Partie 1 – Les institutions des réseaux de vie

L’alliance des contraires, un état d’esprit pour définir les objectifs

L’alliance des contraires assure le droit au respect des intérêts de chacun au niveau social.

Une éducation à l’exercice social de la mission d’autorité.

L’exercice de l’autorité que nous venons de décrire correspond à un groupe social limité dans sa taille.

Au delà du groupe, pour assurer la minimisation des violences à travers plusieurs groupes, au niveau d’un peuple et entre les peuples, les organisations en réseaux et les mouvements spirituels utilisent dans leur fonctionnement le principe de l’alliance des contraires. L’alliance des contraires est fondamentale dans les mouvements spirituels de l’Asie, le taoïsme, le ying et le yang, le tantrisme de la main gauche et celui de la main droite, etc. Ce principe est la base de l’équité lorsqu’il s’agit de résoudre un litige lors de l’application d’une règle. A défaut d’une opposition ou d’un point de vue différent, il s’agira de donner la parole à « l’avocat du diable ». Le constat est évident : au niveau social, excepté l’imposition forcée des dogmes, il est impossible d’obtenir en permanence un accord unanime sur l’ensemble du fonctionnement d’une société ainsi que sur la manière de vivre entre les peuples de la planète. Pourtant, un intérêt commun existe dans la manière de considérer la vie et d’assurer à chacun la dignité dans sa condition humaine.

L’alliance des contraires va bien au delà du simple respect de procédures équitables lors d’un litige et va au delà du droit judiciaire avec ses principes du contradictoire, de la publicité des débats, etc. C’est une éducation à l’exercice social de l’autorité.

Nous ne sommes plus ici au stade individuel ni au stade du groupe mais au niveau social. Nous avons dit précédemment que la délégation d’autorité reste toujours partielle. Lorsqu’un problème ou un litige survient dans l’accomplissement de la mission d’autorités individuelles ou dans l’exercice du pouvoir ou du commandement, la résolution de ce problème ou de ce litige fait appel à nouveau à l’expression de l’ensemble du groupe. Il ne s’agit pas uniquement d’opposer l’intérêt de la société à celles des individus, l’intérêt des dirigeants au pouvoir à l’intérêt des membres du groupe comme c’est le cas dans un système de pouvoir. Le but reste identique : minimiser les violences pour assurer le développement de la paix sur le plan politique économique et social.

Dans un système de pouvoir, les dirigeants adoptent une attitude autocratique en imposant le savoir qui sert leurs intérêts. Ils disent : « nous savons » et il faut leur obéir. Apporter la contradiction, penser autrement représente alors une déviance et une opposition qu’il faut éliminer ou au minimum faire taire et occulter.

Dans l’organisation en réseau, les membres du groupe coopèrent en vue de la réalisation d’un projet.
Ils doivent inévitablement intégrer le principe d’incertitude et tenir compte des imprévus dans leurs démarches d’activité. Ils savent ce qu’ils veulent et ils savent qu’ils sont capables d’obtenir le résultat voulu, qu’ils peuvent réussir à obtenir la solution optimale. Mais ils savent aussi qu’ils doivent surtout compter sur un minimum d’erreurs pour réussir. Celui qui réussit est d’abord celui qui commet le moins
d’erreurs.

Nous sommes ici en présence du modèle IMC d’Herbert Simon. Intelligence modélisation choix : les décideurs ne peuvent pas tout prévoir, ils arrêtent de réfléchir quand ils trouvent la solution qui leur procure un niveau optimal de satisfaction. La solution optimale qui génère l’unanimité du groupe n’est pas unique et surtout elle n’est pas la marque d’une vérité absolue. Elle est optimale par rapport à un ensemble de contextes : spatial, temporel, relationnel, social, etc. Le travail intellectuel à partir de la deuxième source de savoir permet de trouver cette solution optimale matérielle et relationnelle.

L’alliance des contraires organise la première étape dans la recherche de la solution optimale et le principe de subsidiarité organise la deuxième étape. Bien entendu les deux sont complémentaires. Pour continuer à utiliser le vocabulaire du management, nous pouvons dire que l‘alliance des contraires représente l’état d’esprit avec lequel il faut mettre en place la veille informationnelle.

En clair, pour définir un objectif et assembler les données, il faut prendre en compte tous les points de vue. Le résultat final est optimal et cohérent : plus les intérêts de chacun auront été pris en compte, plus la solution sera optimale et plus la solution sera optimale, plus il sera facile d’obtenir une adhésion à l’unanimité pour la valider en tant que solution optimale. Ensuite il faudra réussir son adaptation aux particularités locales et plus cette solution aménagée sera devenue optimale au niveau local, plus elle sera validée à l’unanimité des membres de ce groupe local. Dans un autre groupe local, les particularités locales feront qu’au autre aménagement de la solution optimale sera mise en place.

L’écoute et le dialogue

Un principe de base chez les Bénédictins

La plus ancienne entreprise occidentale vieille de 1500 ans, fondée en l’an 500 au mont Cassin par
Bernard de Nursie, l’organisation en réseau des monastères bénédictins, comme les mouvements spirituels d’Asie, utilise cette alliance des contraires. Les membres d’une organisation en réseau cherchent à apprendre de toutes les expériences et de tous les personnages originaux.

le Mont Cassin, Italie

Chez les bénédictins la décision est prise en trois étapes :

  • au départ il y a la phase du silence, les moines sont à l’écoute d’eux-même et des autres, notamment des novices qui ont encore un regard neuf.
  • Puis vient la phase du dialogue qui confronte les points de vue.
  • Enfin il y a la troisième étape, la phase de l’action dans laquelle la décision est prise puis est mise en oeuvre.

L’alliance des contraires concerne les deux premières phases : l’écoute et le dialogue.

Il s’agit de sortir de notre champ cognitif habituel, de notre cadre de référence quotidien pour prendre en compte ce que font les autres. Cette compréhension de l’autre repose au départ sur l’empathie, la capacité à s’identifier à quelqu’un, à ressentir et partager ses émotions ; elle représente une forme de compréhension affective de l’autre. C’est une technique de communication qui s’apprend. Viennent s’ajouter le cas échéant d’autres registres de langages développés avec notre première source de savoir, la source spirituelle et initiatique : le langage des corps à partir des voies spirituelles du dépassement des limites du corps et de l’extase amoureuse, le langage du coeur à partir des voies spirituelles de l’expérience mystique et de la voie directe poétique. Nous y reviendrons.

Les critères qui différencient les contraires sont extrêmement nombreux : le sexe, l’âge, des critères d’espace et de temps: une origine géographique, une période de l’histoire, etc. Pour mettre en place l’alliance des contraires, il faut donc commencer par regarder si la plupart de ces critères sont présents, sont représentés parmi les membres du groupe. Il n’est pas nécessaire que des personnes physiques appartenant à ces critères soient présentes, il suffit que leurs points de vue soient présents.

Dans un système de pouvoir, les décisions sont soumises à une cohérence par rapport aux objectifs des dirigeants du système, parfois il y a peu de liberté pour définir des objectifs différents. Ces contraintes et ces limites n’existent pas dans les organisations en réseau.

Le mélange des règles fixes et des règles flexibles.

L’exemple des monastères bénédictins est intéressant. Les règles mises en place par Bernard de Nursie en l’an 500 sont toujours présentes mais elles ont été constamment réinterprétées en fonction de l’endroit et de l’époque où se trouve le couvent. Ce mélange de règles fixes et de flexibilité est largement inconnu dans les systèmes de pouvoir qui sont incapables de changer.

Par exemple les entreprises ont des durées de vie très limitées car justement elles sont incapables de changer c’est-à-dire de définir de nouveaux objectifs qui changent radicalement leurs structures. Pour Herbert Simon, l’intelligence d’une organisation porte sur sa capacité à se remettre en question dès qu’une menace ou une opportunité dans l’environnement se manifeste afin de s’adapter pour en tirer l’avantage optimal.

Un autre exemple d’alliance des contraires se retrouve dans la confédération des nations iroquoises : lorsqu’un autre peuple refuse les propositions de paix de la confédération, ce sont les femmes et les mères qui ont seules le droit de déclarer la guerre, c’est-à-dire le pouvoir d’envoyer leurs maris et leurs fils au combat.

L’alliance des contraires est ici utilisée pour prendre en compte le sort des victimes possibles d’une décision. Comme chaque décision présente des avantages et des inconvénients, en bonne intelligence, il ne s’agit pas de minimiser les inconvénients ou de les occulter mais de les gérer au même niveau que les avantages attendus. C’est bien entendu ici une démarche de prévention des risques. Cette prévention des risques fait partie intégrante de l’alliance des contraires.

Il n’y a pas de juste milieu

Il ne faut pas se limiter à la considération simpliste qui dit que l’alliance des contraires nous permet de trouver un juste milieu. Car il ne faut pas considérer ce juste-milieu comme un idéal. Lorsque nous savons ce que nous voulons faire, avant de décider, nous devons rechercher qui a intérêt à prendre une décision contraire. La démarche écologique repose essentiellement sur de telles confrontations : le gaspillage des ressources d’un côté entraîne la pauvreté et la misère pour les autres. La recherche du profit pour les uns a pour conséquence un partage de plus en plus inégal des richesses. Le monopole des industries de bio
technologies agricoles sur les semences entraîne en Inde la ruine et le suicide des paysans et ces conséquences sociales inacceptables ne dérangent pas ces capitalistes car pour être encore plus rentable, l’agriculture doit se faire à grande échelle sur de vastes surfaces.

Le financier cynique vous répondra que cette évolution inévitable s’est faite en plusieurs siècles en occident mais qu’aujourd’hui cette évolution doit se faire très rapidement et donc brutalement en Asie ou en Amérique du Sud car il s’agit de nourrir l’humanité et l’explosion démographique sur notre planète. La fin des petits paysans est ainsi inéluctable pour favoriser l’agriculture capitaliste capable de générer de fabuleux profits financiers pour ses dirigeants.

Le fonctionnement de notre système de pouvoir politique, économique et social occidental rejette toute possibilité d’alliance des contraires et de gouvernement mondial fondé sur les valeurs de paix et d’amour. Ce fonctionnement repose sur des équilibres de la terreur pour dissuader les peuples de bouger et se révolter : terreur nucléaire, terreur démographique avec des peuples condamnés à la misère endémique, terreur technologique avec les menaces des pollutions, du changement des climats. Terreur des futures guerres mondiales lorsque les peuples chassés par la désertification, la montée des eaux, par la misère mortelle se mettront en marche vers les pays disposant de conditions de vie confortables et agréables.

Les dirigeants de notre système de pouvoir économique capitaliste rejettent toute perspective d’alliance des contraires : ils sont dans la défense de leurs dogmes et leurs recherches de toujours plus de profits.

Aucune négociation n’est possible car il n’y a pas d’alternative possible à leurs politiques neo libérales : il n’y a pas chez eux la reconnaissance qu’une alternative est possible. le fonctionnement de leur système de pouvoir exclut toute alliance des contraires. Nous le montrerons plus loin : pour restaurer cette alternative et mettre en place l’alliance des contraires, nous devrons nous séparer d’eux et éliminer leurs système de domination dans nos sociétés.

La vie et la mort peuvent s’opposer et apparaître comme deux contraires mais pour l’initié, la mort n’est plus qu’un passage entre deux contraires : une condition humaine incapable de comprendre les mystères de la vie et une vie d’après la vie humaine qui n’a plus rien à voir avec le corps charnel.

Nous pouvons retrouver ici Freud et Keynes.

Freud soutient que la pulsion de mort est inscrite au cœur de l’activité humaine et elle est repoussée par la pulsion sexuelle qui est une pulsion de vie. Mais le risque de voir une société se désagréger reste permanent. Chez Keynes, le détournement de la pulsion de mort est opéré par le désir infini d’accumulation. L’amour obsessionnel de l’argent devient une passion morbide, répugnante, qui entraîne les désordres sociaux et la révolte des plus pauvres.

Dans cette alliance des contraires, l’issue fatale est pessimiste chez Freud. Keynes est un peu plus optimiste en demandant que les états mettent en place un gouvernement mondial fondé sur les valeurs de paix et d’amour capable de satisfaire les besoins essentiels de l’humanité. Nous l’avons déjà dit, ces deux auteurs n’ont pas abordé la démarche spirituelle et ils n’ont pas vu l’intérêt de l’alternative des organisations en réseau par rapport aux systèmes de pouvoir qu’ils critiquaient. Leurs discussions restent limitées au cadre du savoir imposé par les systèmes de pouvoirs et ces deux auteurs ne sont pas réellement sortis de ce cadre de pensées.

L’alliance des contraires représente un état d’esprit, une éducation, un désir qui ne peut exister sans une mise en pratique. Si nous reprenons le fameux terme marxiste de praxis, l’alliance des contraires est la finalité de l’organisation, l’élément stratégique de la praxis. Le principe de subsidiarité qui conduit la démarche d’activités opérationnelles et tactiques est alors le second élément complémentaire de cette praxis.

Cette éducation utilise nos deux sources de savoir et c’est bien notre première source, celle qui n’a pas besoin de savoir lire et écrire, la source initiatique et spirituelle qui nous donne une vision du monde et de la place de l’être humain sur la planète Terre. La seule source de savoir rationnel et intellectuel n’est pas capable de nous mener à l’alliance des contraires et donc elle va mettre en place une solution optimale certainement brillante sur le plan scientifique et technologique mais qui ne sera pas acceptée par l’ensemble du groupe social et qui sera insuffisante pour répondre à nos raisons de vivre selon les valeurs de paix et d’amour. Elle sera inéluctablement source de conflits et d’injustices.

L’amélioration de la gestion de l’autorité et du commandement

Le principe de subsidiarité a pour finalité de mettre en évidence la solution optimale capable de recueillir une décision à l’unanimité dans le groupe. Il concerne la gestion du pouvoir et il participe à l’élévation du niveau de compétences des membres du groupe. Mais il reste la question de l’autorité et du commandement.

L’alliance des contraires intervient pour améliorer la gestion de l’autorité et du commandement. Il s’agit de vérifier l’adhésion à la solution optimale et d’examiner les particularités locales qui vont nécessiter des interprétations de cette solution optimale pour des ajustements ponctuels et locaux.

Bien entendu un bon fonctionnement du principe de subsidiarité élimine avec l’obtention de la solution optimale, la plupart des difficultés au niveau du commandement et de l’application de la décision : une décision prise à l’unanimité sera moins sujette à des polémiques et à des querelles par la suite, surtout si au niveau du comité des experts chargé de la définir, il y a des délégués venant de groupes locaux qui au départ n’ont pas forcément les mêmes intérêts. Il n’en reste pas moins qu’une décision optimale prise tel jour ne sera certainement plus optimale quelques temps plus tard et il faudra décider du moment toujours optimal pour faire évoluer les décisions prises antérieurement.

De même, au niveau de la gestion de la mission d’autorité, tous les membres du groupe ne vont pas avoir le même niveau de besoin et d’intérêt pour le projet mené ensemble et certains, inévitablement, dans des groupes différents auront probablement des intérêts en contradiction avec ceux du groupe. Pour minimiser les violences autour de nous et de notre groupe de projet, il est nécessaire de prendre en compte l’intérêt des autres pour voir comment ensemble un intérêt général peut se dégager. Nous n’en sommes plus au niveau de la main invisible qui transforme les intérêts égoïstes et cyniques individuels en intérêt général et au niveau d’un mythe et d’une fiction.

L’alliance des contraires repose au contraire sur des capacités de négociation, sur la recherche de consensus. Elle est contraire à la pratique actuelle du lobbying auprès des décideurs politiques ou des institutions publiques. A travers le fameux rapport espace-temps, pour un groupe de projet, il y aura inévitablement d’autres groupes qui seront soit lésés par cette solution optimale soit convaincus par d’autres solutions meilleurs pour eux en fonction de leurs particularités locales ou en fonction de leur culture. A moins de considérer que nous sommes les nombrils du monde et que tous les autres nous perçoivent ainsi, le principe de subsidiarité ne suffit pas, il faut compléter cette démarche de projet avec le principe de l’alliance des contraires.

Le groupe de projet, en même temps qu’il cherche à mettre en place un groupe d’experts avec les autres groupes qui ont le même problème ou le même projet, doit également chercher à identifier les groupes qui pour le moment ne seront pas d’accord avec la solution optimale envisagée et ce, pour différentes raisons : ils utilisent une autre solution plus ancienne, leurs intérêts seront menacés, ils font partie d’un système de pouvoir qui refuse le développement de ce réseau, etc. Les groupes qui peuvent avoir des intérêts différents et contraires sont connus : les hommes et les femmes, les générations : enfants, parents, grands parents, les différentes nationalités, cultures, religions, les métiers, etc. Nous y reviendrons dans notre quatrième partie.

L’alliance des contraires s’intéresse bien entendu à ce qu’ensuite la solution optimale ne soit pas viciée par des erreurs tout comme le principe de subsidiarité mais sa finalité réside dans l’acceptation future de la solution optimale dans l’environnement du groupe. Cette acceptation se travaille évidemment dès la conception du projet.

L’alliance des contraires intervient à toutes les étapes de la prise de décision : dans la définition et la délimitation du projet ou du problème afin de prendre en compte les besoins et les intérêts d’autres groupes, ceci pour mieux définir l’intérêt général aux populations qui vivent ensemble ou en bon voisinage.

Elle intervient également lors du suivi de la prise de décision dans le contrôle du tableau de bord qui mesure les écarts entre la prévision et la réalité : les groupes qui ont des intérêts “contraires” ont partie de l’équipe de suivi et de contrôle. L’alliance des contraires cherche à mettre en place des procédures de conciliation et d’arbitrage dans le but de solutionner les litiges qui peuvent survenir dans le déroulement du projet comme dans l’environnement externe de l’organisation qui mène ce projet.

Pour illustrer l’alliance des contraires

L’exemple de la Confédération des nations iroquoises.

Nous allons utiliser l’exemple de la confédération des nations iroquoises, le cas de « la Grande Loi qui Lie » du peuple haudenosaunee qui vit dans la région des Grands Lacs en Amérique du Nord, depuis le fleuve Saint Laurent jusqu’à l’Atlantique dans la région actuelle de New York. Cette constitution qui organise la confédération des 5 puis 6 nations iroquoises datent des années 1350. La légende indique qu’un moine, à travers l’océan atlantique, est venu enseigner au peuple iroquois l’art de faire la paix entre les tribus. Nous reviendrons dans notre troisième partie sur cette intervention des moines, des vikings puis des templiers dans cette région bien avant le voyage de Christophe Colomb.

L’exemple de cette confédération iroquoise permet de montrer comment des tribus qui se font la guerre parviennent rapidement à s’entendre en mettant au point des outils de gestion pour résoudre leurs problèmes.

Ce fonctionnement des réseaux respecte les différences et cherche avant tout la meilleure solution capable d’être partagée par tous de manière à élever le niveau de vie de chacun.

L’arbitrage

Il est évident dans cette approche que la résolution des contraires passe par un arbitrage. L’arbitre ne va pas à imposer sa solution, sinon nous retombons dans un système de pouvoir.

L’arbitre est chargé de préparer le terrain, d’offrir une logistique pour recevoir les camps qui s’opposent afin que ces derniers puissent débattre dans des conditions optimales.
La nation qui détient le rôle d’arbitre est chargée de veiller au respect des règles et des procédures, elle possède le pouvoir de contrôle et doit signaler les dysfonctionnements, les anomalies. Ce n’est pas à elle de trancher et de décider. Il s’agit là de la première tâche à mettre au point dans l’organisation.

Vient ensuite la question des conflits extérieurs avec les peuples voisins. L’objectif du réseau et de nouer une alliance avec eux. Mais avant, il faut associer deux autres contraires : la nature davantage belliqueuse des hommes et leur savoir-faire guerrier avec la nature plus respectueuse de la vie des femmes. Pour limiter le penchant des hommes à se quereller, le pouvoir de déclarer la guerre et de nommer des chefs de guerre est donné exclusivement aux femmes dans la Constitution des nations iroquoises.

Nous savons par Jules César dans sa narration de la guerre des Gaules, qu’il en était de même chez les gaulois : c’était l’assemblée des femmes qui officialisait la déclaration de guerre et décidait d’envoyer leurs hommes et leurs enfants au combat.

Chez les germains, Jules César nous dit également que les femmes combattaient en première ligne, elles étaient nues de manière à être tuées plus rapidement si elles étaient vaincues afin de protéger leur honneur et de ne pas devenir esclaves. Jules César avoue que cette tenue singulière avait de quoi troubler plus d’un de ses légionnaires, troubles qui pouvaient également profiter à l’adversaire pour vaincre les légionnaires romains. Rapidement Jules César cherchera alliance avec les germains pour utiliser la cavalerie germanique dont les charges causeront la défaite des gaulois biens plus que l’infanterie romaine. Nous savons que les chefs romains étaient avant tout des guerriers qui ont voulu développer leur empire et leur système de pouvoir. Ils n’ont jamais cherché à adopter l’organisation en réseau des peuples qu’ils écrasaient justement parce que cette organisation était contraire au système de pouvoir qu’ils commandaient.

Le groupe des mères a le droit de veto.

L’intervention des femmes dans la constitution de la confédération iroquoise est capitale : en cas de conflits entre le groupe et un de ses chefs, en particulier avec celui qui a été nommé chef de guerre, c’est le groupes des mères qui en dernier ressort a le pouvoir de le destituer avant de nommer un autre membre à cette fonction de chef.

L’alliance des contraires est alors utilisée pour donner le droit de veto, la décision finale au groupe social le plus concerné par la décision : ici, le sort des femmes et des mères qui sont les plus concernées par les guerres, les viols, l’esclavage, la perte de leurs fils aux combats. Plus logique et humain que cette règle de bon sens, même Marx et Engels ont renoncé à chercher.

L’exemple de la confédération iroquoise est aussi capital car il s’agit d’un vestige juridique qui nous est parvenu intact et qui a pu être conservé par quelques colons anglais particulièrement cultivés et curieux du monde qu’ils découvraient.

En Europe et particulièrement en France, l’organisation en réseau du temps des cathédrales et des chevaliers du Temple a été détruite férocement par l’absolutisme royal et l’inquisition des papes. Les derniers vestiges ont été perdus à la fin de juillet 1789, lorsque les populations allèrent détruire les châteaux et les édifices de l’église qui soutenaient le pouvoir de l’aristocratie. Cette confédération des nations iroquoises représente donc aujourd’hui le dernier et le meilleur exemple du fonctionnement d’une organisation en réseau. Il est normal que certains de ses principes de base convenaient à merveille à la mise en place des États-Unis d’Amérique tout comme son fonctionnement convient à merveille aux développements politiques des États-Unis d’Europe.

Notre page sur la Grande Loi qui lie vous permet de découvrir davantage l’histoire des 5 nations iroquoises réunies dans une Confédération depuis 1315 et ses relations avec les autres nations amérindiennes ainsi qu’avec les français et les anglais.

Sans développer le sujet ici, nous mettons simplement une réserve sur l’utilisation du mot « État ». La confédération iroquoise porte sur des nations c’est-à-dire des entités bien définies et typées. Il est vrai que ce mot nation fait peur dans nos systèmes de pouvoirs occidentaux car ces systèmes de pouvoir se sont faits la guerre au nom de la nation. C’est aussi la force de l’exemple de la confédération des nations iroquoises : nous montrer que des peuples dans le respect de leurs différences arrivent à se réunir dans une confédération pour établir la paix autour d’eux et développer un niveau de vie supérieure aux nations européennes qui se développent dans des systèmes de pouvoir et se condamnent à se faire la guerre les uns les autres.

L’utilisation de l’alliance des contraires dans les équipes de projet de vie.

L’alliance des contraires est également utilisé pour améliorer une prise de décision, c’est l’étape 5 du schéma de prise de décision de Peter Drucker en 7 étapes : l’étape de la mesure des risques que présentent les alternatives posées à l’étape 4. C’est également, en management, la modélisation des solutions possibles dans le processus de décision et le modèle IMC d’Herbert Simon.

Pour optimiser une décision, le groupe qui a mis en évidence la solution optimale, tire au sort 3 sous- groupes : les arbitres, le sous-groupe qui défend la solution optimale, le sous-groupe qui attaque la solution optimale et se met à la place des principaux détracteurs possibles de manière à éprouver la solidité de l’argumentaire et les condition de mise en oeuvre de la solution optimale dans différents cas de figure ou contraintes locales.

Cette démarche est bien celle de la démocratie locale participative. Dans les systèmes de pouvoir, il s’agit au contraire d’imposer une règle depuis le sommet d’une pyramide hiérarchique et de laisser aux responsables subalternes le soin de trouver les aménagements pour rendre cette règle applicable quelles que soient les circonstances, ce qui ne permet pas la même adhésion à la règle ou à la norme de groupe que dans le cadre d’une organisation en réseau.

Poursuivre la lecture