Rimbaud : les illuminations
28 février 2022Rimbaud dans ses premiers poèmes reste proche de la poésie parnassienne et officielle, adoptant une forme classique malgré la nature…
J’ai vécu un temps
un temps au delà de l’univers
je l’ai vécu
au pied des neiges éternelles
qui montent dans le ciel
Vous tous amis connus Oh ! que trop connus
au sortir de mon corps
alors même qu’allait jaillir ma première crainte
en face de cette obscurité que je traversais
vous sortiez de l’ombre
un par un puis par groupe
je distinguais à peine des hommes des femmes
d’anciens hommes d’anciennes femmes
je voyais bien que vous me connaissiez parfaitement
moi aussi je voulais savoir qui vous étiez
vous là muets
Nous avancions heureusement vers une clarté
qui de plus en plus se manifestait
et je pouvais lire vos cœurs vos âmes
vos aspects physiques ne retenaient pas mon attention
comme il n’y avait aucun sentiment d’antipathie entre nous
j’allais directement à l’essentiel en vous
je n’avais pas à chercher des détails
sur lesquels j’aurais pu bâtir ma défense
peut-être aviez-vous gardé vos réels visages?
Je correspondais avec le plus profond de vous
grâce à un pouvoir nouveau incompréhensible
la vérité naissait et me faisait mal
en décapant les derniers restes d’une mentalité
qu’une connaissance imparfaite m’avait seul permis de forger
je ne vous voyais pas
j’étais en vous tout comme j’étais en moi
et vous étiez en moi et veniez me dire qu’un jour une fois
vous aviez déjà eu connaissance de moi et de la même manière
qu’en cet instant
Ce poids de révélations s’allégeait au fur et à mesure que la clarté devenait vive
De noir de bleu un point d’infinie clarté grossissait
j’ai voulu mesurer ce mouvement en une fraction infime
jamais je n’avais découpé le temps aussi finement
j’ai compris que ma vitesse avait une grandeur qui me semblait bien plus importante que ce que je mesurais en milliards de km pour une fraction infime de temps
j’ai compris que je n’avais aucun intérêt à m’arrêter sur ce point
la lumière m’attirait et je voulais aller le plus loin possible vers elle
Les autres ne disparaissaient pas mais ils se fondaient en moi
plus exactement ils revenaient en moi prendre leurs places
dans ce puzzle qui m’apparaissait être ma nouvelle identité de vivant
la lumière nous unifiait
et je comprenais que sans eux je n’aurais jamais pu avancer si loin
j’avançais infiniment grand infiniment vrai devant cette clarté immense
ce feux magnifique qui m’aspirait
La clarté se faisait vive pas aveuglante
je savais je voulais connaître le moment où elle deviendrait translucide
car je comprenais qu’elle représentait un passage
c’était une projection de moi que j’allais rencontrer
une fois que je l’aurais rencontrée ma connaissance ne saurait être plus parfaite
J’étais prêt tout en moi le montrait le criait j’étais prêt
le chemin ne devait pas s’arrêter
de plus en plus l’osmose s’établissait entre la clarté et moi
comme lorsque les autres étaient venus en moi prendre leurs places réservées
tout recommençait à s’agiter en moi
tout s’opérait et au feu de clarté qui allait bientôt disparaître
j’allais resté transfiguré
pour ne jamais plus craindre de mon existence
Mon impatience ne cessait de grandir
ce temps inachevé me permettait de rassembler mon esprit
c’était le troisième rendez-vous auquel j’assistais depuis le jour où mon corps avait failli éclater sous le souffle violent de l’esprit quand enfant je cherchais à braver le don qui depuis longtemps m’avait fait poète
Une autre fois par inadvertance j’avais marché sur l’arête de la mort mais alors je n’avais pas été prêt
je n’avais pu qu’échapper à une obscurité qui ne comportait aucune source de clarté et dieu sait le temps important que j’avais passé en attente dans ce noir
seule une ombre chargée d’un passé oppressant était venue à ma rencontre et de tout mon instinct je l’avais fuie car elle voulait m’emmener sans me dire quoi que ce soit
j’avais cette fois là deviné les ténèbres
Aujourd’hui je savais grâce à mes expériences que j’étais tout près d’atteindre les véritables dimensions de ma vie
je n’avais pas loupé le départ
et très confiant j’ai sorti alors mon passeport de poète
je revenais au rendez-vous à la source de mon identité
tout s’accordait pour me reconnaître et m’aider
mon assurance était maintenant indestructible
quoiqu’il advienne j’allais garder les marques de ces instants
j’étais de retour d’un long voyage
j’étais chez moi et ne demandais qu’à rester
qu’à goûter à la paix de mon âme
Ma vie terrestre sans un mot sans un regret
j’en avais fait don en sachant que jamais elle ne serait perdue
que j’allais la retrouver simplement autrement avec moins d’importance
la retrouver comme toutes ces vies ces moments
qui me semblaient être venus d’ailleurs d’autrui et qui pourtant ne faisaient qu’un en moi
leur réminiscence était un espoir époustouflant
ces vies qui étaient venues me rejoindre comme était en train de le faire ma vie terrestre me semblaient être la porte d’accès à la connaissance de mon identité avant ma vie terrestre
cette perspective me coupait le souffle
une logique parfaite était en train de naître
Cette façon de percevoir de comprendre
venait me démontrer que je pensais
que j’existais avec une pensée qui était toujours la mienne
je n’avais pas le temps d’attendre que la métamorphose soit achevée
mais je savais quel contenu d’expérience allait se résumer sur ce visage autrefois le mien et qui inévitablement allait surgir
D’ailleurs le temps pressait j’allais prendre du retard si je continuais à perdre du temps avec des considérations non essentielles
il fallait continuer car une fois que l’union serait faite entre la lumière et moi
je savais qu’immanquablement à chaque instant
je serais en harmonie avec tout ce qui se présenterait à ma perception
Et puis mon approche s’est ralentie
la clarté ne s’est pas éloignée
le temps devenait immobile
je me suis révolté et personne ne m’a répondu
partout où portait mon regard l’absence surgissait
stupéfait étourdi je ne savais que faire
Celui qui devait vivre et me donner la vie promise s’est alors manifesté parmi tout ce qui s’était révélé en moi
j’ai été profondément heureux d’apprendre que celui que j’allais être après ma communion avec la lumière était déjà en moi
faisait corps ostensible de mon identité
que c’était lui qui un jour ou l’autre me permettrait de m’identifier à jamais avec tout ce qui allait apparaître
Nous étions à nouveau réunis
cette fois-ci tu étais mon guide actif et bienveillant
j’écoutais je voyais ce que tu proposais
tu a compris que je cherchais autre chose
suite à ce que j’avais vécu lors de notre précédente rencontre
C’est parce qu’il était en moi comme un roc solide
qui ne pouvait être submergé que j’ai accepté de taire mes regrets
de revenir prendre toute ma place dans ma vie humaine
Un bref instant j’ai pressenti le voyage du retour
sa longueur sa durée puis je me suis laissé emporter par notre volonté
Une seule manifestation quelques mots et un verbe pour traduire l’action
c’était dur à avaler et je ne comprenais pas
Celui qui devait vivre et qui un jour vivra m’a donné l’assurance qu’il ne se retirerait jamais de moi et qu’il n’allait pas effacer nos souvenirs communs
que j’en aurais besoin pour poursuivre mon existence
Lorsque j’ai repris conscience sans prendre le temps de calme et de repos qui m’était offert
je l’avais refusé encore tout en colère comme quelqu’un qui se voit en plein hiver refuser l’entrée de sa chaude maison sous prétexte qu’il est en avance et qu’il doit patienter une ou deux heures
lorsque j’ai repris conscience j’ai pleuré de joie en silence
pleuré en contemplant ce paysage de neige et de montagnes
sans percevoir le moindre son
en restant encore un court instant entre la perception de cette ambiance surnaturelle et la splendeur d’un paysage que j’aimais
Cette unité affective dans cette transition vers le réel m’apparut être le dernier cadeau que j’emportais et qui m’accompagnait jusqu’ici bas avant de me laisser seul dans mon corps et mon esprit
cadeau somptueux comme preuve incontestable établie avec la perception de ma vie d’ici-bas pour dissiper les derniers doutes les dernières craintes et me montrer que je n’avais pas rêvé divagué
car aucun rêve ne permet cette perception physique de voir de toucher de marcher de se relever
tout en restant à l’écoute de l’indicible
tout en pouvant avec votre esprit vous mouvoir dans le paysage en ne sachant pas si votre corps que vous sentez normalement est bien ou non avec vous
car en même temps vous ne pouvez ignorer que tout là en bas
il doit y avoir un corps qu’il vous faut assez vite rejoindre
Les mots que cette source intarissable de vérité a prononcés en moi et que j’ai acceptés comme mots prononcés par moi ou plutôt comme Verbe
car la décision a été prise sous forme d’un verbe
est le même Verbe qui depuis m’a persuadé que le Verbe peut se faire chair
comme il aurait pu se faire chair en moi et donner naissance à une nouvelle continuité de la vie si le sens de son action avait été différent à cet instant là
et s’il ne m’avait laissé tant de liberté pour le suivre ou non le reste de ma vie humaine
j’ai vécu un temps
un temps au-delà de l’univers
je l’ai vécu
au pied des neiges éternelles
qui montent dans le ciel
Aujourd’hui puisque j’ai vécu là où nous devons aller
je suis prêt d’une façon nouvelle sans attente sans impatience
en cherchant à chaque instant avec un regard plus sûr plus juste
sur chaque visage parmi chaque mot paysage moment du jour ou de la nuit ciel ou reflet sur l’eau
la trace et le souvenir de tous ces éléments qui étaient en moi à cet instant là
de temps en temps et c’est un enchantement un peu puéril mais qui me ravit à chaque fois
je découvre des traces qui font partie de vos identités à vous autres que je ne connais pas ici-bas mais déjà un peu par après
je gère ces correspondances mais ma tâche première est autre
Comment répondre à cette volonté et que faire de ce présent somptueux que répondra au prochain rendez-vous cette source de Verbe qui ordonne la vie si ma réponse n’est pas un verbe de la même nature?
Quel est-il ce mystère de la vie unique dont à présent je connais les possibilités de communion extrême et notre situation si éparse d’êtres humains?
Franchir la mort n’est plus un problème mais une espérance et une joie
mais que faire de cette vie et quelle peut être son aide pour tenter de répondre aux questions qui me restent à résoudre lors de la prochaine rencontre?
D’où venons nous?
Où sont-ils tous ceux qui viendront prendre place dans mon identité?
ai-je intérêt à n’utiliser mes facultés de correspondance que pour forcer le cours du temps et provoquer de nouvelles rencontres
et ce au péril de ma vie au prix de ma folie ?
Sans cesse je reviens à ce moment où le Verbe s’est manifesté
toutes les perceptions liées à cet échange sont restées gravées dans ma mémoire
chaque fois je suis obligé d’accepter avec humilité cette faculté nouvelle de lire la vie
de voir instantanément quelle lumière anime les formes de vie que je rencontre
Cette découverte qui est promise à chacun de nous engendre une relation
une attitude nouvelle vis à vis des autres
la disparition momentanée de l’élément surnaturel fait naître une logique plus complète et cohérente
la logique de l’Amour
de l’amour de la vie et de ceux qui peuvent partager ma vie comme ceux qui en cet instant là
savaient si bien la partager avec moi pour me conduire vers la lumière
Mais que faire de cet amour ?
patienter dans le plus de paix possible en attendant le rendez-vous du grand passage?
cette logique au demeurant impossible doit-elle au contraire pousser l’initié à s’avancer pour proclamer qu’il incarne le Verbe ?
à s’exposer devant la condamnation des autres avec la plus grande fermeté dans sa foi ?
est-ce ainsi que l’on peut convaincre la multitude d’être à la recherche de ses ferments de vie éternelle ?
peut-on vivre n’importe comment et espérer qu’à l’instant crucial nous serons prêts à passer le seuil ?
Liberté terrible qui m’a été laissée
tu seras toujours terrible pour ceux qui ont vu
et toujours impossible
pour ceux qui ne croient pas pouvoir rencontrer un jour la lumière
LIBERTÉ
je t’ai comprise comme la marque de mon humanité
comme le seul trait caractéristique de mon existence terrestre par rapport à la vie que je devais trouver
Maintenant et bien plus qu’avant notre rencontre
je peux découvrir à chaque instant le voile de ma vie future
la faire renaître en parler la revoir la contempler la partager
Incapables dans notre esprit des pouvoirs de communion
et d’identification promis plus tard
c’est grâce à une bonne gestion de notre liberté
de gérer l’espace et le temps
que nous pouvons cependant découvrir le contact de notre éternité
et préserver des liens privilégiés avec notre devenir
Cette liberté de l’homme
est le trait fondamental de l’existence humaine
par rapport à la vie future où la perception repose sur une identification avec tout ce qui apparaît
Le déroulement du temps vous appartient
vous n’avez plus à l’analyser pour trouver ce que vous cherchez
pour éviter ce dont vous avez peur
Aujourd’hui la Liberté est notre seul bien
pour pallier la non-présence d’une identité infinie convaincue de son éternité.
Être privé de ma liberté
serait savoir que jamais plus
je n’irai au rendez-vous
et qu’à ma mort personne ne viendra à ma rencontre
pour conforter mon identité éternelle
acte d’amour absolu
si difficile à imaginer
sans cette rencontre surnaturelle.
Aujourd’hui
dix ans après
cet instant s’est imbriqué dans le temps présent
les restes inconsumables sont à l’échelle des instants
des nanosecondes de notre existence terrestre
Parfois il ne me reste qu’un poids sur le cœur
il presse d’émotion mes regards et les embue
sur mes lèvres viennent alors remuer ces mots
d’un refrain quelque peu mystique.
j’ai vécu un temps
un temps au-delà de l’univers
je l’ai vécu
au pied des neiges éternelles
qui montent dans le ciel.
Rimbaud dans ses premiers poèmes reste proche de la poésie parnassienne et officielle, adoptant une forme classique malgré la nature…
Les vains efforts d’une quête incertaineLa lumière d’une idée lointaineFugitives traces de ce malheurQui nous tenaille et opprime nos cœursLes mots me trahissent mon cœur s’en vaUne aigreur racle le fond de ma gorgePrémices de mon bienveillant trépasAvec le relent fermenté de l’orgeLes pas lourds des destinées m’aveuglentJe n’ose pas croire à tant de pitiéA […]
Le travaille me rebute, je le haisJe rêve sans cesse d’un air tranquilleD’une moiteur douce qui sans arrêtAbrégerait mes efforts inutiles Ce n’est pas que je ne voudrais rien fairePourtant je désirerais travaillerMais pas à la manière de ces hèresQui du matin au soir ne font que peiner Rien sur cette terre ne m’intéresseTout ce […]