Le site et le roman parlent de gens qui s’aiment, qui partagent un espoir de vivre puis il y a des combats, les personnages se conduisent en parfaits militaires ( chevaliers, je vous l’accorde ). Laurie soigne même des gens torturés. N’y a-t-il pas une sorte de fascination pour le sexe et également pour le morbide ? Cette confusion des genres ne peut qu’égarer et laisser dubitatif des lecteurs.
Réponse : il n’y a aucune confusion pour un poète. S’il se fait le chantre de l’amour humain, divin, pratiqué sans pudibonderie, il n’a aucune raison de laisser cet amour bafoué, violé, par le premier criminel venu. S’il peut convertir au pacifisme, à la non violence, un être belliqueux, il en va tout différemment lorsqu’il s’agit d’écarter un système de pouvoir qui utilise la guerre et la discorde pour servir ses intérêts particuliers. L’initié ne reste pas béatement dans son coin à attendre la nuit pour contempler la lune, astre qui va le moins lui faire mal aux yeux. Le roman pose une question simple : quand les initiés, druides, pharaons, grands prêtres, maîtres spirituels, poètes, personnes ayant vécu des E.M.I., retrouveront-ils le droit de décider de l’emploi ou non des armes ? Quand les femmes françaises, européennes, comme les gauloises, leurs ancêtres, retrouveront-elles seules, le droit de voter le départ ou non des hommes pour le front ?
Les exemples de guerres conduites plus humainement par des chefs initiés à une dimension supérieure de la vie, sont devenus plus rares depuis le XX ème siècle. Prenons toutefois l’exemple de Clemenceau qui dans sa jeunesse coopéra avec Victor Hugo. Regardez comment l’élève de Victor Hugo dirigea la Première guerre mondiale ? Comment il fit taire les prétentions suicidaires de certains de ses généraux pour mener une guerre économique dont les armements modernes firent basculer le sort des combats et évitèrent les massacres de soldats. Songez à son humanité avec les poilus. Quand il descendait dans les tranchées, ne suivait-il pas les misérables dans les égouts de Paris, l’exemple des mineurs de Zola au fond des boyaux de la mine, l’exemple de ces gens qui à travers l’humilité de leur condition humaine forgent le destin d’un peuple ? Le père la Victoire était resté fidèle à ses maîtres en poésie et littérature et les poilus le voyaient, le comprenaient.
Songez à la deuxième guerre mondiale. Quels chefs de guerre furent fidèles à leurs maîtres spirituels ou à leur propre initiation ? Tous restèrent fidèles à la logique militaire pure et dure et un maréchal français se distingua même en démontrant qu’il n’avait rien compris à l’exemple de son chef politique durant la guerre de 14-18. Pas un ne daigna s’occuper efficacement du génocide perpétré en Europe et en Asie, Russie. Je me souviens de la reconstitution des combats du plateau des Glières à laquelle j’ai participé durant mon année au 27ème BCA. Nous avions été si fidèles à ces évènements qu’effectivement aucun mortier ne participa à la manœuvre car aucun mortier ne fut largué ni sur les Glières ni sur le Vercors. Les ” vrais ” militaires, soit par mépris soit par suspicion envers les soldats de l’ombre, ne donnèrent pas l’ordre d’équiper les maquis avec ces mortiers, armes indispensables pourtant à un combat en montagne. La logique militaire préparait d’autres priorités, indifférente qu’elle était au sort de ceux qui se battaient au cœur de la tourmente.
Si l’histoire du roman mêle amour et combats militaires, c’est bien pour affirmer que les combats pour éliminer les criminels doivent être dirigés par des initiés. Un maître spirituel travaille aussi pour placer les armes sous la garde du sacré. Jésus a obligé ses disciples à porter une épée mais ce n’était pas pour provoquer des massacres inutiles, juste pour que personne ne vienne changer le cours du destin qu’il s’était choisi et Pierre dut ranger la sienne au jardin de Gethsémani. L’initié ne cherche pas à vaincre grâce à des machinations diaboliques. Non, il poursuit sa route jusqu’à sa victoire finale, celle qui achève le seul combat qui mérite d’être mené : le combat sur la mort, sur le néant, sur l’envoyé des ténèbres afin de faire triompher une nouvelle vie, une naissance à une nouvelle vie autre que celle humaine. En acceptant de périr sous les flèches, Krishna convertit le roi et sa suite. En mourant sur la croix comme un zélote ou un brigand, Jésus assura la victoire des communautés chrétiennes sur l’empire romain. L’amour est sans partage, il ne peut s’accommoder de haine, de violence. Il ne peut vivre sous la coupe de tyrans et de criminels. C’est cette dimension que le roman entend restituer : l’amour est sans fin car jamais toutes les armes ne seront sous la garde du sacré mais c’est justement à travers cette lutte quotidienne que se révèle l’amour dont les être humains sont capables, surtout si celui-ci est magnifié, amplifié grâce à une initiation au monde supérieur. S’il n’y a pas d’amour heureux sur terre, il y a tout de même l’amour que se portent des êtres à travers de mêmes cheminements de vie, de même combats contre la violence et la bestialité et cet amour reste le moyen le plus fort pour vaincre la mort de notre corps charnel et accéder à une nouvelle dimension de l’amour.
Pierre le confiera à Laurie : au cours de sa deuxième décorporation, même l’envoyé des ténèbres arrivé tout près de sa présence dédoublée le respectera. Non par crainte de la présence divine qui était dans Pierre : que ce soit l’envoyé des ténèbres comme la présence divine, tous deux respecteront le choix de Pierre. Dès qu’il s’est enfin décidé à faire appel à la présence divine pour revenir dans son corps, l’envoyé des ténèbres disparut et l’affaire en resta là : Pierre n’en conserva aucune cicatrice. L’amour absolu ou l’amour divin existe bel et bien pour l’initié et il peut se marier à l’amour humain pour vaincre la violence. L’essentiel n’est pas de porter ou non l’épée, l’essentiel est de savoir pourquoi nous la portons. Alors nous savons déjà comment l’utiliser. Cette connaissance est la marque d’un chevalier, d’un chevalier qui aime et qui défend les gens qui s’aiment… même ensemble.