L’âme des temps

Illuminations partie 2




J’ai vécu un temps

un temps au delà de l’univers

je l’ai vécu

au pied des neiges éternelles

qui montent dans le ciel


Vous tous amis connus Oh ! que trop connus

au sortir de mon corps

alors même qu’allait jaillir ma première crainte

en face de cette obscurité que je traversais

vous sortiez de l’ombre

un par un puis par groupe

je distinguais à peine des hommes des femmes

d’anciens hommes d’anciennes femmes

je voyais bien que vous me connaissiez parfaitement

moi aussi je voulais savoir qui vous étiez

vous là muets


Nous avancions heureusement vers une clarté

qui de plus en plus se manifestait

et je pouvais lire vos cœurs vos âmes

vos aspects physiques ne retenaient pas mon attention

comme il n’y avait aucun sentiment d’antipathie entre nous

j’allais directement à l’essentiel en vous

je n’avais pas à chercher des détails

sur lesquels j’aurais pu bâtir ma défense

peut-être aviez-vous gardé vos réels visages?

Je correspondais avec le plus profond de vous

grâce à un pouvoir nouveau incompréhensible

la vérité naissait et me faisait mal

en décapant les derniers restes d’une mentalité

qu’une connaissance imparfaite m’avait seul permis de forger


je ne vous voyais pas

j’étais en vous tout comme j’étais en moi

et vous étiez en moi et veniez me dire qu’un jour une fois

vous aviez déjà eu connaissance de moi et de la même manière

qu’en cet instant


Ce poids de révélations s’allégeait au fur et à mesure que la clarté devenait vive

De noir de bleu un point d’infinie clarté grossissait

j’ai voulu mesurer ce mouvement en une fraction infime

jamais je n’avais découpé le temps aussi finement

j’ai compris que ma vitesse avait une grandeur qui me semblait bien plus importante que ce que je mesurais en milliards de km pour une fraction infime de temps

j’ai compris que je n’avais aucun intérêt à m’arrêter sur ce point

la lumière m’attirait et je voulais aller le plus loin possible vers elle


Les autres ne disparaissaient pas mais ils se fondaient en moi

plus exactement ils revenaient en moi prendre leurs places

dans ce puzzle qui m’apparaissait être ma nouvelle identité de vivant

la lumière nous unifiait

et je comprenais que sans eux je n’aurais jamais pu avancer si loin

j’avançais infiniment grand infiniment vrai devant cette clarté immense

ce feux magnifique qui m’aspirait


La clarté se faisait vive pas aveuglante

je savais je voulais connaître le moment où elle deviendrait translucide

car je comprenais qu’elle représentait un passage

c’était une projection de moi que j’allais rencontrer

une fois que je l’aurais rencontrée ma connaissance ne saurait être plus parfaite

J’étais prêt tout en moi le montrait le criait j’étais prêt

le chemin ne devait pas s’arrêter

de plus en plus l’osmose s’établissait entre la clarté et moi

comme lorsque les autres étaient venus en moi prendre leurs places réservées

tout recommençait à s’agiter en moi

tout s’opérait et au feu de clarté qui allait bientôt disparaître

j’allais resté transfiguré

pour ne jamais plus craindre de mon existence

Mon impatience ne cessait de grandir

ce temps inachevé me permettait de rassembler mon esprit

c’était le troisième rendez-vous auquel j’assistais depuis le jour où mon corps avait failli éclater sous le souffle violent de l’esprit quand enfant je cherchais à braver le don qui depuis longtemps m’avait fait poète

Une autre fois par inadvertance j’avais marché sur l’arête de la mort mais alors je n’avais pas été prêt

je n’avais pu qu’échapper à une obscurité qui ne comportait aucune source de clarté et dieu sait le temps important que j’avais passé en attente dans ce noir

seule une ombre chargée d’un passé oppressant était venue à ma rencontre et de tout mon instinct je l’avais fuie car elle voulait m’emmener sans me dire quoi que ce soit

j’avais cette fois là deviné les ténèbres


Aujourd’hui je savais grâce à mes expériences que j’étais tout près d’atteindre les véritables dimensions de ma vie

je n’avais pas loupé le départ

et très confiant j’ai sorti alors mon passeport de poète

je revenais au rendez-vous à la source de mon identité

tout s’accordait pour me reconnaître et m’aider

mon assurance était maintenant indestructible

quoiqu’il advienne j’allais garder les marques de ces instants

j’étais de retour d’un long voyage

j’étais chez moi et ne demandais qu’à rester

qu’à goûter à la paix de mon âme


Ma vie terrestre sans un mot sans un regret

j’en avais fait don en sachant que jamais elle ne serait perdue

que j’allais la retrouver simplement autrement avec moins d’importance

la retrouver comme toutes ces vies ces moments

qui me semblaient être venus d’ailleurs d’autrui et qui pourtant ne faisaient qu’un en moi

leur réminiscence était un espoir époustouflant

ces vies qui étaient venues me rejoindre comme était en train de le faire ma vie terrestre me semblaient être la porte d’accès à la connaissance de mon identité avant ma vie terrestre

cette perspective me coupait le souffle

une logique parfaite était en train de naître


Cette façon de percevoir de comprendre

venait me démontrer que je pensais

que j’existais avec une pensée qui était toujours la mienne

je n’avais pas le temps d’attendre que la métamorphose soit achevée

mais je savais quel contenu d’expérience allait se résumer sur ce visage autrefois le mien et qui inévitablement allait surgir

D’ailleurs le temps pressait j’allais prendre du retard si je continuais à perdre du temps avec des considérations non essentielles

il fallait continuer car une fois que l’union serait faite entre la lumière et moi

je savais qu’immanquablement à chaque instant

je serais en harmonie avec tout ce qui se présenterait à ma perception


Et puis mon approche s’est ralentie

la clarté ne s’est pas éloignée

le temps devenait immobile

je me suis révolté et personne ne m’a répondu

partout où portait mon regard l’absence surgissait

stupéfait étourdi je ne savais que faire


Celui qui devait vivre et me donner la vie promise s’est alors manifesté parmi tout ce qui s’était révélé en moi

j’ai été profondément heureux d’apprendre que celui que j’allais être après ma communion avec la lumière était déjà en moi

faisait corps ostensible de mon identité

que c’était lui qui un jour ou l’autre me permettrait de m’identifier à jamais avec tout ce qui allait apparaître


Nous étions à nouveau réunis

cette fois-ci tu étais mon guide actif et bienveillant

j’écoutais je voyais ce que tu proposais

tu a compris que je cherchais autre chose

suite à ce que j’avais vécu lors de notre précédente rencontre


C’est parce qu’il était en moi comme un roc solide

qui ne pouvait être submergé que j’ai accepté de taire mes regrets

de revenir prendre toute ma place dans ma vie humaine

Un bref instant j’ai pressenti le voyage du retour

sa longueur sa durée puis je me suis laissé emporter par notre volonté


Une seule manifestation quelques mots et un verbe pour traduire l’action

c’était dur à avaler et je ne comprenais pas

Celui qui devait vivre et qui un jour vivra m’a donné l’assurance qu’il ne se retirerait jamais de moi et qu’il n’allait pas effacer nos souvenirs communs

que j’en aurais besoin pour poursuivre mon existence


Lorsque j’ai repris conscience sans prendre le temps de calme et de repos qui m’était offert

je l’avais refusé encore tout en colère comme quelqu’un qui se voit en plein hiver refuser l’entrée de sa chaude maison sous prétexte qu’il est en avance et qu’il doit patienter une ou deux heures

lorsque j’ai repris conscience j’ai pleuré de joie en silence

pleuré en contemplant ce paysage de neige et de montagnes

sans percevoir le moindre son

en restant encore un court instant entre la perception de cette ambiance surnaturelle et la splendeur d’un paysage que j’aimais


Cette unité affective dans cette transition vers le réel m’apparut être le dernier cadeau que j’emportais et qui m’accompagnait jusqu’ici bas avant de me laisser seul dans mon corps et mon esprit

cadeau somptueux comme preuve incontestable établie avec la perception de ma vie d’ici-bas pour dissiper les derniers doutes les dernières craintes et me montrer que je n’avais pas rêvé divagué

car aucun rêve ne permet cette perception physique de voir de toucher de marcher de se relever

tout en restant à l’écoute de l’indicible

tout en pouvant avec votre esprit vous mouvoir dans le paysage en ne sachant pas si votre corps que vous sentez normalement est bien ou non avec vous

car en même temps vous ne pouvez ignorer que tout là en bas

il doit y avoir un corps qu’il vous faut assez vite rejoindre


Les mots que cette source intarissable de vérité a prononcés en moi et que j’ai acceptés comme mots prononcés par moi ou plutôt comme Verbe

car la décision a été prise sous forme d’un verbe

est le même Verbe qui depuis m’a persuadé que le Verbe peut se faire chair

comme il aurait pu se faire chair en moi et donner naissance à une nouvelle continuité de la vie si le sens de son action avait été différent à cet instant là

et s’il ne m’avait laissé tant de liberté pour le suivre ou non le reste de ma vie humaine


j’ai vécu un temps

un temps au-delà de l’univers

je l’ai vécu

au pied des neiges éternelles

qui montent dans le ciel


Aujourd’hui puisque j’ai vécu là où nous devons aller

je suis prêt d’une façon nouvelle sans attente sans impatience

en cherchant à chaque instant avec un regard plus sûr plus juste

sur chaque visage parmi chaque mot paysage moment du jour ou de la nuit ciel ou reflet sur l’eau

la trace et le souvenir de tous ces éléments qui étaient en moi à cet instant là

de temps en temps et c’est un enchantement un peu puéril mais qui me ravit à chaque fois

je découvre des traces qui font partie de vos identités à vous autres que je ne connais pas ici-bas mais déjà un peu par après

je gère ces correspondances mais ma tâche première est autre

Comment répondre à cette volonté et que faire de ce présent somptueux que répondra au prochain rendez-vous cette source de Verbe qui ordonne la vie si ma réponse n’est pas un verbe de la même nature?

Quel est-il ce mystère de la vie unique dont à présent je connais les possibilités de communion extrême et notre situation si éparse d’êtres humains?

Franchir la mort n’est plus un problème mais une espérance et une joie

mais que faire de cette vie et quelle peut être son aide pour tenter de répondre aux questions qui me restent à résoudre lors de la prochaine rencontre?

D’où venons nous?

Où sont-ils tous ceux qui viendront prendre place dans mon identité?

ai-je intérêt à n’utiliser mes facultés de correspondance que pour forcer le cours du temps et provoquer de nouvelles rencontres

et ce au péril de ma vie au prix de ma folie ?


Sans cesse je reviens à ce moment où le Verbe s’est manifesté

toutes les perceptions liées à cet échange sont restées gravées dans ma mémoire

chaque fois je suis obligé d’accepter avec humilité cette faculté nouvelle de lire la vie

de voir instantanément quelle lumière anime les formes de vie que je rencontre

Cette découverte qui est promise à chacun de nous engendre une relation

une attitude nouvelle vis à vis des autres

la disparition momentanée de l’élément surnaturel fait naître une logique plus complète et cohérente

la logique de l’Amour

de l’amour de la vie et de ceux qui peuvent partager ma vie comme ceux qui en cet instant là

savaient si bien la partager avec moi pour me conduire vers la lumière


Mais que faire de cet amour ?

patienter dans le plus de paix possible en attendant le rendez-vous du grand passage?

cette logique au demeurant impossible doit-elle au contraire pousser l’initié à s’avancer pour proclamer qu’il incarne le Verbe ?

à s’exposer devant la condamnation des autres avec la plus grande fermeté dans sa foi ?

est-ce ainsi que l’on peut convaincre la multitude d’être à la recherche de ses ferments de vie éternelle ?

peut-on vivre n’importe comment et espérer qu’à l’instant crucial nous serons prêts à passer le seuil ?


Liberté terrible qui m’a été laissée

tu seras toujours terrible pour ceux qui ont vu

et toujours impossible

pour ceux qui ne croient pas pouvoir rencontrer un jour la lumière


LIBERTÉ

je t’ai comprise comme la marque de mon humanité

comme le seul trait caractéristique de mon existence terrestre par rapport à la vie que je devais trouver

Maintenant et bien plus qu’avant notre rencontre

je peux découvrir à chaque instant le voile de ma vie future

la faire renaître en parler la revoir la contempler la partager

Incapables dans notre esprit des pouvoirs de communion

et d’identification promis plus tard

c’est grâce à une bonne gestion de notre liberté

de gérer l’espace et le temps

que nous pouvons cependant découvrir le contact de notre éternité

et préserver des liens privilégiés avec notre devenir

Cette liberté de l’homme

est le trait fondamental de l’existence humaine

par rapport à la vie future où la perception repose sur une identification avec tout ce qui apparaît

Le déroulement du temps vous appartient

vous n’avez plus à l’analyser pour trouver ce que vous cherchez

pour éviter ce dont vous avez peur

Aujourd’hui la Liberté est notre seul bien

pour pallier la non-présence d’une identité infinie convaincue de son éternité.


Être privé de ma liberté

serait savoir que jamais plus

je n’irai au rendez-vous

et qu’à ma mort personne ne viendra à ma rencontre

pour conforter mon identité éternelle


acte d’amour absolu


si difficile à imaginer

sans cette rencontre surnaturelle.


Aujourd’hui

dix ans après

cet instant s’est imbriqué dans le temps présent

les restes inconsumables sont à l’échelle des instants
des nanosecondes de notre existence terrestre

Parfois il ne me reste qu’un poids sur le cœur
il presse d’émotion mes regards et les embue

sur mes lèvres viennent alors remuer ces mots

d’un refrain quelque peu mystique.


j’ai vécu un temps

un temps au-delà de l’univers

je l’ai vécu

au pied des neiges éternelles

qui montent dans le ciel.





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