques et économiques des Réseaux de Vie tout comme parmi nos chapitres du dossier Nos chers ennemis en Partie 5, nous avons souvent montré que la période médiévale en Europe fut la dernière période florissante en Occident et que les villes libres, les campagnes avec leurs abbayes et leurs monastères, ont connu durant quelques siècles non seulement une économie florissante, une démographie en pleine expansion mais aussi une absence de classes sociales. Le climat devenu plus favorable explique ce développement remarquable. En France, le roi et la monarchie, vers 1300, ne gérait que 10% du sol de la France et il devait sans cesse emprunter de l’argent pour tenter de montrer un niveau de vie royale. Ce qui poussa Philippe le Bel à nommer son pape à Rome et avec cet allié, à détruire l’Ordre du Temple pour s’emparer de ses richesses. Richesses que les rois de France n’ont jamais trouvées dans les coffres et les commanderies templières.

Nous allons donc chercher à comprendre comment cette période florissante médiévale a disparu dans le savoir du peuple français après le vendredi 13 octobre 1307 au point que le Siècle des Lumières, quatre siècles plus tard, n’en fait pas mention et ignore tout du fonctionnement politique, économique et social de ce régime politique en démocratie directe locale participative qui a développé le temps des cathédrales. Quelques érudits, auteurs, historiens et savants dans les années qui ont précédé la Révolution de 1789 puis au cours du XIXème siècle, se sont penchés sur ce débat politique d’une société avec ou sans classes sociales. Nous allons en citer plusieurs même si leurs écrits et leurs déclarations ont eu peu de succès au cours du développement phénoménal de la société industrielle mondiale.

Éliminer le mythe fondateur des systèmes de pouvoir :

l’obligation de la pyramide hiérarchique du pouvoir dans un groupe social.

Nous avons dans nos croyances énormément de difficultés pour éliminer ce mythe fondateur des systèmes de pouvoir qui prétend que le pouvoir s’exerce au sommet d’une pyramide par une minorité sinon un seul être humain élu par Dieu, une élite prédestinée à gouverner les peuples, un homme ou une femme providentiel.le au charisme supérieur. A défaut, pour les citoyens épris de rationalisme, c’est la fonction bureaucratique qui organise un pouvoir politique dans une démocratie qui a pris ses distances avec les systèmes théocratiques. Mais il reste encore à éliminer la soumission aveugle à l’autorité.

Une expérience locale, communale, cantonale en démocratie directe locale participative soit ! Mais pas question au niveau d’une société nationale, continentale, mondiale ! 

La fin des civilisations florissantes dans l’humanité.

Les civilisations florissantes jusqu’ici, nous l’avons dit, n’ont été que régionales et lorsqu’elles se sont développées sur de plus vastes étendues, en réalité ce fut par des conquêtes militaires  «  classiques ». De plus, elles ont toujours jusqu’ici été plus ou moins rapidement détruites par des  «  barbares », leurs voisins moins cultivés et développés qui en utilisant le système de pouvoir militaire et des armes destructrices, sont venus piller leurs richesses. 

Les découvertes archéologiques expliquent la fin des civilisations à cause des catastrophes climatiques ou naturelles.

Sauf que sur ce point nos croyances sont également fausses. Les ethnologues et les archéologues montrent que ces civilisations remarquables ont disparu le plus souvent suite à des changements climatiques dans leur environnement sinon suite à des catastrophes naturelles.

Il y a également l’hypothèse qu’une génération ait compris que sa culture sociale, ses valeurs n’étaient plus partagées par le groupe social et que des jalousies, des rivalités pour s’approprier toutes ou parties des richesses, des crises d’autoritarisme menées par des minorités éprises de fanatisme sinon de folie. Raisons suffisantes pour disperser le groupe social et tenter le projet qu’un sous-groupe réussisse ailleurs à développer à nouveau une culture humaniste capable d’une civilisation tout aussi florissante.

Les découvertes archéologiques récentes montrent pourtant qu’il y a eu des périodes où sur tous les continents, l’humanité a utilisé des découvertes technologiques et a fait commerce pour partager un niveau de vie et des productions artistiques similaires, souvent avec des savoirs-faire que nous ne comprenons pas encore aujourd’hui ou qui supposent des connaissances scientifiques et culturelles, des pratiques sociales et politiques en contradiction flagrante avec nos mythes des bons sauvages, des ancêtres limités sur le plan intellectuel sortant à peine de leurs grottes…

Nous avons présenté sur fileane.com l’art rupestre des Andes et d’autres vestiges de ces civilisations disparues comme celle de Tiahuanaco. A chaque fois, reviennent les témoignages sur l’intervention d’extra-terrestres venus justement secourir le développement de la Vie sur la planète Terre, essentiellement après la destruction de la Vie par des évènements cosmiques ou des grands cataclysmes consécutifs à la vie si instable de notre planète dans le système solaire.

Nous avons également présenté les apports de notre première source de savoir, la source personnelle et initiatique, spirituelle : le fait qu’après le puits de lumière, il nous soit proposé d’aller reprendre une vie semblable à la condition humaine sur une ou une seconde planète bien plus stable à la civilisation bien plus avancée que la notre et permettant un art de vivre incommensurable par rapport à ce que la Terre peut offrir. Laissons pour le moment ces questions que nous développerons dans les Institutions culturelles des Réseaux de Vie.

L’explication historique et la destruction des réseaux de vie par les systèmes de pouvoir.

Nous avons montré à travers les conflits récurrents entre systèmes de pouvoir et organisations en réseaux de vie, l’histoire européenne et spécialement celle de la dernière période florissante médiévale. Depuis la fin de l’empire romain et le début du Moyen-Age en 476, ce sont les ordres monastiques, principalement bénédictins qui après l’an 500, ont sauvegardé, enseigné et diffusé les vestiges des savoirs des temples d’Égypte, notamment celui du plus vieux temple des bords du Nil à Dendérah. La période médiévale soit le Moyen-Age central ou classique du début du XI e siècle à la fin du XIII e siècle correspond au temps des cathédrales avec l’intervention des chevaliers templiers. La destruction de cette organisation médiévale par Philippe le Bel en 1307 ouvre les débuts de l’absolutisme royal, de la conquête par mariages ou guerres de l’espace actuel de la France, de la centralisation du pouvoir que la révolution de 1789 a conservé et renforcé jusqu’à connaître des périodes républicaines de fascisme et de tyrannie.

Abandonner les systèmes de pouvoir pour utiliser à nouveau nos Réseaux de Vie, signifie remettre en place le savoir qui a permis le développement des civilisations florissantes humanistes, sans minorités dirigeant un système de pouvoir. 

Nous connaissons maintenant ces savoirs sur le plan politique et économique. A nous de présenter ces savoirs sur le plan social et culturel. Ils n’ont pas complètement disparu après 1307 tout comme les œuvres architecturales du temps des cathédrales restent présentes et sont appréciées souvent comme plus beaux villages de France. Ces savoirs qui font une société humaniste, nous commencerons par les dégager de l’analyse historique contemporaine et spécialement de l’analyse historique de la révolution de 1789, moment où trop d’erreurs ont été commises pour compromettre un retour de la période florissante médiévale, avec l’actualisation de cette analyse en fonction des savoirs disponibles en 1789 tout comme aujourd’hui.

Les erreurs politiques commises en 1789 lors de la Révolution française.

Nous utilisons un document  « classique » sur ce passage entre l’Ancien Régime et le régime politique républicain instauré en 1790.

En préambule de cette analyse, nous répétons le propos à Strasbourg de notre professeur de Droit Constitutionnel lors de notre première heure de cours en première année de Droit. La seule règle qu’il fallait conserver de l’Ancien Régime est l’obligation faite au roi de réunir les États Généraux lorsque les caisses du royaume sont vides. 

Les Constituants en 1789 ont pris bien soin d’écarter cette règle qui menaçait leur pouvoir et de ce fait toutes les Constitutions depuis 1790 sont fermées, bloquées. Pour changer de Constitutions, il a fallu à chaque fois trouver des guerres militaires ou civiles, des troubles civils, la Constitution de 1958 n’échappant pas à cette coutume républicaine. 

Le message de notre professeur était clair : pour changer de Constitution et de régime politique, nous devions nous aussi utiliser cette coutume républicaine et passer par la rue, les assemblées constituantes dans une salle de sport ou ailleurs. La faute à celles et ceux qui ont voulu fermer et conserver bloquées nos Constitutions tout en nous faisant croire aux mythes républicains dont celui de la liberté, l’égalité, la fraternité.

Document, extraits :

TOCQUEVILLE ET LA RÉVOLUTION FRANÇAISE de François FURET

« …/… Or, les mots démocratie, monarchie, gouvernement démocratique ne peuvent vouloir dire qu’une chose, suivant le sens vrai des mots : un gouvernement où le peuple prend une part plus ou moins grande au gouvernement. Son sens est intimement lié à l’idée de la liberté .

Donner l’épithète de gouvernement démocratique à un gouvernement où la liberté politique ne se trouve pas, c’est dire une absurdité palpable, suivant le sens naturel des mots ». 

TOCQUEVILLE ET LA RÉVOLUTION FRANÇAISE, François FURET

Cette note laisse perplexe, dans la mesure où Tocqueville y dénonce très exactement le sens qu’il a constamment donné, jusque là, au mot de démocratie : or, la correction consiste à faire passer le concept du niveau social (égalité) au niveau politique (participation au pouvoir, et liberté) comme si le second devenait fondamental par rapport au premier. 

Autre texte révélateur du même glissement : c’est un appendice au chapitre II, 5, sur la centralisation. Tocqueville y fait une remarquable comparaison entre la colonisation française au Canada et la colonisation anglaise en Amérique, en notant que le phénomène colonial grossit jusqu’à la caricature l’esprit des deux administrations. Au Canada, pas de noblesse, pas de « traditions féodales », pas de pouvoir prédominant de l’Église, pas de vieilles institutions judiciaires enracinées dans les mœurs — bref, rien de la société civile de l’ancienne Europe, rien qui s’oppose au gouvernement absolu : « On se croirait déjà en pleine centralisation moderne, et en Algérie. »

Au contraire, dans l’Amérique anglaise voisine, où les conditions sociales sont comparables, « l’élément républicain, qui forme comme le fond de la constitution et des mœurs anglaises, se montre sans obstacle et se développe. L’administration proprement dite fait peu de choses en Angleterre, et les particuliers font beaucoup; en Amérique, l’administration proprement dite ne se mêle plus de rien, pour ainsi dire, et les individus en s’unissant font tout. L’absence de classes supérieures, qui rend l’habitant du Canada encore plus soumis que ne l’était, à la même époque, celui de France, rend celui des provinces anglaises de plus en plus indépendant du pouvoir. Dans les deux colonies, on aboutit à l’établissement d’une société entièrement démocratique, mais ici, aussi longtemps, du moins, que le Canada reste à la France, l’égalité se mêle au gouvernement absolu ; là elle se combine avec la liberté ».

Deux idées me paraissent frappantes dans cette note contemporaine de l’Ancien Régime : 

  1. la liberté politique n’est pas liée forcément à la présence de classes supérieures, d’une « aristocratie », au sens que Tocqueville donne à ce mot. En Amérique anglaise, en effet, « l’absence de classes supérieures » rend les individus « de plus en plus indépendants du pouvoir » : Rupture très claire avec le schéma conceptuel de 1836 : aristocratie/gouvernement local/liberté politique; 
  2. ce qui est décisif dans l’évolution des deux sociétés, ce n’est pas, en effet, leur état social — qui est identiquement « démocratique » — mais leur tradition et leur pratique politico-administrative. 

C’est bien, en effet, ce qui se dégage de l’analyse des articulations essentielles de l’Ancien Régime : non que Tocqueville s’y abandonne à un monisme causal tout à fait étranger à la nature même de sa pensée. Il reste au contraire attentif à l’enchevêtrement des raisons et des conséquences que lui révèle l’observation empirique des sources. Mais il reste que la société civile apparaît dans son dernier livre moins comme une cause que comme une conséquence de la société politique et morale : et c’est peut-être l’originalité intellectuelle fondamentale de l’Ancien Régime, tant par rapport aux précédents ouvrages de Tocqueville qu’eu égard à la sociologie politique du XIXe siècle en général.

Le phénomène central, l’aspect essentiel du changement historique est donc la croissance du pouvoir monarchique et de la centralisation gouvernementale, liés eux-mêmes au développement de la taille.

Ce processus disloque et unifie à la fois la société civile (« la division des classes fut le crime de l’ancienne royauté » II, 10, p. 166), tronçonnée en groupes de plus en plus rivaux d’individus de plus en plus semblables. Or l’impuissance de certaines des classes, soit à maintenir leur ancien pouvoir politique, soit à s’unir pour en dégager un nouveau, laisse la voie libre au despotisme administratif qui aggrave à son tour les conséquences de la centralisation gouvernementale. 

Quand il analyse, dans cette deuxième partie du livre, la société civile, Tocqueville, en bon héritier de l’historiographie de la Restauration, parle de « classes » : « On peut m’opposer, sans doute, des individus, je parle des classes, elles seules doivent occuper l’histoire » (II, 12, p. 179). Mais il manie ce concept fondamental avec une perpétuelle ambiguïté : les classes sont tantôt définies comme les ordres de l’Ancien Régime, et tantôt selon une combinaison entre le droit d’Ancien Régime, et un critère, d’ailleurs très vague, de richesse et de dignité sociale, qui englobe la bourgeoisie aisée dans les classes supérieures.

Ce qui sous-tend en réalité cette ambiguïté, ce passage constant d’un sens à l’autre, c’est la question centrale que se pose Tocqueville à propos de cette société française du XVIIIe siècle : comment n’a-t-elle pas su passer, sans révolution, de la hiérarchie rigide des ordres à la dichotomie moderne notables/peuple, classes supérieures/classes inférieures ? Mais si tel est bien, comme je le crois, le fond de son interrogation, on mesure ici aussi le chemin parcouru depuis la Démocratie en Amérique. Tocqueville est passé d’une problématique de l’égalité sociale et de la démocratie politique à une problématique des classes supérieures et des élites. Il est vrai que, comme il le laissait d’ailleurs prévoir dans la Démocratie (à la fin du chap. IX, t. I), il étudie cette fois non plus une société formée ex nihilo par des émigrés républicains et égalitaires, mais au contraire un monde enraciné dans la tradition aristocratique, et qu’il ne peut transposer les mêmes analyses d’une société à l’autre. 

…/…

En parodiant Bainville, on pourrait résumer la dialectique de Tocqueville par la formule suivante : la société française du XVIIIe siècle était devenue trop démocratique pour ce qu’elle conservait de nobiliaire, et trop nobiliaire pour ce qu’elle avait de démocratique.

Trop démocratique : ce sont les chapitres VII à X du livre II, décrivant les processus d’unification des esprits et d’isolement des classes supérieures les unes par rapport aux autres, et le chapitre XII, où Tocqueville traite à part (comme au début du livre I) le problème paysan. Trop nobiliaire : c’est le curieux chapitre XI, où Tocqueville analyse pour les célébrer et les opposer à la médiocrité « démocratique », l’esprit d’indépendance et le sens de la liberté que les traditions aristocratiques avaient imprimés à la société française d’ancien régime, tout en soulignant que cet esprit, lié à l’idée de privilège, n’était pas de nature à survivre à des institutions démocratiques, moins encore à les fonder. 

…/…

La « démocratie », dans l’Ancien Régime, est moins un état de société qu’un état d’esprit. » François FURET

fin du document.

source :

https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1970_num_25_2_422226

François FURET est reconnu comme un historien qui s’écarte des idéologies comme première source des évènements. Ce sont les actions des individus qui animent l’histoire évènementielle et seulement après, d’autres individus cherchent à utiliser ces évènements en les rattachant à une idéologie afin de justifier une entreprise sur le long terme pour conquérir et défendre un système de pouvoir, comme après 1945 le système communiste et les différents fascismes, deux camps qui s’opposent à travers d’incessantes guerres militaires ou civiles.

Dans le texte que nous avons retenu, les évènements factuels et les mythes, les utopies, les fictions dont les idéologies se nourrissent tentent d’éclaircir une situation historique cruciale, le passage de l’Ancien Régime à la Révolution de 1789. L’enjeu porte sur les éléments culturels sinon les règles juridiques de l’Ancien Régime qui traduisent les vestiges d’une société sans classes sociales et que les révolutionnaires après 1789 ignoreront, oublieront pour se confondre dans les mythes et des utopies stériles et destructrices. Un point est certain, Tocqueville comme Furet passent à côté ou oublient la période médiévale avant le développement de l’absolutisme royal. Furet cependant admettra que la démocratie a subsisté dans l’Ancien Régime en tant qu’état d’esprit.

D’où vient cet état d’esprit de « démocratie » ? 

TOCQUEVILLE apporte son décryptage des faits qui caractérisent l’Ancien Régime au 18ème siècle peu avant 1789. Mais lui et FURET n’arriveront pas à remonter jusqu’au fonctionnement de la période médiévale jetée dans l’oubli et mis sous le tabou par la monarchie d’une part mais aussi d’autre part par l’organisation séculière de l’église catholique tout comme par le mouvement protestant. 

Aujourd’hui nous avons retrouvé ce fonctionnement politique, économique, social et culturel de cette dernière période florissante en Europe et nous pouvons mieux répondre à Tocqueville et à Furet pour définir les conditions d’une société sans classes sociales et sans idéologies marxistes, fascistes pour diviser les peuples et renforcer les élites dirigeantes des systèmes de pouvoir.

Dans l’Ancien Régime Tocqueville avait bien retenu que l’aristocratie avait conservé ses traditions d’indépendance. Furet note que Tocqueville s’emmêle entre ordres, classes, esprit d’indépendance et sens de la liberté et de ce fait qu’il n’arrive pas à clarifier la notion de démocratie, de gouvernement par le peuple. 

Les traditions d’indépendance de l’aristocratie sont liées à la défense des privilèges qui remontent certes à la féodalité mais ces privilèges n’ont pas été constants à travers les siècles. 

Les privilèges de l’aristocratie ne sont qu’une sorte de délégation de pouvoir de la part d’une monarchie centralisée qui n’a pas encore les moyens technologiques de communication pour assurer la gestion quotidienne de ses affaires à travers son royaume. L’indépendance n’est que de fait et dès le développement des moyens de communication et de télécommunications, la centralisation du pouvoir se dirigera vers un autoritarisme exacerbé, les fascismes puis la domination du monde par l’oligarchie financière anglo-saxonne. 

En 1789, les révolutionnaires et intellectuels ont raisonné selon des idées, l’idée de liberté comme si pour remplacer l’idée de Dieu et de la volonté divine, il fallait rester à ce niveau intellectuel de la gestion des mythes et des utopies. Nous sommes alors en présence d’une minorité qui accapare le pouvoir, proclame l’exclusivité de la propriété privée pour servir ses intérêts privés et manipule les citoyens avec des mythes, utopies, fictions juridiques pour les soumettre à sa domination.

Alors Tocqueville comme Furet restent sur la recherche de la démocratie, un état d’esprit parce que l’état de la société médiévale a été détruit et que ses richesses ont été confisquées par l’aristocratie, les marchands et les banquiers qui défendent la propriété privée et l’élimination des biens communs.

La comparaison entre la colonisation du Canada par la monarchie française et celle des futurs États-Unis par les Anglais restent également très évasive sur les causes de ces situations et de ces comportements, de ces cultures politiques. La bureaucratie coloniale française est bien le résultat d’un pouvoir centralisé dans une monarchie absolue qui pour gérer des étendues de plus en plus vastes à besoin d’un instrument politique de contrôle et de décision locale immédiate. 

Les colons anglo-saxons, allemands et d’autres pays d’Europe ont une autre culture et ont subi d’autres évènements historiques dont la seconde guerre des communs en Grande-Bretagne. 

Dans les colonies des Caraïbes, ce furent dès le 16ème siècle les déportations des chrétiens catholiques irlandais et écossais. Puis les colons anglais sur les côtes de l’Amérique du Nord ont été des pauvres qui fuyaient la misère ou des communautés religieuses qui ont refusé de se soumettre à la secte des puritains anglo-saxons qui avait conquis le pouvoir et développé la religion anglicane pour légitimer leur dogme de la prédestination des puritains pour gouverner le monde et tous les peuples de réprouvés. Ou encore des communautés religieuses qui ont fui l’hostilité de la papauté catholique ou des pouvoirs politiques protestants. 

Cette histoire taboue elle aussi en Grande-Bretagne est aujourd’hui à nouveau connue et diffusée notamment grâce à Internet. 

Ces communautés ont été indépendantes et ont développé le travail en commun, sans administration centrale et d’ailleurs lorsque Londres a voulu imposer une administration sur la côte est du Nouveau Monde, les colonies se sont liguées pour combattre et obtenir leur Indépendance, fonder les États-Unis d’Amérique du Nord.

Pourtant Tocqueville pouvait analyser ainsi ces évènements tout comme plus tard Furet et nous aujourd’hui. Les liens avec le Nouveau Monde au delà de l’Atlantique n’ont jamais cessé depuis l’Antiquité. Voltaire a daigné rencontrer une fois Benjamin Franklin resté pourtant une dizaine d’années à Paris mais ce philosophe a refusé de comprendre d’où venait la culture et les règles institutionnelles qui ont permis aux insurgés de conquérir leur Indépendance puis d’écrire leur première Constitution. 

Différentes démocraties sont possibles selon leur histoire et leur culture.

Comme le fait remarquer Furet, l’explication de cette différence entre les deux manières qui se sont développés au Canada et aux USA tient dans leur histoire et leur culture. C’est ce savoir, ce sont ces vécus, ces expériences qui déterminent le régime politique, la volonté de s’organiser pour vivre ensemble. 

Nous arrivons alors à devoir admettre, comme lui, qu’il y a plusieurs démocraties possibles mais la question de savoir si une société sans classes est possible n’est plus centrale, essentielle et les normes de vie, les valeurs et les modes de vie, la culture d’une société sans classes sociales tombent rapidement dans le domaine des mythes, des utopies. Nous ne sommes plus dans les années 1950-1970 à nous demander si le marxisme arrivera ou non à éliminer les fascismes. 

Aujourd’hui reprendre l’histoire depuis la dernière période florissante humaniste en Europe correspond à remettre en place la culture humaniste, ses valeurs, ses normes et c’est à nous de définir nos nouveaux modes de vie. Nous venons de poser le choix de civilisation, les institutions politiques et économiques des Réseaux de Vie sont exposées, les institutions sociales en découlent logiquement et définissent une société sans classes sociales et sans marxisme, fascisme et idéologie quelconque au service d’un système de pouvoir.

Quitter les systèmes de pouvoir dont essentiellement le capitalisme et sa créature opposée, le communisme, signifie abandonner aussi ces constructions intellectuelles pour tenter de justifier la domination des peuples par des minorités ou pour chercher dans ces systèmes comment les peuples pourraient tout de même participer un peu plus au pouvoir dans ces démocraties représentatives aux mains des élites qui dirigent les systèmes de pouvoir.

L’organisation sociale de l’Ancien Régime en France.

Alors pour conclure ces commentaires sur ce texte de Furet, est-ce une idée saugrenue et folklorique que de remettre du sens dans ces notions de l’Ancien Régime que Tocqueville, selon Furet, a mélangé sans discernement et sans comprendre à quoi elles correspondaient ?

Les corporations

étaient des associations de métiers fondées sur les compétences et les expertises pour organiser l’activité sur le premier niveau, celui du travail indispensable à la vie et à la survie mais aussi sur le second niveau d’activité humaine, la réalisation des œuvres qui élèvent le niveau de vie et ces œuvres nous ont bien été transmises à travers nos cathédrales et nos plus beaux villages de France construits le plus souvent à la période médiévale

Les ordres regroupaient une activité intellectuelle sinon spirituelle dans la production et l’enseignement des savoirs, bases indispensables pour le développement d’une ville libre et la réalisation des œuvres qui élèvent le niveau de vie et sont transmises aux générations futures tout comme bases indispensables pour le développement de l’action politique dans une démocratie directe locale participative. 

Nous pouvons entrer davantage dans la vie sociale de ces corporations en prenant l’exemple de Strasbourg en Alsace.

document, extraits :

Dans les winstubs, le goût de l’Alsace

Ce qui distingue la winstub d’un autre restaurant n’est pas codifié : les critères requis pour s’en prévaloir ne figurent dans aucun texte administratif. Sa qualité première est son côté « heimlich », c’est-à-dire intime et alsacien, ce qui est une notion forcément subjective. Sa définition la plus juste est peut-être la plus imprécise : la winstub est l’âme douillette de l’Alsace… Mais comment caractériser une âme ? Pour la cerner, il faut aligner les mots et les idées comme le peintre superpose les touches de couleur…L’étymologie peut être une façon de raconter l’histoire. De ce point de vue, une winstub est un débit de vins. Les pichets ont été accompagnés par des petits plats (knacks, tartes à l’oignon, salades mixtes…), puis la carte a pris de la consistance (choucroute, poulet au riesling, rognons…) jusqu’à devenir, lâche sous forme de boutade l’historien Georges Bischoff 1, cette adresse conviviale « où la nourriture est aussi bonne qu’en France et aussi abondante qu’en Allemagne ! »

« La winstub renvoie à une sociabilité très ancienne, qui remonte au Moyen Âge et est liée aux poêles corporatistes », confirme et précise Georges Bischoff. Dans les villes d’Alsace, ces poêles (Trinkstuben) étaient les lieux des réunions de groupes professionnels ou sociaux. À côté de ceux des corporations (Zunftstuben), qui regroupaient les artisans en fonction de leurs métiers (maraîchers, bateliers, tanneurs, etc.), existaient les poêles des nobles, du clergé et des membres du Magistrat (Herrenstuben), voire ceux des bourgeois (Bürgertrinkstuben).

Contre un droit d’entrée et une cotisation annuelle, on allait dans ces maisons communes comme dans un deuxième chez-soi : pour y manger, boire, jouer, recevoir… Et toujours, évidemment, discuter. Elles étaient les auberges d’un clan. On y réglait ses affaires et on s’y laissait aller au plaisir du moment partagé, ce qui était déjà la pratique du stammtisch. « On s’y retrouvait chaque jour à midi, poursuit Georges Bischoff. C’était une sociabilité d’hommes. À Strasbourg, au XIVe siècle, entre 200 et 300 nobles se regroupaient dans ces Herrenstuben ». Le système des corporations et des poêles a subsisté jusqu’à la Révolution, après quoi, très logiquement, beaucoup de ces lieux sont devenus des restaurants.

À côté de ces poêles de l’Ancien Régime existaient bien sûr «des flopées d’auberges » ouvertes à tous ceux qui pouvaient se les offrir. Dans ses Colloques français et allemands, publiés en 1627, Daniel Martin, professeur de langue française dans ce qui était encore une terre germanique, énumère plus d’une soixantaine de « tavernes » (Au corbeau, Au bœuf, Au cerf, Au lion d’or, etc.) dans le seul centre de Strasbourg.

Article extrait du magazine Trésors d’Alsace, consacré au patrimoine de la région et qui évoque dans son premier numéro les tables remarquables d’Alsace, prestigieuses, historiques, pittoresques ou insolites. Textes Hervé de Chalendar – Édition Céline Walter.

Nous retenons que ces «Stuben» ou ces poêles étaient des maisons communes, un deuxième chez-soi.

Il s’agit de réunions d’hommes à Strasbourg. Nous savons que dans certaines villes, il y avait aussi des cercles de femmes. Dans les guildes anglaises, des femmes pouvaient diriger des corporations. Tout dépend de la survivance des coutumes celtes et de la pratique du matriarcat qui représentent des particularités locales au cours de la période médiévale, particulièrement en Écosse et en Irlande mais aussi dans les régions scandinaves d’où les vikings sont originaires comme d’autres peuples slaves partis s’installer sur les grand fleuves de Russie jusqu’à la Mer Noire. Il n’en reste pas moins que Strasbourg fut longtemps une république et une ville libre dans l’empire romain germanique.

Les villes libres.

Dans le cas de la ville libre de Belfort, depuis la charte de franchise de mai 1307, c’est en 1342 qu’une collégiale est fondée au pied du château.  

Une ville libre pour se développer doit avoir les moyens d’assurer la production de richesses sur les deux premiers niveaux de l’activité humaine et une certaine franchise vis à vis des pouvoirs des seigneurs environnants ou alors dépendre d’une abbaye dont l’ordre monastique garantit la gestion communale de l’ensemble des trois niveaux de l’activité humaine.

Pour Belfort, l’intervention des moines va se poursuivre. Il faut retourner au Moyen Âge et à une période de grande famine pour retrouver les origines de l’étang du Malsaucy. Car cette grande étendue d’eau n’a rien de naturel : elle a été creusée par les moines, sur des terres marécageuses, à la demande de Gaspard de Morimont, baron de Morimont et de Belfort, à la fin du XVe  siècle. Une époque où les moines développent des techniques piscicoles. Au Malsaucy, ils commencent par construire une digue permettant de retenir l’eau, entre 1490 et 1510. Si l’on ne trouvait plus rien à manger, il resterait toujours les carpes… Elles y prospèrent en effet, dans le Malsaucy mais aussi dans la Véronne, site naturel remarquable situé juste de l’autre côté.

Pour la noblesse dirigeante, arriver à mettre une de ses filles ou un de ses fils à la direction d’un monastère ou d’une abbaye devint rapidement un gage de prospérité pour son domaine foncier.

Longtemps, à la période médiévale, les nobles et la monarchie qui avaient été éduqués par les moines, une fois âgés, revenaient vivre dans leur monastère ou abbaye où ils avaient passé leur jeunesse, pour finir leurs vieux jours, en toute simplicité dans le travail et la prière comme les autres de leur communauté de vie matérielle et spirituelle.

Cette organisation de l’activité humaine en trois niveaux correspond à la pratique des civilisations égyptiennes et grecques, les deux puisant leurs enseignements dans les temples des bords du Nil.

C’est Hannah Arendt qui décrira l’horreur économique et sociale de la société industrielle dans le fait que les dirigeants pour maximiser leurs profits privés suppriment le niveau de la réalisation des œuvres avec les biens communs et leur gestion en propriété commune et confisquent l’action politique des citoyens pour assurer le despotisme et la tyrannie de leur pouvoir politique sur les peuples.

Dans les systèmes de pouvoir, les citoyens sont exclus de l’action politique et condamnés au travail indispensable aux intérêts de leurs maîtres. La réalisation des œuvres sera supprimée après 1789 avec la propriété privée des moyens de production, cœur du capitalisme industriel et financier.

Les assemblées communales de la démocratie locale directe participative à la période médiévale.

Pour répondre à Tocqueville et à Furet ainsi qu’à nos citoyens qui se complaisent dans l’ignorance ou le refus d’apprendre comment nos aînés s’organisaient en assemblées communales ou en confédérations régionales, un exemple probant est apporté par

Francis DUPUIS-DERI dans son livre :  « Démocratie Histoire politique d’un mot, aux États-Unis et en France », Lux Humanités 2013 Canada.

Nos élites ont bien réussi à faire l’histoire sans la participation des peuples et à appeler cela  «  démocratie ».

Extraits du document :  

Page 41 à 47 : 

« Pourtant au Moyen Âge et pendant la Renaissance européenne, des milliers de village disposaient d’une assemblée d’habitants où se prenaient en commun les décisions au sujet de la collectivité.

Les  « communautés d’habitants », qui disposaient même d’un statut juridique, ont fonctionné sur le mode de l’autogestion pendant des siècles. Les rois et les nobles se contentaient de gérer les affaires liées à la guerre ou à leurs domaines privés, d’administrer la justice et de mobiliser leurs sujets par des corvées.

  …/… En plus des assemblées de la communauté, des assemblées fédérales réunissaient plusieurs communautés d’une même vallée, par exemple, pour traiter des affaires communes.

…/… En plus de ces assemblées municipales, des assemblées au sein des guildes de marchands et d’artisans avaient régulièrement lieu pour déterminer les statuts de la guilde, les normes de travail et de production, les droits et devoirs des membres, les modalités de l’aide mutuelle et planifier les cérémonies religieuses.

…/… Certaines associations professionnelles prévoyant même dans leurs statuts que les femmes devaient représenter 50% des jurés du corps de métier.

…/… Enfin, des milliers de monastères ont été fondés au Moyen Âge où la communauté se réunissait quotidiennement pour prier et pour participer à des assemblées délibératives qui pouvaient compter jusqu’à 200 personnes.

La démocratie médiévale, bien vivante alors, mais aujourd’hui si méconnue, permettait au peuple de traverser de longs mois sans contact direct avec des représentant de la monarchie, une institution qui offrait finalement très peu de services à sa population composée de sujets, et non de citoyens.

En d’autres termes : un territoire et une population pouvaient être soumis à plusieurs types de régimes politiques simultanément, soit un régime autoritaire (monarchie pour le royaume, aristocratie pour la région) et un régime égalitaire (démocratie locale ou professionnelle).

…/… L’assemblée d’habitants est alors un espace où s’organise la résistance face à cette montée en puissance de l’État…./… Finalement, les assemblées d’habitants sont interdites et le roi nomme des préfets à la tête des communautés. »

Francis DUPUIS-DERI

Est-il vrai que les Amérindiens aiment les Français ?

De même pour éclairer les propos de Tocqueville sur la comparaison entre la colonisation du Canada et celle des futurs États-Unis, Francis Dupuis-Déri, en 2013, explique clairement la situation historique.

page 51 – 55 :

« En Amérique du Nord, les colonisateurs d’origine européenne ont été en contact avec des sociétés amérindiennes fonctionnant selon les principes démocratiques.

Pour le cas de la Nouvelle-France, notons l’exemple des Wendats (connus aussi sous le nom de Hurons) qui comptaient quatre niveaux de gouvernement, soit le clan, le village, la nation et la confédération.

…/… Le chef civil ressemblait à un animateur communautaire qui présidait aux festins, danses, jeux, funérailles, et agissait comme médiateur lors des conflits internes et de diplomate face aux étrangers. »

Francis DUPUIS-DERI

NDLR : Nous retrouvons ici l’utilisation de la Grande Loi qui les nations enseignée par les moines soldats et navigateurs de la flotte templière et viking de Normandie.

Document : extrait de Alexis de Tocqueville, « Regards sur le Bas-Canada » éditions Typo, 2005

« Est-il vrai que les Amérindiens aiment les Français ?

Oui, monsieur. Extrêmement. Ils ne consentent à parler que le français. Dans les déserts les plus éloignés, la qualité de Français est la meilleure recommandation près d’eux.

Ils se rappellent toujours nos bons traitements lorsque nous étions maîtres du Canada. D’ailleurs beaucoup d’entre nous leur sont alliés et vivent presque comme eux. »

Conversation entre Alexis de Tocqueville et un Canadien le 7 août 1831 (191 ans jour pour jour) à Mackinac (aujourd’hui État du Michigan).

Si le voyage de Tocqueville aux jeunes États-Unis d’Amérique (le pays n’a alors d’existence légale que depuis quarante-huit ans) est bien connu, celui qu’il a réalisé au Québec l’est moins.

Préalablement à sa visite de Montréal, de Québec et de l’arrière-pays français du Canada, Tocqueville longue la frontière américano-canadienne. Et plus particulièrement la région des Grands Lacs.

En 1831, la région des Grands Lacs est un vaste territoire resté sauvage que Tocqueville appelle le « désert ». Un désert vert, car rempli d’immenses forêts à perte de vue mais vide d’hommes, comme les grands déserts d’Afrique.

Les hommes qu’il rencontre sur ce territoire sont toujours majoritairement français en 1831. Ou plus particulièrement des métisses franco-amérindien ayant le français en langue maternelle.

Ces derniers s’appellent eux même des « bois-brûlé » du fait de leur couleur de peau caractéristique des métisses (cf notre éphéméride du 25 juillet sur ce sujet).

Au cours de son échange avec un Canadien daté du 7 août 1831, ce dernier rappelle les trois traits fondamentaux qui caractérisent les relations entre Français et Amérindiens.

Ceci, depuis la fondation de la Nouvelle-France en 1534 (soit depuis plus de trois cents ans lorsque Tocqueville visite le Canada).

Premièrement, le respect des Amérindiens envers les Français. Les Amérindiens surnomment en effet le roi de France « Onontio Goa ». L’expression signifie selon les tribus « le plus grand père sur terre » ou « la plus grande montagne sur terre » (en référence à la France dans cette dernière acception). Pontiac se déclarait lui-même « le fils de Louis » (Louis XV en l’occurrence).

Deuxièmement l’alliance entre la France et les nations amérindiennes présentes de l’embouchure du Fleuve Saint-Laurent au nord, jusqu’à la vallée de l’Ohio au sud.

La première alliance commerciale et militaire date de 1603 et est conclue par Samuel de Champlain au nom d’Henri IV. Du côté des Amérindiens, plusieurs chefs dont le célèbre Anadabijou, chef des Montagnais, sont signataires du traité.

Troisième caractéristique de la civilisation franco-amérindienne : le métissage entre Français et Amérindien, tant sur le plan matrimonial que sur le plan des mœurs.

Très rapidement les Français vivant au Canada se mettent à vivre à l’amérindienne. Un phénomène attesté dès 1616 par les missionnaires de la Compagnie de Jésus à travers leur recueil « Relation des Jésuites ».

Trois traits caractéristiques qui perdurent en 1831, malgré la conquête de la Nouvelle-France par la Grande-Bretagne en 1763.

le gouverneur de la Nouvelle-France Frontenac en route pour Cataraqui (actuellement en Ontario) en 1690. Peinture datée de 1897-1930. Source : John Henry de Rinzy / Bibliothèque et archives Canada.

Illustration : le gouverneur de la Nouvelle-France Frontenac en route pour Cataraqui (actuellement en Ontario) en 1690. Peinture datée de 1897-1930. Source : John Henry de Rinzy / Bibliothèque et archives Canada.

Tocqueville a su comprendre les liens sociaux, culturels entre amérindiens et français parce que les français ont su vivre à l’amérindienne. Il comprend tout aussi bien les relations entre les colons anglais vainqueurs et les colonisés amérindiens et français, spécialement les français de Québec qui doivent dorénavant se plier au gouvernement anglais.

LE PLUS GRAND MALHEUR

Au sortir de sa visite au tribunal de Québec, le 26 AOÛT 1831, Tocqueville écrit : « Je n’ai jamais été plus convaincu qu’en sortant [de ce tribunal] que le plus grand et le plus irrémédiable malheur pour un peuple c’est d’être conquis. » Le 29 août, il croit possible un « réveil » de ce peuple; cependant, tout sera perdu si les classes supérieures ne jouent pas leur rôle et s’abandonnent au « mouvement anglais ». Trois mois plus tard, le 26 novembre, son inquiétude pour l’avenir de la francophonie nord-américaine et du Bas-Canada se réaffirme : « Je viens de voir dans le Canada un million de Français braves, intelligents, faits pour former un jour une grande nation française en Amérique, qui vivent en quelque sorte en étrangers dans leur pays. Le peuple conquérant tient le commerce, les emplois, la richesse, le pouvoir. Il forme les hautes classes et domine la société entière. Le peuple conquis, partout où il n’a pas l’immense supériorité numérique, perd peu à peu ses mœurs, sa langue et son caractère. »

Pour aller plus loin : Alexis de Tocqueville, « Regards sur le Bas-Canada », éditions Typo, 2005.

Document :

« …/… Pour sa part le missionnaire jésuite Jean de Brébeuf témoignait en 1638 dans ses Relations des Jésuites que le pouvoir politique était en fait détenu par l’assemblée, pratique démocratique

…./… De telles communautés égalitaires et démocratiques attiraient inévitablement les Européens déserteurs de la marine ou de l’armée, les esclaves en fuite et des femmes fuyant un mari violent. Si bien que les autorités coloniales interdisaient les contacts entre les esclaves, par exemple, et les communautés amérindiennes.

…/… Comme le rappellent aussi l’anthropologue David Graeber et l’économiste Amartya Sen, la pratique de s’assembler pour délibérer au sujet des affaires communes a existé un peu partout, y compris en Europe au Moyen Âge et dans les siècles suivants, et dans les territoires que l’Europe a conquis et colonisés.

  …/… L’anthropologue Pierre Clastre note que les autorités européennes étaient loin d’être séduites par cette démocratie, et ont plutôt déduit que  « ces gens n’étaient point policés, que ce n’était point de véritables sociétés : des Sauvages  » sans foi, ni loi, sans roi .

…/… En fait, les premiers colons qui ont réussi à s’établir et à se maintenir en Amérique du Nord sans être décimés par la maladie ou massacrés par les Autochtones étaient connus sous le nom de « puritains  » . Ils fuyaient la répression religieuse en Europe à la recherche de liberté, mais ne se disaient pas démocrates pour autant.

Pour la majorité d’entre eux, la démocratie avait un défaut important : ce n’était pas un type de régime mentionné dans la Bible. John Cotton, un révérend puritain influent, déclarait ainsi en 1636 :  « Je ne pense pas que Dieu ait jamais ordonné la démocratie en tant que gouvernement souhaitable pour l’Église ou la société. » De même John Winthrop, un autre puritain, expliquait en 1643 que s’il faut adopter  « une démocratie pure, nous n’aurons pas pour cela de justification dans les Écritures : il n’y a pas un tel gouvernement en Israël ».

…/… Malgré ces propos très critiques, cette époque offre aussi ce qui semble être les premières références officielles positives de la démocratie.


En 1636, Roger Williams est banni du Massachusetts et part fonder le Rhode Island, dont la Constitution de 1641 semble être le premier document démocratique européen en Amérique du Nord. L’État y est défini comme « une Démocratie ou gouvernement populaire, (…) il est dans le pouvoir du corps des hommes-francs, en bon ordre assemblés ou, pour la majorité d’entre eux, de faire et de constituer les lois justes, par lesquelles ils seront régis ».

Francis DUPUIS-DERI

Ces extraits du livre de Francis Dupuis-Déri sont, à notre avis, suffisants pour montrer que les conflits entre systèmes de pouvoir et organisations en réseaux de vie n’ont pas cessé tout au cours de l’humanité, dans l’Antiquité comme dans l’histoire contemporaine. Les historiens ne vont guère poser leurs analyses jusqu’au fondement du droit de propriété. Ils restent le plus souvent au niveau des conflits entre partisans des théocraties et de leurs dogmes religieux et partisans d’un gouvernement civil ou militaire ou alors partisans d’une nouvelle forme de théocratie comme celle évoquée des Puritains anglo-saxons par rapport aux religions catholique et protestante en Europe.

Nous invitons nos lecteurs à lire le livre entier « Démocratie Histoire politique d’un mot aux États-Unis et en France » de Françis Dupuis-Déri.

Le Traité de Paix de 1701 entre les français et les peuples amérindiens avec nos commentaires est présenté dans notre article sur la Grande Loi qui lie. Cette confédération des Cinq Nations iroquoises servit de modèle pour la Première Constitution des États-Unis d’Amérique du Nord et son oubli ou son ignorance par les révolutionnaires bourgeois parisiens en 1789-1790 représente l’erreur fondamentale de la Révolution de 1789.

La comparaison entre la colonisation anglaise du Canada et le développement des USA montre clairement qu’un peuple colonisé par un système de pouvoir perd sa démocratie locale directe participative alors qu’une colonie anglaise qui se libère utilise l’exemple de la démocratie amérindienne, spécialement la Grande Loi qui lie les 5 nations iroquoises, pour rédiger sa Constitution fédérale des États-Unis d’Amérique du Nord.

Ne pas coloniser un peuple commence par adopter ses modes de vie et ses normes sociales. Ce fut le cas des français venus dans la région du Saint-Laurent, comme ce fut le cas deux ou trois siècles plus tôt pour les marins de la flotte templière et les vikings qui venaient faire escale dans le golfe du Saint-Laurent avant de descendre vers les côtes du Mexique et les embouchures des grands fleuves d’Amérique du Sud pour traverser ce continent et rejoindre les Andes de Tiahuanaco.

Cet exemple reste d’actualité lorsqu’il s’agit aujourd’hui de se décoloniser du gouvernement mondial de l’oligarchie financière anglo-saxonne. Au XVIIIè siècle, après l’Indépendance des USA, les anglais restés fidèles à la monarchie de Londres se sont repliés au Canada en détruisant les relations politiques, économiques et sociales développées lors de la Neuve-France entre amérindiens et français. Puis les banquiers anglo-saxons de Londres ont repris le pouvoir aux USA en mettant en place une nouvelle banque centrale privée. Cette histoire est décrite dans notre Partie 5 et le Dossier Nos chers ennemis.

Aujourd’hui, nous quittons un système de pouvoir capitaliste avec son régime politique autocratique et tyrannique dans sa forme néolibérale, pour développer nos Réseaux de Vie avec le régime politique de la démocratie directe locale participative.

Nous en avons montré leurs institutions politiques et économiques dont l’utilisation expliquent leurs institutions sociales que nous allons maintenant présenter.

Pour terminer cette présentation de la perception en France de la vie démocratique des Amérindiens et expliquer pourquoi le choix politique et économique n’a pas été de conserver la Neuve France en Amérique du Nord, citons cette phrase de Voltaire :

Document :


« Je suis comme le public. J’aime beaucoup mieux la paix que le Canada et je crois que la France peut être heureuse sans Québec. » Lettre de Voltaire, 6 septembre 1762.

En 1762, la guerre de Sept Ans qui a débuté en 1756 est sur le point de s’achever. Québec et Montréal, les deux principales villes de la Nouvelle-France, sont sous occupation britannique depuis près de deux ans.

En France certains intellectuels prennent position pour une cession du Canada au Royaume-Uni en échange de la paix. Ces intellectuels font alors primer les intérêts économiques de la France à court terme.

A savoir garder les îles des Antilles pourvoyeuses de sucre, denrée de l’époque aussi précieuse que le pétrole aujourd’hui. Au dépend des intérêts à long terme : poursuivre le peuplement de l’Amérique française pour peser sur le destin du monde.

Louis XV, qui a déjà raté la négociation de la guerre de succession d’Autriche (1740-1748) en ne conservant aucun acquis territorial, passera de nouveau à côté de l’Histoire. Il ratera encore une fois les négociations de clôture de la guerre de Sept Ans. À sa décharge, la France sort perdante de cette guerre. À la différence de la guerre de succession d’Autriche de 1748, elle n’est pas en position de force pour négocier en 1763.

Voltaire mourra en 1778, persuadé que la cession du Canada aux Britanniques restait une bonne opération pour la France.

À sa décharge également, à cette époque les treize colonies britanniques d’Amérique débutent à peine leur guerre pour l’indépendance. A cette époque, personne n’imagine en Occident qu’elles seront en capacité un jour de devenir la première puissance mondiale.

source : Histoires de France 2.0 07/06/2022

Document :

« Nous sommes venus il y a trois cents ans, et nous sommes restés (…) S’il est vrai que nous n’ayons guère appris, assurément nous n’avons rien oublié. (…) Nous avons marqué un plan du continent nouveau, de Gaspé à Montréal, de Saint-Jean-d’Iberville à l’Ungava, en disant : Ici, toutes les choses que nous avons apportées avec nous, notre culture, notre langue et jusqu’à nos faiblesses deviennent des choses sacrées, intangibles et qui devront demeurer jusqu’à la fin. (…) De nous-mêmes et de nos destinées, nous n’avons compris que ce devoir-là : persister… nous maintenir… Et nous nous sommes maintenus, peut-être afin que dans plusieurs siècles encore le monde se tourne vers nous et dise : Ces gens sont d’une race qui ne sait pas mourir. » HÉMON, Louis. Maria Chapdelaine, Fides, 1914.

Remettre l’histoire dans le sens des Réseaux de Vie sans l’influence des systèmes de pouvoir

C’est aussi une manière que nous prenons ici pour montrer l’évolution de nos connaissances depuis Tocqueville et Furet. 

Elle implique que la sélection actuelle du savoir académique enseigné pour défendre les fondements idéologiques du système de pouvoir capitaliste libéral ou celui des autres systèmes de pouvoir et des théocraties, est à rejeter lors de l’abandon de ces systèmes de pouvoir. 

Les Réseaux de Vie n’ont pas l’obligation de chercher de nouvelles connaissances ignorées jusqu’ici ce qui rendrait certes cette entreprise hasardeuse. Non, ces connaissances liées au fonctionnement des organisations en réseaux de vie ont existé et elles ont été plus ou moins utilisées par les dirigeants au pouvoir ou alors par leurs opposants. Nous avons la mission d’actualiser ces connaissances, ces savoirs déclarés tabous, ce Droit interdit et nous connaissons les méthodes à utiliser à nouveau, principalement l’alliance des contraires et la subsidiarité.

Dans le régime actuel des démocraties soumises au système de pouvoir capitaliste, les mythes républicains, l’idée de liberté sont transmis par le système scolaire et universitaire. De même la Santé, les services à la personne sont soumis à la doxa de la doctrine libérale : il n’y a pas de société, il n’y a que des marchés. 

L’utilisation exclusive de la propriété privée surtout dans les moyens de production a pour conséquence la limitation du pouvoir politique des gouvernements par les dirigeants du système capitaliste : l’état gendarme revient sur les acquis sociaux de l’état providence utilisé pour reconstruire le pays après 1945 et le système fiscal nécessaire pour une certaine répartition des richesses afin d’éviter l’explosion ou l’implosion politique du système capitaliste libéral, ne cherche plus à développer une classe moyenne mais à appauvrir celle-ci de manière à ce que la maximum de richesses produites servent les intérêts privés des dirigeants du système et de leurs actionnaires.

Les Réseaux de Vie se développent autrement, nous le savons. Nous pouvons maintenant aborder leurs institutions sociales.

Les Institutions Sociales dans les Réseaux de Vie

Elles ont pour mission, finalités, d’aider les institutions économiques et politiques à développer une civilisation humaniste florissante et son art de vivre. 

Leur fonction et leur structure participent à la réussite de l’action politique dans sa gestion de l’activité humaine. 

Leur fonctionnement est identique aux autres équipes de projets de vie, il n’y a que leur mission et leurs finalités qui les distinguent des autres équipes de projets de vie. 

Elles se rattachent à une institution politique locale comme une ville libre ou confédérale. 

Elles sont évaluées selon leur participation au COS, Coût d’Obtention de la Solidarité, prolongement du COQ, Coût d’Obtention de la Qualité.

Bref, ce ne sont plus des administrations publiques ou privatisées qui sont financées principalement par le système fiscal de répartition des richesses produites par le travail de tous, comme dans le système capitaliste libéral ou les autres systèmes de pouvoir.

Par contre, dans les Réseaux de Vie, l’utilisation de nos deux sources de savoir met en place des institutions sociales capables de développer la démarche individuelle initiatique à côté des institutions d’éducation et de formation qui développent la source de savoir intellectuelle et rationnelle. Il va y avoir donc plus d’institutions d’éducation et de formation que dans les systèmes de pouvoir. Elles vont participer à la production de richesses en favorisant l’élévation du niveau des compétences dans le but de développer de nouvelles synergies parmi l’activité humaine.

Les chapitres suivants vont préciser ces institutions sociales.

En conclusion de cette introduction sur les institutions sociales des Réseaux de Vie, 

nous venons de voir qu’au Moyen Âge, l’absence de moyens de communication permettait aux communautés locales de vivre le plus souvent en démocratie locale directe participative avant que ces moyens de communication ne favorisent la centralisation du pouvoir et la montée en puissance de l’état. 

Aujourd’hui après l’abandon des systèmes de pouvoir, l’utilisation des moyens de communication et de télécommunications permet un développement des réseaux de vie avec de nouveaux atouts. L’Internet dans le village planétaire organisé en réseaux de vie est loin de représenter une utopie mais bien un objectif réalisable avec des moyens humains et des technologies propices au travail en groupe et aux échanges en temps réel comme en temps discontinu. 

Cette diversité et ces échanges sont le socle du partage de la solution optimale obtenue à travers la pratique de la subsidiarité et ce partage est au cœur de la Solidarité entre les réseaux de vie. Bien commun, Internet sert à tout, à la production des richesses matérielles et à celle des connaissances et des savoirs. 

La société sans classes sociales 

se dévoile en sortant de l’ombre jeté sur elle par les dirigeants des systèmes de pouvoir. Ce n’est ni une chimère ni un mirage mais la promesse que ce qui a vécu pendant des siècles au niveau local devienne réalité au niveau national, confédéral, mondial pour gérer l’ensemble de l’activité humaine dans une civilisation à nouveau humaniste.

Nous allons commencer par les institutions sociales d’éducation et de formation puis nous verrons celles dont les missions sont les services à la personne. Enfin nous présenterons l’institution sociale de l’Action Politique pour préciser son organisation et son fonctionnement.

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