Note sur L’abandon de Tristesse

Texte composé en classe de Terminal, vers 18 ans. J’avais compris que cette camarade de classe était sincère lorsqu’elle me disait aimer Dürer et les approches de la mort, du monde double, de la sorcellerie. Son village était un des rares de la vallée à conserver la tradition des feux de la Saint Jean avec des incantations aux forces de la nature.

Je venais de vivre une syncope au retour d’une sortie en vélo et ma deuxième décorporation. Celle-ci m’avait permis de solliciter la puissance de mon âme pour me sortir de cet accident et échapper à la mort ainsi qu’à l’envoyé des ténèbres qui s’était approché à courte distance de ma présence dématérialisée. Il avait dépassé l’endroit où gisait mon corps.

A l’époque je conservais également un vif intérêt pour Rimbaud.

Dans ce texte, il y a trois niveaux :

1) le niveau de ma réponse à cette camarade : elle est personnifiée dans le personnage de Tristesse et dans la dernière strophe, elle revient sous une forme conventionnelle. Inutile de préciser que je ne lui ai jamais montré ce texte. Par contre, plus tard, celle qui allait devenir mon épouse et sa camarade ne retiendront que ce texte du recueil que je venais de lui offrir. Ses rires sarcastiques et ses sourires pleins de malice m’ont dans un premier temps désespéré mais déjà elle avait compris qu’il y avait autre chose derrière cette façade.

2) la discussion : si cette camarade voulait poursuivre une conversation sur ce sujet avec moi, saurait-elle se départir de ce personnage de Tristesse qui lui ressemblait bien ? J’en étais pas convaincu, en tout cas je lui montrais ce que j’attendais d’une jeune femme sur ce genre de question. Laurie, Sandra, Anke, Barbara et les autres femmes du mouvement correspondront plus tard à ce désir. Le lecteur fera le lien avec la première visite de Pierre chez Laurie, un samedi après-midi à Pirmasens et se souviendra de la manière dont Laurie se prépare avec ses bassines avant de se donner à son amant… c’est autre chose !

3) le niveau du monde double : la mort qui fait ses besoins et s’en va en s’essuyant les fesses. C’est une image pleine de dérision destinée aussi à choquer un lecteur non averti avant d’entrer dans le monde double de manière à tester son désir d’affronter les puissances occultes. Cette image est à relier à celles utilisées par Rimbaud lorsqu’il protège son illumination, sa claire voyance derrière le rideau du sarcasme, de la provocation choquante et des scandales. Le lecteur doit dépasser une réaction de rejet pour s’accrocher et déchirer ce rideau de camouflage.


” D’ailleurs Elle n’en veut pas encor de ton corps ” ceci provient directement de cette expérience de décorporation.

L’abandon de Tristesse, c’est aussi l’abandon de toutes ces perceptions, de cette poésie que j’avais avant de revenir cette deuxième fois dans mon corps.

Dorénavant j’ai côtoyé l’envoyé des ténèbres et il ne m’a pas eu. J’ai déclenché le dialogue avec mon âme, le dialogue de l’âme pour l’âme si cher à Rimbaud et c’est lui qui m’a fait revenir à la vie humaine. Dorénavant et jusqu’à la fin de mes jours humains, j’ai une foi nouvelle qui n’a plus aucun soupçon de la tristesse d’hier en face de ce je ne sais quoi qui restait inachevé. C’est l’annonce maintenant dans ce texte, du mariage avec ma chère nymphe, annonce prémonitoire de la rencontre avec Laurie et puis plus tard à Dendérah avec Isis, la Dame du Ciel, la mère des survivants. 

Pour arriver à ces rencontres, ces mariages , ces communions, avez-vous encore, vous aussi, des amours la sotte peur ?….

Et parmi ces amours, placez la relation captivante avec ces présences qui font partie de notre non-être, c’est à dire de ces présences avec lesquelles vous êtes en communion lorsque vous ne vivez plus dans votre corps charnel mais à côté ou loin de lui. Ce dialogue de l’âme pour l’âme nous donne un aperçu de l’amour divin ineffable. Ceci nous fait penser à ces mots connus de Paul Eluard :

” je ne m’aime pas, j’aime mes amours, je ne les impose pas mais je les défends. “

 

 

 

 

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