Épisode 03 la seconde rencontre

 

Le vendredi après-midi vers 16h30, les huit s’étaient retrouvés. Encore dans le rythme de leur semaine de travail achevé vers 13h aussi bien en Allemagne qu’en Suisse ou en Alsace, ils se décompressèrent autour de la piscine en se racontant comment chacun faisait pour trouver ces moments de liberté et se précipiter au club. 

De plus amples présentations entre les sept couples

 Werner et Barbara avaient fait le plus long chemin mais étaient heureux de n’avoir pas connu de bouchons sur l’autoroute du côté de Baden-Baden. Leur garçon de seize ans et leur fille de quatorze ans se débrouillaient seul pour la soirée et jusqu’au retour de leurs parents le samedi midi ou le dimanche midi lorsqu’ils restaient le samedi chez Sepp et Sandra. Ces derniers agissaient de même vis à vis de leurs trois grands enfants : deux filles de dix-sept et quinze ans et un garçon de dix ans. Les deux couples avouèrent un sentiment de culpabilité pour délaisser ainsi leurs enfants car même si ces derniers étaient contents de profiter seul de la maison familiale, leurs parents ne pouvaient s’empêcher de constater qu’ils devaient les priver d’une éducation au plaisir qu’à leur âge, eux auraient bien aimé trouver. Ces deux couples se rencontraient régulièrement depuis quelques années, au club essentiellement durant le printemps puis passaient les vacances ensemble et avec leurs enfants dans des clubs naturistes en France ou sur la côte dalmate. Pierre et Françoise avouèrent avoir loué les services d’une baby-sitter, une étudiante, pour s’occuper de leurs deux petites filles de six et trois ans. 

 Tandis qu’ils mêlaient leurs conversations, trois autres couples vinrent les rejoindre. Deux couples français avaient été attirés par la conversation entre Barbara, Françoise et Pierre. Il est vrai que la minorité de français avait tendance à se regrouper dès qu’un mot de français était capté par quelqu’un d’autre car le partage de la langue favorisait tout de même beaucoup les échanges et cela permettait d’échapper à l’environnement quasi exclusif d’allemands. 

L’autre couple, Frantz et Anke, vint saluer en habitué des lieux et en toute connaissance Sepp et Sandra. Ensemble, ils poursuivirent leurs discussions. Patrick et Carine habitaient Baden-Baden et devant les cris d’admiration des couples allemands, Patrick dut s’empresser de préciser qu’il travaillait sous contrat civil à l’état-major des forces françaises d’Allemagne. Il dit que son poste allait être prochainement supprimé et qu’il pensait alors revenir en Alsace d’où lui et son épouse étaient originaires. Carine était infirmière indépendante et s’occupait d’une clientèle de personnes âgées. Ils vivaient dans un logement loué à l’armée. Pour garder leur garçon de huit ans et leur fille de six ans, ils avaient engagé les services d’une jeune secrétaire qui travaillait avec Patrick et qui, originaire de Toulon, dans l’attente d’une mutation chez elle à l’hôpital Sainte-Anne, restait les week-end sur place. 

Dominique, pour poursuivre les présentations, expliqua que Gérard et elle étaient professeurs à Nancy et que leur garçon de quinze ans allait chez ses grands-parents. Dan et Laurie, Frantz et Anke n’avaient pas d’enfants. Sepp ne manqua pas l’occasion de détailler à voix haute les corps nus de ces deux jeunes femmes pour s’étonner publiquement qu’aucun homme ne leur ait fait d’enfants ! 

 Frantz s’excusa de ne pas connaître tous les membres du groupe et suggéra que chacun, chacune se présente plus amplement. En souriant, il admit que c’était quelque peu contraire à la règle du club qui garantissait une discrétion totale et le respect de la vie privée de chacun. Mais en cette fin d’après-midi d’un vendredi, plus beaucoup d’autres personnes n’allaient venir. Leur groupe allait rester isolé et tranquille jusqu’aux environ de vingt heures où d’autres couples arriveraient. Maintenant qu’un premier contact était créé, Frantz suggéra d’aller plus loin. Certains couples se connaissaient très bien, d’autres un peu moins et d’autres pas du tout. En conséquence, il était juste, selon lui, de faire en sorte que tous se connaissent suffisamment pour passer ensemble une bonne soirée. Il commença par se présenter.   

Âgé de 28 ans, il travaillait depuis peu dans une banque de Karlsruhe, sa ville natale, après des études supérieures de finances et gestion. Il venait souvent au club dont il appréciait l’ambiance détendue et conviviale. Il aimait sortir des sentiers battus à la recherche d’un plaisir rare mais il ne se limitait pas seulement au plaisir du corps, il aimait découvrir des connaissances nouvelles et était à la recherche d’un bonheur supérieur qu’il avait traqué jusqu’ici en lisant bon nombre d’ouvrages ésotériques. 

Il pensait que ce bonheur supérieur était inséparable de la nature et avec Anke qu’il connaissait depuis l’âge de quinze ans, ils partaient fréquemment en randonnée dans les Alpes. 

Anke prit la parole pour préciser qu’elle avait 27 ans, qu’elle était professeur de sports et qu’elle s’apprêtait à ouvrir sa propre salle de musculation et de danse avec la perspective à moyen terme d’y ajouter un sauna, une piscine, des jacuzzi et pourquoi pas un club comme celui d’Amadeus et Regina. Elle avait fait des compétitions en athlétisme, plus précisément en demi-fond et à partir de 18 ans, elle avait participé à des courses de ski de fond. Ensemble avec Frantz et des amis, ils participaient à des épreuves de masse sur des longues distances aussi bien en Bavière, qu’en Autriche, en Italie ou dans le Jura. 

Sepp la félicita et déclara que tant d’efforts pour soigner une plastique si parfaite mérite une prochaine récompense de sa part. En attendant, il applaudit pour saluer la beauté ravissante de la jeune femme et le groupe le suivit. Anke se leva et prit la pose de l’athlète à la manière des statues grecques. Sepp se précipita à ses pieds pour les lui baiser puis remonta prestement pour déposer des bisous sur chacune des fesses du modèle. Anke, charmée, souriait mais ne rompit pas la pose. Sepp invita alors Werner à en profiter et faire de même puis sous les rires et les applaudissements, chacun, chacune reprit le rite. Françoise fut la dernière à s’exécuter puis Anke tomba dans les bras de Frantz pour se reposer de ses émotions. Sepp, infatigable et meneur de bande, s’excusa de devoir faire observer à Anke que les statues grecques en principe ne portent pas de poils au pubis. 

 Sandra n’apprécia guère sa lourde insistance à se faire remarquer et lui demanda de se présenter promptement. Ingénieur électronicien, il travaillait à l’Agence Spatiale Européenne, à l’E.S.O.C. de Darmstadt et il habitait avec Sandra à Mannheim. Il avait quarante cinq ans et Sandra quarante deux tout comme Barbara. 

Après les étoiles et les satellites dont il s’occupait plus précisément, il aimait revenir sur terre au milieu d’une assemblée de femmes nues. Cela lui remettait à chaque fois les idées bien en place, notamment sur le point de savoir qui était une véritable étoile ! 

Sandra lui coupa la parole. Elle était négociatrice dans l’immobilier et espérait prendre bientôt la direction d’une nouvelle agence de sa société sinon elle se résolvait à l’idée d’ouvrir sa propre entreprise. 

Barbara prit la suite de son amie. Elle était originaire du sud de l’Alsace, d’un village proche de la Suisse. Après des études de Droit à Strasbourg, elle avait trouvé du travail dans une compagnie d’assurances à Bâle, ville dans laquelle elle avait rencontré Werner en allant visiter son usine lors de la déclaration d’un sinistre. 

Werner était ingénieur en chimie avec le grade de docteur et était devenu chef d’une unité de production dans son usine située à Schweizerhalle. Tous deux s’étaient découvert une passion pour le ski qu’ils pratiquaient dans l’Oberland et par la suite, pour le naturisme lors de leurs vacances dans le midi de la France ou sur les plages de la côte dalmate en Croatie. 

Patrick s’était déjà présenté et il laissa la parole après avoir indiqué son âge de trente deux ans tout comme Carine. Celle-ci était infirmière indépendante et soignait une clientèle de personnes âgées à Baden-Baden où elle était venue rejoindre Patrick dans un logement loué à l’armée. Le déménagement n’avait pas été lointain puisqu’ils venaient d’Alsace et n’avaient eu qu’à franchir le Rhin. Carine était inquiète car Patrick allait bientôt voir son contrat non renouvelé avec les Forces Françaises d’Allemagne et il ne savait pas s’il aurait un travail dans l’Eurocorps. Quelque peu jalouse du succès qu’avait eu Anke, elle prit à partie Sepp pour lui avouer qu’elle faisait très bien plusieurs sortes de massages. 

 Gérard indiqua qu’il était professeur agrégé d’économie et gestion dans un lycée à Nancy. Il ne voulait pas de suite s’exprimer sur le malaise qu’il ressentait dans un système de formation qui se refermait dans un corporatisme suranné et sur la peur qui réglementait les rapports professionnels depuis l’arrivée en masse de nouveaux lycéens qui sont les premiers dans leurs familles à devoir suivre des études supérieures pour espérer un travail satisfaisant. Gérard savait que cette situation était la conséquence de la volonté des pouvoirs publics d’amener 80% d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat. Objectif encore inférieur au constat fait au Japon où 93% de la population active a un niveau de qualification supérieur ou égal à Bac+2, résultat d’une culture fondée sur l’exigence du développement personnel. Mais ici, les élèves n’avaient fait que s’entasser dans les salles de classe et ces nouveaux lycéens n’avaient pas toujours compris ce qu’est le travail intellectuel qui est exigé pour obtenir un diplôme et un emploi satisfaisant. 

La formation de masse s’était organisée sans changement dans les exigences des diplômes et les manières d’enseigner. Ces formations, à l’origine, destinées à produire des experts en sciences, langages et technologies laissaient de côté l’aspect le plus essentiel de l’éducation à la vie individuelle et collective et ces lacunes démobilisaient d’abord la plupart des élèves puis le professeur, sans parler de ce savoir trafiqué et tendancieux qui régentait le domaine de la gestion d’entreprise qu’était chargé de transmettre Gérard. 

 Dominique enseignait le français et les lettres modernes dans le même lycée, elle avait quarante ans tout comme Gérard. Leur couple s’intéressait aux stages de développement personnel, d’initiation aux rites orientaux, à la relaxation, à la géo-énergie et ils vivaient dans la mouvance du New Age. C’était la première fois qu’ils venaient au club. Ils avaient pratiqué un peu le naturisme sauvage, surtout avant la naissance des enfants mais n’avaient jamais pratiqué l’amour libre. Quelques fois, ils avaient exprimé un regret qu’une séance de groupe ne soit pas allée jusqu’à un échange plus intime car ils pensaient que cet échange était possible et bénéfique. Dominique confessa qu’elle venait surtout pour voir avant d’éventuellement pratiquer. Sepp l’excusa et déclara qu’il se portait volontaire pour faire une démonstration si on le laissait choisir sa partenaire. Son regard se posa sur Françoise. 

 Laurie vint à la rescousse de son amie pour déclarer qu’elle n’en avait pas fini avec elle. Elle garda la parole pour parler de son métier de psychologue dans l’armée américaine. Elle commença par avouer son âge : 28 ans puis elle parla de son enfance, de son métier et du plaisir qu’elle avait trouvé dans le club d’Amadeus et Regina.

Dan a son tour prit la parole. L’officier donna son âge : 32 ans, son grade de commandant, décrivit quelques tâches de son activité militaire, cita quelques anecdotes de ses récentes interventions au Kurdistan et les Balkans. Il s’étendit un peu sur sa passion du ski et des hélicoptères pour indiquer qu’il s’était engagé activement dans un club de collectionneurs d’avions et d’hélicoptères de guerre du côté de Venloo, près d’Aix-la-Chapelle. Dan souligna gravement son désir de s’impliquer lui et son épouse dans l’aide aux victimes du conflit de l’ex-Yougoslavie. Il termina sa présentation en indiquant qu’il soutenait Laurie dans la démarche qu’elle avait initiée avec Pierre. Les autres furent surpris par cette remarque car ils n’avaient rien remarqué de particulier entre ces deux là. 

 Françoise prit la parole. Elle avait 35 ans tout comme Pierre et après des études à Sciences Po et en Droit puis des études de troisième cycle universitaire en gestion, elle travaillait dans un cabinet de comptabilité et de finances. C’était la deuxième fois qu’elle venait au club et gardait un très bon souvenir de leur première visite grâce à la rencontre de Laurie et de Dan.

Elle était surprise de voir que l’on pouvait échanger sereinement de l’amitié alors qu’elle avait été convaincue au départ de ne rencontrer dans ce genre de club que des pervers et des femmes soumises bien obligées de contenter les désirs particuliers de leurs maris sous peine de les voir prendre des maîtresses ou d’aller dépenser l’argent du ménage auprès de prostituées… 

Sepp l’applaudit car elle disait vrai : il était un pervers et il allait lui montrer comment ! Le groupe ne suivit pas son meneur habituel, il réfléchissait sur ce que venait de dire Françoise. Toutes et tous notaient avec elle qu’il n’y avait aucune perversité dans leurs comportements mais une soif de vivre autrement et plus intimement les uns avec les autres. Ce n’avait été qu’un rêve naïf mais aujourd’hui ce rêve pouvait devenir réalité mais quelles suites pouvaient engendrer leurs rencontres ? Le groupe avait noté le fait que Dan dévoile la liaison particulière qui était née entre Laurie et Pierre et comme mû par la demande inconsciente collective, Dan profita de l’intervention de Françoise pour la questionner sur ce qu’elle pensait de la rencontre entre Pierre et sa femme. 

La confiance nées dans leur groupe d’amis

 Françoise dit qu’elle avait aimé faire l’amour en premier avec Laurie puis ensuite de l’avoir fait à la fin de la soirée précédente tous les quatre sans préservatifs. Elle n’aimait pas la sensation du latex, elle considéra qu’une confiance étroite était née entre leurs deux couples et que cette confiance devait se répandre dans l’ensemble du groupe. 

Elle répondit que son mari avait une démarche intellectuelle bien particulière étayée d’idées généreuses mais quelque peu naïves. Elle avait du mal à être tout à fait d’accord sur ce qu’il disait de la mort et des contacts avec la vie après la mort et que nous pourrions avoir dans notre existence humaine. Ceci appartenait à la jeunesse de Pierre et pas tellement à leur vie conjugale. Elle l’écoutait mais si Laurie voulait s’aventurer sur ce chemin, elle était d’accord pour les laisser tous les deux tenter cette aventure. Françoise appréciait à sa juste valeur l’expérience humaine et spirituelle de Laurie. L’idée de laisser son mari se mesurer à une vraie professionnelle la séduisait car elle était certaine dans son fort intérieur que cela le pousserait à redevenir le poète qu’elle n’avait pas connu sinon qu’au travers des quelques textes qu’il ait publiés.

Gênée par l’aveu qu’elle allait faire, elle s’adressa à Pierre pour lui confier qu’en secret elle espérait un jour le voir faire se réaliser ses idées. Elle ne se sentait pas capable de le brusquer sur ce chemin mais elle avait confiance en Laurie qui saurait s’y prendre pour raviver la flamme de son mari. 

Le tantrisme peut développer leurs relations

 Françoise poursuivit et déclara qu’elle était très intéressée par le fait que Laurie ait été surogate. 

Pierre lui avait expliqué que la jeune fille utilisée dans les pratiques sexuelles du tantrisme bouddhique a pour nom mudrâ, que certaines prêtresses et certains prêtres des temples de l’Égypte antique avaient pour mission d’éduquer les jeunes gens et les jeunes filles à la sexualité avant qu’ils ne se marient. C’était captivant ! 

Laurie n’était-elle pas en train de ranimer cette mission sociale tout en faveur de la féminité la plus accomplie et vivante ? 

Sepp approuva l’interrogation de Françoise. Laurie s’adressant à Sepp, en profita pour mettre au clair que sur le plan spirituel, les orgies les plus déchaînées ont pour but de dés individualiser l’être et de le faire retourner, sans qu’il s’en rende bien compte au début, dans le courant de la Nature, dans le champ d’énergies primaires capables de le régénérer et de donner une autre dimension à sa vie charnelle que celle qu’il connaît à travers son éducation sociale. L’orgie tantrique, dionysiaque, l’orgie rituelle nous met en présence d’une autre dimension de nous même parmi les autres[1] et le partage des gestes d’amour au-delà des limites conventionnelles favorise l’accès à une certaine forme d’extase. 

Mais Sepp avait-il déjà participé à une véritable orgie ? Laurie n’y croyait pas ! Elle se l’imaginait comme la fois dernière : prêt à démontrer sa capacité à faire crier et jouir sa femme devant un public et l’été, prêt à avoir une vie bien rangée de naturiste sur une plage au soleil. Sepp se dépassait-il véritablement ? …surtout vers les autres ? L’ancienne surogate ne voulut pas en rester à des propos. Laurie souhaita tester le groupe pour savoir s’il était prêt un jour à la suivre dans une démarche plus profonde de rupture et de libération. 

 Laurie vint retrouver Dan et langoureusement, sans se gêner devant le public, elle se pendit à son cou pour l’embraser longuement. Le groupe s’attacha à scruter le moindre geste, la moindre posture de cette jeune femme aux pouvoirs si bienfaisants et à l’amour si débordant. Leur contact amoureux avait réveillé l’ardeur de Dan. Laurie s’écarta pour se mettre à genoux et caresser le sexe de son homme puis elle approcha ses lèvres pour le prendre en bouche et lui donner du plaisir. Elle fermait les yeux et l’intensité de la scène, son naturel pour démontrer qu’il vaut mieux échanger des actes d’amour plutôt que de se contenter d’en parler, troublaient l’assistance. Elle manifestait son plaisir à elle en cambrant et en roulant ses reins. 

Au bout d’un moment, Laurie se releva, embrassa à nouveau son amant puis lui tournant le dos, vint s’asseoir sur ses cuisses. Elle se pencha en arrière, une main pour lui prendre la nuque et rapprocher sa tête de ses lèvres et l’embrasser, l’autre main prenant le sexe de son amant pour le faire pénétrer en elle. Elle tendit son corps pour mieux profiter et du baiser et de la pénétration, offerte toute grande aux regards des autres. Plus encore que son corps, toute l’attitude de Laurie était splendide, une beauté simple et rayonnante qui vous pénétrait pour parler à votre conscience la plus intime et lui dire que c’était beau et bon depuis le jour où le premier homme et la première femme s’étaient ainsi pénétrés. 

Laurie retourna sa tête pour fixer de son regard bleu et profond le visage de Pierre. Celui-ci rompit l’échange des regards pour promener le sien sur tout le corps de Laurie puis il remonta à la hauteur de ses yeux. Le visage de l’amante exultait de bonheur. Elle était heureuse de se donner ainsi, de tout lui montrer des ressources de sa féminité avec laquelle elle allait le gouverner pour le mener sur le chemin de leur spiritualité vers la source de l’Amour infini.

Pierre se dit qu’il ne pouvait pas rester là tel un ingrat et il alla la remercier. Il se pencha sur elle pour l’embrasser et naturellement, de sa main, elle entoura également la tête de son deuxième amant pour qu’il reste bien coller à elle dans leur baiser. Lorsqu’il se redressa, elle lui prit la main pour préserver le contact entre eux. Après avoir brièvement dévisagé tous les autres, elle parla à voix haute et distincte pour inviter Pierre à oser, à continuer d’oser avec elle puis avec les autres. Elle était satisfaite qu’il ait osé venir l’embrasser amoureusement alors qu’elle se tenait sur les cuisses de son mari mais il pouvait oser davantage et de suite. Laurie replia légèrement plus haut ses cuisses pour les écarter davantage et montrer plus largement son sexe. 

Le baiser avait réveillé également l’ardeur de Pierre. Laurie comme elle l’avait fait pour son mari, lui caressa le sexe puis tout en restant assise sur Dan, elle se pencha pour le prendre en bouche. Lorsqu’elle s’arrêta, elle reprit sa position initiale et de son sourire magnifique, elle invita son deuxième amant à venir rejoindre en elle le premier. Elle les voulait tous les deux au plus profond de son intimité charnelle. Pierre n’eut aucun mal à venir retrouver Dan en elle, les deux sexes baignant dans la jouissance de la femme qui les aimait. Tous trois bougeaient peu, recherchant avant tout à goûter pleinement les sensations nouvelles de leur rencontre. Laurie jetait ses lèvres de l’un à l’autre puis de sa main libre, elle trouva un espace pour se caresser sans complexe. Les deux hommes s’efforcèrent de ne pas être rejetés par les mouvements de leur amante et ils ne sortirent de son sexe qu’une fois qu’elle a joui et lancé ses cris de bonheur parmi tout le groupe réuni autour d’elle. 

 Pierre s’écarta et retourna à sa place. Laurie se leva et demanda à Dan de rapprocher leur chaise de celle de Pierre. Elle invita les autres à suivre son exemple et elle reprit sa place sur les cuisses de Dan.  Les autres couples faisaient de même et leur cercle magique projetait un pouvoir envoûtant. Les gesticulations, les baisers, les mots échangés firent place au calme. A travers le partage de leurs regards, ils s’accordèrent à goûter cette communion sensuelle. Après un long moment de jeux érotiques, ils allèrent se restaurer. 

Amadeus vient rejoindre le groupe d’amants

 A la fin du repas, alors que la salle du restaurant était momentanément quasiment déserte, Amadeus vint les rejoindre. Dans la mesure du possible, il aimait connaître ce que faisaient les uns et les autres qui venaient régulièrement chez lui. Comme s’il jouait le rôle d’un reclus, d’un gardien qui pour mieux protéger l’endroit dont il avait la charge, s’était isolé du monde. En interrogeant ses visiteurs, il reprenait contact avec la civilisation, manière d’actualiser la somme de ses connaissances. 

Il commença à discuter avec Sepp. Pierre comprit à travers leur discussion que Sepp en tant qu’ingénieur électronicien au centre de suivi de satellites de Darmstadt, s’occupait entre autre des radars… Justement Amadeus s’intéressait à l’altimétrie radar, plus particulièrement à la combinaison altimétrie-orbitographie qui permet la détermination de l’altitude des points survolés par le satellite à dix centimètres près en ce qui concerne la détermination d’orbite fine… Pierre écoutait cette discussion comprenant de suite que ces moyens de mesure pouvaient vérifier certains calculs des égyptiens transmis dans le corps du savoir ésotérique… 

Pierre ne se doutait pas qu’un an plus tard, à Sophia-Antipolis, il serait en contact avec la fabrication des composants pour un de ces altimètres radio-fréquence qui allait démontrer que l’océan atlantique est de 70 cm plus haut à New-York qu’à Cherbourg. Plusieurs satellites de ce type allaient être lancés par la fusée Ariane et par le biais de Sepp, Amadeus connaissait un peu plus tôt l’actualité du ciel….Amadeus et tous ceux assis autour de Sepp et qui voulaient bien s’instruire… qu’ils connaissent ou non les calculs des égyptiens ! 

Amadeus questionna ensuite Werner. L’ingénieur chimiste à Bâle-Schweizerhalle avait plusieurs cordes à son arc. Il s’était occupé du développement industriel d’émulsions acryliques, puis de modifiants pour les plastiques. Il travaillait maintenant sur un fongicide pour l’agriculture. Werner raconta qu’il était allé il y a quelques mois en Nouvelle-Zélande pour s’occuper de la protection des pommiers contre la tavelure, maladie des pommes la plus répandue et contre l’oïdium, maladie qui vient en seconde place. En Nouvelle-Zélande, poursuivait Werner, l’un des plus gros exportateurs mondiaux de pommes, l’on récolte dès le mois de février la variété Cox’s Orange Pippin et vers la fin de la saison, en mai, la Red Dougherty. Entre-temps la récolte porte sur des variétés comme la Gala, la Red ou golden Délicious, la Braeburn ou la Granny Smith. Sa campagne de test s’était bien déroulée et il avait pu vérifier que les nouveaux conditionnements n’altéraient pas sous ce climat les propriétés phytosanitaires du produit. 

Amadeus était satisfait de ces nouvelles. Il est vrai qu’au restaurant, à côté du buffet des desserts, il y avait toujours une superbe coupe de fruits avec inévitablement plusieurs pommes bien vertes ou rouges. Certaines pour sûr étaient déjà venues de Nouvelle-Zélande. Amadeus avec ces pommes, s’était trouvé là comme un jeu… il surveillait les jeunes femmes qui, prises par la fascination de la pomme, la croquaient puis la donnaient à leurs amants… ces nouvelles Ève enchantaient son club et justement, voilà Werner qui s’occupait de ces pommes, même de celles qui venaient d’aussi loin ! Il se mit à rêver que grâce à Werner, ces nouvelles Ève, avec ces pommes, seraient encore plus Ève que jamais ! Françoise qui, en bonne Èveui se respecte, avait toujours chez elle une cargaison de Granny Smith, avait elle aussi écouté les yeux ronds les propos de Werner. Décidément, cela devenait intéressant de discuter avec les gens d’ici surtout quand Pierre ou Laurie se taisaient ! 

La moisson d’informations avait été suffisante, Amadeus se retira. Il allait et venait avec délicatesse, sans timidité mais avec un profond respect des autres. Il se présentait plus comme un serviteur que comme le propriétaire des lieux. Son attitude forçait l’admiration. Après son départ, Frantz relança la conversation. 

 Diriger leur propre club de rencontres ? 

– diriger un club comme celui-ci, c’est mon rêve ! 

– oh! tu t’y embêterais vite, comme ceux qui viennent régulièrement ici ! Ils passent leurs soirées à taper les cartes et vers 11 heures, minuit, vont baiser par acquis de conscience. Après le bistrot, ils avaient trouvé le sauna puis maintenant ils viennent ici tromper leur ennui et leur manque d’imagination pour sortir de leurs habitudes mortelles… se conduire comme cela et ici !…ils me dégoûtent ! 

Barbara avait parlé et l’on pouvait se douter qu’elle ne vienne pas de Bâle pour cela. 

– non, au lieu de laisser les gens faire ce qu’ils veulent ou de leur proposer toujours les mêmes animations, je créerais des activités qui apportent quelque chose aux gens 

– ah ? 

Sandra venait à la rescousse de Barbara. En fait, elle exprimait l’attitude générale du groupe. Frantz était le plus jeune du groupe. On pouvait lui concéder qu’il avait su se faire aimer d’une très belle jeune femme mais quelles idées pouvait-il avoir dans la tête ? Cumuler un avantage physique aussi flatteur avec des idées provocantes et intéressantes avait de quoi devenir rapidement insupportable. 

– oui….comprenez !…il faut faire rêver les gens, leur permettre de construire et de vivre au moins quelques-uns uns de leurs rêves ! 

– Mélanger le rêve à la réalité ne donne rien de bon ! 

Le chimiste avait parlé mais Frantz ne s’arrêtait pas là. 

– la réalité de ce lieux, nous en avons tous besoin pour créer les bases du dépaysement nécessaire au rêve… une piscine bien bleue, une salle commune avec plein d’étoiles au plafond, des couchettes moelleuses d’où l’on ne tombe jamais quoi que l’on fasse, des bains à la romaine… dans mon club je verrais même des toilettes en verre translucide sans portes ni cloisons… je vois des lieux, des décors qui permettent de franchir les frontières imparties à nos attitudes… et nous sommes tous ici à cause de cela ! Sinon nous n’avons qu’à nous inviter la fois prochaine les uns chez les autres mais serons-nous aussi bien qu’ici avec autant de place et de confort, de liberté pour nous laisser aller à nos seules rencontres ?….quant au rêve ! …quel est le summum du rêve ? …le vivre ? …et comment donc ? …non, l’accomplissement du rêve n’est pas dans la réalité du rêve, c’est lorsque vous pouvez le raconter même avec des mots imparfaits pour le décrire perceptiblement, c’est lorsque vous tentez de le faire partager avec quelqu’un que le rêve prend une certaine réalité tangible… ensuite seul ou avec ce quelqu’un qui vous a écouté, qui vous a cru, vous essayerez de le réaliser en passant à l’action et cela ne sera jamais comment dans le rêve même si longtemps vous vous en persuadez… la réalité la plus pleine du rêve tient dans son partage… c’est le partage qui fait la réalité du rêve ! 

 Frantz avait planté son regard dans celui de Pierre et il s’accrochait pour le faire fléchir. Pierre se posait en poète et dans ces moments là, il était très difficile de lui faire baisser son regard ardent. Pierre admit qu’il avait certainement devant lui un de ces jeunes allemands au lyrisme et romantisme ravageur qui chez certains confine au génie. 

L’âme culturelle allemande s’illustre de tels personnages et tous les poèmes de Heine, Schiller, Goethe qu’il avait appris dans son école d’Alsace en même temps que ceux de Hugo, Musset, Verlaine et les autres, lui permettaient de se sentir parfaitement à l’aise dans cet environnement. Pierre, dès qu’il admit que Frantz pouvait être un de ces jeunes inspirés à l’esprit conquérant, ne voulut pas chercher querelle à son interlocuteur…. Sur la question des toilettes mixtes aux murs translucides, Pierre n’avait pas encore été à Cannes et ne connaissait pas encore l’existence de ces deux-trois villas de princes arabes qui dominent Cannes, plus d’ailleurs Super-Cannes que la Californie… et où justement les toilettes sont séparées par des cloisons de verres translucides alors que le personnel de maison est exclusivement composé de jeunes et belles femmes… Pierre s’abstint donc de commentaires sur ce point ! Quant à la notion de la réalité du rêve dans son partage, il trouva cela pas mal… 

 – mais quel partage veux-tu créer dans un endroit où justement on partage sa sexualité, sa partenaire, son intimité avec d’autres ? 

– eh bien partager cela avec ceux qui ne le partagent pas encore ! Je verrais bien un club où l’on apprendrait à s’épanouir sexuellement. Regardez ici, peu nombreux sont les couples qui trouvent à vivre des partages intenses. Mis à part des couples qui se connaissent déjà à l’extérieur du club, peu de couples se rencontrent pour échanger de l’amitié et prolonger l’échange d’un regard, d’une caresse ou même d’une relation sexuelle….notre groupe est une exception et ne parlons pas de ces hommes seuls qui, leurs compagnes fatiguées et abandonnées au bar, tentent tard la nuit de se lier à un couple, question de vivre malgré tout un peu de fantaisie….Je crois qu’un apprentissage au partage peut se révéler nécessaire.

On pourrait former aussi des adolescents à devenir d’une meilleure manière des hommes et des femmes épanouis capable d’échanger et de partager de l’amour sans accumuler comme la plupart, deux trois histoires d’amour ratées avant de faire malgré eux des concessions aléatoires pour enfin ne plus rester seul dans la vie… nous devons grandir à l’écart de la frustration notamment sexuelle. J’ai été très intéressé par les propos de Laurie sur les rites orgiaques. Ce club serait un centre de formation avec moniteurs et stagiaires et de l’autre côté un club classique pour des gens qui ne voudraient pas s’impliquer dans un tel partage mais qui se contenteraient par facilité, un peu par lâcheté, de voir, d’observer des gens qui s’aiment sur scène. 

Ces derniers clients en payant leurs places financeraient une bonne partie du club de manière à ce que pour les stagiaires, la formation soit d’un coût très modique, de manière aussi à ce que pour les moniteurs, le temps passé ne les pénalise pas trop par rapport au gain d’un temps travaillé ailleurs. Chaque adhérent pourrait ainsi choisir son degré d’implication, son degré de dépenses ou de rétribution. Avec les bénéfices, le club pourrait engager de véritables professionnels dans certains domaines ou lancer des activités nouvelles… l’important pour les membres permanents du club consisterait à réaliser des gains ou des économies comparables à peu de chose près à du temps de travail ! Ce serait en fait un véritable réseau d’échanges humains approfondis… 

– un club autogéré en quelque sorte ? 

Les yeux de Gérard devinrent brillants. Le professeur retrouvait l’autogestion de sa jeunesse estudiantine. La perspective de pouvoir enfin la toucher l’enthousiasmait. Sa femme, Dominique reprit : 

– oui mais l’objet d’une telle société est illicite et immoral ! 

– en France semble-t-il encore un peu… mais plus beaucoup en Allemagne. La société n’est qu’une organisation nécessaire et utile à la gestion commune de l’argent. L’activité elle-même peut très bien se dérouler dans des lieux privés avec des personnes majeures. En commençant en Allemagne, cela nous permet dans le cadre du marché unique européen de créer une filiale en France et il ne pourra pas y avoir de mesures discriminatoires par rapport à ce qui se fait ici ! 

Pierre avait retrouvé quelques-uns uns de ses accents de juriste et les autres commençaient à réfléchir sur la proposition que Frantz et Pierre défendaient. 

– Carine  et moi serions aussi très intéressés par l’ouverture d’un tel club au fond de notre vallée vosgienne. Je connais quelques usines textiles abandonnées qui se prêtent très bien aux activités d’un club comme celui-ci ! 

Pierre lui demanda de quelle vallée il parlait et à la réponse de Patrick, ils apprirent que tous deux étaient originaires de la même vallée. Pierre qui avait été coureur cycliste connaissait les moindres virages, les moindres côtes du village de Patrick. Le groupe se regarda perplexe. Que signifiait cette série de coïncidences troublantes qui démontraient la richesse insoupçonnée des liens qui les unissaient les uns aux autres ? Était-ce le fruit d’un destin commun ? 

– oui… oui mais je me demande comment certaines personnes vont bien pouvoir enseigner l’amour aux autres… moi je ne suis pas certain qu’elles savent bien faire l’amour ! 

Le regard rivé sur Françoise, Sepp avait trouvé un sujet en or pour reprendre ses assauts contre elle, dépité qu’il était toujours par la dérobade survenue lors de la première rencontre. Certes grâce à l’instigation de Laurie, il avait pu voir Françoise faire l’amour avec Dan mais lui, il ne l’avait toujours pas touchée. Laurie se sentant également visée, prit les devants et répliqua en allemand : 

– si c’est comme ça, nous n’avons plus qu’à baiser tous ensemble et nous verrons qui pourra être ou non moniteur ou monitrice ! ….en plus il n’y aura plus de frustré pervers parmi nous pour nous agacer ! 

Vu du côté de Laurie, Sepp pouvait toujours courir après son étoile à elle. Françoise ne partageait pas totalement cette approche… Être poursuivie par un tenace chasseur d’étoiles modifiait sérieusement les choses. Frantz reprit la direction des opérations : 

– derrière nous, dans la clairière près du grand chêne, il y a une grande table ronde en bois….tout autour il y a une petite pelouse et un projecteur permet d’éclairer la table… faisons cela comme nos ancêtres celtes… sous le grand chêne ! 

Werner, chimiste toujours aussi avisé, avait compris comment marier les corps : 

– je verrais bien les femmes prendre alternativement appui ou se coucher sur cette table. Les hommes les prendraient une à une en tournant autour de la table. Une femme serait couchée au bord de la table et poserait ses jambes sur les épaules de l’homme, la suivante se ferait prendre en levrette puis au tour suivant, elles changeraient de position… après, à ces dames de trouver la suite du programme ! 

Après un silence interrogatif passablement long, une voix féminine poursuivit: 

– je vais aller chercher des préservatifs, du gel intime et des serviettes en papier ! 

Le souci de l’ordre chez Barbara était légendaire. 

– mouai ! …mais mettre tout cela et changer à chaque fois va faire perdre du temps et cela va me couper tout effet ! 

Françoise ne voulait pas gâcher son plaisir et cherchait à se mettre hors jeu. 

– bon, j’ai un truc ! …un homme et une femme à chaque fois s’occupent de tous. La femme met les préservatifs à tous les hommes et l’homme vérifie que les chattes de ces dames sont suffisamment mouillées sinon il y applique le gel intime et on change comme cela à chaque fois. Une femme couchée sur le dos chaque fois compte jusqu’à cent à la vitesse qu’elle souhaite ou que l’ardeur de l’homme lui laisse… à vous de jouer les gars pour qu’elles s’écroulent avant d’arriver à cent… je veux des chiffres audibles et pas des gémissements !….Comme cela, la femme qui sera de service, passera chaque homme en revue surtout si elle doit effacer chez certains une défaillance passagère pour enfiler le préservatif et chaque homme aura pour lui au moins une fois toutes ces chattes sous ses mains… c’est pas un partage du rêve ça ? 

 Werner avait été au bout de son organisation complexe et cela promettait un joli feu d’artifices.

L’assistance dut reconnaître les talents du chimiste dans la manière de marier les corps. Sepp acquiesça plus bruyamment que les autres, assuré enfin cette fois-ci de posséder Françoise… Il restait certes à savoir comment la première fois… il aurait préféré la prendre de suite en levrette mais cela avait maintenant moins d’importance. Françoise répondit sobrement à son regard insistant, préoccupée par le fait que tous les hommes qui étaient là, dans un instant, allaient venir la pénétrer, la fouiller et la posséder dans son sexe et son cul….assurée quelle était que des malins mettraient leurs doigts également dans son petit trou à moins qu’ils n’y mettent leur sexe, car comment les arrêter ces hommes qu’elle scrutait de bas en haut, chacun à son tour.…

Pour la première fois son esprit ne lui livra aucune déduction, aucune conclusion logique. Son esprit était déjà à l’écoute du langage de son corps qui, prenant place, allait parler et venir la submerger tout entière. 

 Bien plus tard alors qu’ils avaient regagné la maison et s’étaient glissés dans le bassin aux colonnades romaines, ils partagèrent un moment de calme. Ce silence soudain se fit pesant, dérangeant. L’eau tiède invitait au sommeil. 

Les efforts consentis pour se posséder les uns les autres s’évanouissaient mais les esprits saturés de sensations exacerbées, ayant eux aussi besoin de calme et de relaxation, ne pouvaient trouver d’apaisement que dans une immobilité la plus totale. Laurie fut la première à fermer les yeux. Les autres suivirent cet exemple. Pierre observa Laurie. Il voyait tour à tour une partie de son corps traversée par un mouvement de décontraction : la nuque, les épaules, les bras, la poitrine, le dos puis elle fit basculer sa tête en avant, en arrière ne modifiant pas l’axe vertical de son corps. Il en déduisit qu’elle faisait un exercice de sophrologie. Allait-elle se transformer en monitrice et inviter le groupe à une descente sophronique ? 

Après plusieurs minutes durant lesquelles chacun, chacune avait accepté les yeux clos ce silence et ce voyage intérieur, doucement Pierre prit la parole. 

La prière de Moïse

 – Père… notre père, dieu unique qui vit dans toutes chairs, des lois de pierre aux mots de prières, je chante l’éternel…. l’éternel féminin de qui tout provient. 

Cela réveilla au moins une personne : 

– C’est de toi ? 

Dominique avait apparemment compulsé ses classiques de français et n’avait rien trouvé, d’où cette question assurée. 

– c’est la prière de Moïse… cela fait partie d’un exercice spirituel qu’il a écrit ! 

Françoise et c’était normal, guidait l’assistance parmi les oeuvres de son époux. Pierre reprit : 

 – des rochers du Serbal au Sinaï, dans la lumière du désert je suis monté à côté de toi. Nous nous sommes souvenus de ce feu que nous avions rencontré toi et moi au fond de notre cœur, là où s’illumine notre âme quand la pure clarté nous a fait vivre au-delà de la mort. Devant sa présence nous avons crié… crié… Père, notre père, dieu unique qui vit dans toutes chairs, des lois de pierre aux mots de prières, je chante l’Éternel… l’Éternel féminin de qui tout provient. 

En vérité je te le dis, comme moi ton frère, tu as le pouvoir de mener les peuples au Père… vers celui qui vit en eux, les prendra à l’instant de leur mort comme il nous a pris de notre vivant, nous les fils de l’Éternel. 

Va Moïse ! Parle ouvertement à la multitude de la volonté de l’Éternel ! 

 – moi aussi j’ai envie de prier ! 

Dominique poursuivait son entretien avec le poète. Une autre voix se fit entendre. 

– je voudrais être dans une chapelle… fraîche sous des voûtes de pierre… où ne percent à travers les petits vitraux que quelques rayons de lumière… je me tiendrais au milieu d’un cercle de lumière, sur un gros carreau bien lisse avec juste une aube blanche pour seul vêtement… j’aurais le silence pour prier ! 

C’était Anke qui venait de s’exprimer et la surprise fut grande. Aux regards qu’il échangea, Pierre comprit que tous étaient arrivés au stade que lui connaissait bien. La fièvre des corps, leur communion charnelle n’est pas en mesure de pleinement satisfaire l’être humain. C’est une manière d’imposer un nouveau langage à la portée phénoménale et de repousser ainsi dans ses derniers retranchements l’esprit, de pousser la pensée hors des limites quotidiennes. Tant de plaisir, tant de chaleur même fugitifs attestent d’un dépassement sans équivoque des limites de la vie conventionnelle. Si le corps mortel peut vous emporter jusque là, jusqu’où donc peut vous conduire l’esprit et tout ce qui habite le corps ? Présenté ainsi, il est évident que l’esprit n’a plus qu’à se mettre au travail pour battre en brèches les murs de sa petitesse. 

 Pierre poursuivit : 

– pour prier ainsi et obtenir une réponse, il nous faut un temps autre, des lieux qui nous invitent à d’autres espaces… prier, c’est parler… parler à celui qui vit en moi et parce qu’il est le même que celui qui vit en toi, c’est te parler et parler à celui qui vit en toi…. que tu connais ou que je peux t’apprendre à connaître…

Ils se décident à créer leur club de rencontres

Laurie se mit en mouvement et son impétuosité fit des vagues dans le bassin. 

– si nous voulons aller jusqu’au bout de ce que nous recherchons, je suis d’accord pour créer un club, former les autres, aider les jeunes, gagner de l’argent avec un public si tout cela nous permet d’arrêter de travailler, de briser ce lien aliénant où l’on est obligé de vendre son temps et une bonne partie de sa vie pour avoir de l’argent et pouvoir subvenir aux besoins matériels nécessaires ou inutiles mais imposés par les conventions sociales.

Pour moi cela signifie qu’après avoir utilisé dans ce club mon corps, je veux aussi avoir le temps de faire autre chose avec mon esprit… avoir le temps de soigner mon âme et vos âmes pour communier plus profondément avec ce qui vit en moi et ce qui vit en vous… c’est comme cela que je vous aime ! Je crois que ce club peut nous apporter cette liberté qui donne le temps de prier… nous devons choisir entre la proposition de cette société : se faire moine ou jeune cadre débordé de travail, candidat d’office au divorce, au stress et à l’échec de sa vie spirituelle… 

Notre chemin peut nous conduire vers des horizons nouveaux, des horizons anciens qui ont fait l’existence de bon nombre d’autres peuples dont les civilisations nous étonnent aujourd’hui encore… Dans cette violence témoin de la fin de la primauté de la société industrielle, nous pouvons reparler de paix, de silence, de dialogue avec ce qui vit en nous. 

Profitons tous de ce que chacun peut apporter. Que Sepp nous parle de ses étoiles, Werner de sa chimie et que Pierre prenne sa place d’initié parmi nous ! Nous avons tout pour réussir. En échangeant jusqu’au plaisir de nos corps, jamais nous n’épuiserons cette énergie capable de nous faire progresser dans la maîtrise de ce que nous sommes amenés à vivre après cette existence. 

Nous sommes capables de transformer nos maux en remèdes ! Parce que ceci est indissociable de ce que nous sommes, nous pouvons et nous devons nous en préoccuper dès aujourd’hui, ici et maintenant ! 

Elle posa son regard tour à tour sur chacun des hommes. 

– je garderai longtemps dans ma mémoire le sourire, la joie, le plaisir que j’ai découvert sur vos visages lorsque vous veniez me pénétrer… je verrai toujours le plaisir encore plus grand que certains avaient en prenant Anke, la belle Anke en levrette, comment certains de leurs mains lui creusaient les reins pour davantage faire ressortir son cul…. C’est vrai que de nous toutes, c’est probablement elle qui doit avoir le vagin le plus étroit et c’est ce que vous préférez !… C’est la plus jeune… ce n’est pas pour médire sur vous… Au contraire, j’ai besoin de ces expressions pour mieux pénétrer en vous, dans votre intimité et profiter de ce que j’y trouverai….et si dans certains coins il n’y a rien, j’y mettrai du mien ! … ainsi nous nous enrichirons tous de nos communions ! 

Les hommes se taisaient. Seuls Dan éberlué et Pierre approbateur soutenaient son regard. Laurie avait su parler au nom des femmes. Elle prenait toute sa place de Shakti ! C’était un engagement sans compromission et les responsabilités de chacun étaient claires. Il était difficile d’ajouter quoi que ce soit ! Il ne restait plus qu’une seule question maintenant évidente : quand allait-on se revoir ? 

Frantz la posa puisque c’était lui qui le premier avait suggéré de créer leur propre club. Patrick prit la parole pour répondre. 

– dans deux semaines, je peux vous recevoir dans le grand chalet que nous occupons. Les voisins du dessus sont rentrés en France et nous avons les clés. Au rez-de-chaussée, il y a des salles de réunions… Nous habitons Baden-Baden vers le fond de la vallée, sur la route qui monte à la schwarzwaldhochstrasse, c’est un grand chalet que les Forces Françaises d’Allemagne ont acheté. Il y a de la place pour tous et vous pourrez amener les enfants. J’organiserai une garde pour eux et je trouverai du personnel engagé féminin pour les garder dans un autre chalet pas très loin du nôtre. Pour les lits, je m’en occupe, n’apportez rien ! Pour les repas, il faudra voir, je vais vous laisser mon numéro de téléphone et notre adresse mais pas de blague, ne téléphonez pas à mon général ! 

La proposition de Patrick fut la bienvenue. Même Dan n’en revenait pas… la débrouille de ces français n’avait pas son pareil ! Frantz devant la tournure favorable des événements s’engagea plus loin dans leur projet: 

– j’ai repéré une vieille scierie abandonnée à la sortie d’un petit village au bout d’un vallon pas loin de Baden-Baden… les bâtiments sont encore en bon état et la roue à aube qui au début faisait marcher la scierie à haut-fer est toujours là ! Ce serait un endroit magnifique pour le club. A côté il y a le torrent, une vaste prairie et la forêt tout autour. La route est en contrebas et il n’y a pas de voisin à trois cent mètres à la ronde… un endroit magnifique ! Nous y serions tranquilles. Il y a quelques tas de planches encore utilisables pour réaménager l’intérieur… c’est une occasion en or, nous pourrions aller la visiter ! 

 Le rendez-vous fut pris et ils échangèrent leurs numéros de téléphone. Chacun fut soulagé de savoir que ces moments n’allaient pas s’arrêter, qu’au contraire ils allaient pouvoir vivre encore mieux et pour plus longtemps. Werner et Barbara s’en allèrent avec Sepp et Sandra chez lesquels ils allaient dormir et passer la journée du samedi. Patrick et Karine, Frantz et Anke repartaient chez eux. Les trois derniers couples avaient loué une chambre pour la nuit. Laurie ne souhaitait plus participer aux ébats nocturnes et entraîna ses amis sous le grand chêne. 

Le dimanche matin, juste avant de monter dans sa voiture, Laurie donna discrètement sa carte de visite à Pierre. 

– tu as mon adresse pour me rejoindre samedi après-midi ! Je t’attends à 14h30 sur les marches de l’église. Je veux te voir seul ! Tchuss ! 

Aïe ! aïe ! aïe ! La vie se compliquait ! Pierre préférait rêver et tout ce programme, ce n’était pas du rêve ! Il devait y aller… et Françoise ? et les enfants ? Comment leur expliquer ce besoin d’être aussi souvent avec cette Laurie ? 

[1] Mircea Eliade dans son Traité d’histoire des religions ( Payot, 1949, p.307 ) précise le sens profond de l’orgie rituelle : ” L’orgie, de même que l’immersion dans l’eau, annule la création, mais la régénère en même temps ; s’identifiant avec la totalité non différenciée, précosmique, l’homme espère revenir à soi restauré et régénéré, en un mot ” un homme nouveau ” ” . Julius Evola, le Yoga tantrique ( Fayard, 1971, p.189 ) parle ” du déconditionnement sauvage de l’être… La promiscuité, la disparition momentanée de toute limite, l’évocation et la réactivation orgiastique du Chaos primordial favorisent certaines formes obscures d’extase “.

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