Épisode 38 Les premières difficultés.
Note de la rédaction : dans cette nouvelle présentation WordPress, remettre en ligne l’ensemble des 52 épisodes après les avoir relus et adaptés non plus aux années 1990 mais aux années 2020, va prendre un certain temps. Nous préférons remettre en ligne les épisodes qui ont été les plus lus de 2002 à décembre 2021, date de l’écrasement de notre ancien site Frontpage puis HTML. Parmi ceux-ci, il y a l’épisode 38. Les autres suivront prochainement.
Avec la rentrée et l’automne, Pierre retrouva son isolement coutumier vis à vis des activités du mouvement. Tour à tour, Gérard, Frantz, Anke ou Werner venaient le relancer sur la messagerie mais sans grand succès. Laurie préférait s’occuper activement de Romain et Claudine. Elle n’avait pas fait un compte-rendu sur ce qu’ils avaient vécu ensemble dans la clairière de la clue, encore moins sur leur procession qu’ils pensaient refaire lors de la célébration des mystères d’Éleusis.
En fait, tous suivaient attentivement le démarrage de l’activité des communautés, des Services d’ Échanges Locaux et de la bancassurance. Sepp et son équipe restaient devant leurs écrans et notaient avec satisfaction que l’explosion des communications sur leurs intranets, malgré l’emploi d’un cryptage de haut niveau de sécurité, ne bloquait pas le système d’information. Trop rapidement, les échanges ne se contentaient plus d’un espace local mais des adhérents tentaient d’échanger entre pays sur des distances de plusieurs milliers de kilomètres et aucune logistique n’était prévue à cet effet.
D’un autre côté, le nombre de candidats pour adhérer au mouvement ne cessait de croître et bon nombre de cadres confirmés de plus de quarante ans ainsi que des retraités, se proposaient de quitter un environnement économique et social devenu peu motivant pour apporter leurs compétences.
Les projets pour développer leur mouvement
L’équipe de Californie
Arnim et Anke travaillaient surtout pour préparer le terrain à l’action de Dan et de Laurie aux États-Unis. L’équipe de Californie avait fait suffisamment de contributions pour recevoir un statut plus officiel d’adhérent. Elle avait ouvert un club similaire à celui de Baden-Baden et tous remplissaient les conditions de base pour être reçu chevaliers. Dan et Laurie se proposaient d’organiser là-bas une cérémonie d’adoubement pour la Noël.
Les progrès en démocratie directe locale participative
Barbara, Sandra, Patrick et Frantz achevaient le budget prévisionnel pour l’année suivante ainsi que le bilan de l’année écoulée pour leur entreprise. Un modèle était présenté pour les autres communautés européennes. Tous ces bilans et budgets étant consolidés dans la bancassurance à Bâle de manière à trouver un équilibre global non évalué en monnaie étatique ou en euro mais dans leur monnaie pleine.
La grande satisfaction des membres fondateurs fut de constater les progrès époustouflants réalisés en démocratie directe. Point par point le budget prévisionnel était présenté, discuté, enrichi, amendé et voté grâce à un moteur de workflow qui rapidement, à la fin du temps de vote, donnait les résultats du scrutin. Cet outil permettait également de dégager les grandes tendances d’opinion en réalisant des sondages et des votes fictifs.
Les projets discutés recevaient ainsi de suite leur pondération en suffrages et avant qu’une majorité ne se fige, les discussions et négociations en étaient d’autant plus riches et circonstanciées.
Les clubs et maisons communes étaient de précieux relais pour les visioconférences servant de support aux débats publiques mais Sepp envisageait déjà de retransmettre ces débats sur une chaîne privée et épisodique de télévision en squattant de temps en temps un canal non occupé sur un satellite. Cela, il savait personnellement parfaitement le faire.
Au bout de deux mois, l’expérience était concluante mais la plus grande part des ressources financières des membres et du club était consommée en équipements et en connexions de télécommunications. Tous concevaient qu’il s’agissait bien d’un investissement indispensable mais nul ne pouvait se cacher que la véritable solution était d’être réellement ensemble et non plus sur leurs intranets.
Gérard proposa que la communauté rhénane, leur communauté fondatrice et pour le moment, de loin la plus importante et développée, inscrive dans son budget prévisionnel la création d’une nouvelle communauté locale qui aurait comme but de s’installer dans une région pour s’y développer en supplantant l’organisation étatique, administrative et commerciale. Au bout de quelques années, cette expérience locale démontrerait une fois pour toute la justesse et l’efficience de leur organisation et les autorités publiques ne pourraient que jeter l’éponge et admettre le développement de leur mouvement.
Cette nouvelle communauté serait le terrain d’exercice et d’apprentissage pour les adhérents de l’ensemble de l’Europe et des autres continents. Toutes les forces vives, les technologies modernes, les ressources de leur mouvement y seraient dans un premier temps concentrées pour concrétiser de premiers résultats politiques, économiques et sociaux.
Ensuite, même dans le cas d’un procès intenté par les autorités étatiques, le succès ne pourrait plus faire l’ombre d’un doute. La proposition fut discutée à travers les forums et un débat eu lieu. Le vote fut favorable. Gérard n’exprima pas sa satisfaction. Il avait demandé à Sepp de vérifier si Pierre avait bien participé ou non au vote. Le logiciel ne pouvait pas donner le sens d’un vote, seulement de dire si l’adhérent s’était ou non abstenu.
Pierre n’avait pas voté le projet de Gérard et ce dernier s’en ouvrit furieusement à Laurie. Il réclama la convocation de Pierre devant leur groupe dans le club de Baden-Baden. Laurie soutenue par les autres membres fondateur refusa. Elle se plaignit que le silence de Pierre la contrariait. Elle savait qu’elle devait utiliser les fêtes de fin d’année pour retrouver le poète et faire le point ensemble mais elle se doutait que Pierre continuait à travailler en silence avec sa voix, qu’il n’était pas infidèle. Elle était persuadée qu’elle devait se rendre avec Dan en Californie car là-bas, se jouait son avenir, une fois arrivée sa séparation humaine d’avec Pierre.
Le projet du poète demandait du temps,
non plus le temps de dire les choses. Laurie le croyait quand il lui répétait qu’il avait mis dix ans avant de pouvoir écrire ce qu’il avait vécu en arrivant pour la première fois au delà du puits de lumière. Dix ans, ce n’était rien à côté de ce silence impénétrable dans lequel s’étaient murées d’innombrables victimes des horreurs des conflits mondiaux.
Ni Jasko, ni Svetlana ne raconteraient en détail ce qu’ils ont vécu comme martyrs. Seuls des témoignages de voisins avaient pu rapporter les cruautés qu’ils avaient subies.
Elle savait que Pierre n’exigeait pas un délai de dix ans pour se préparer à sa dernière mission. Le succès de leur entreprise accélérait l’échéance ultime. Pierre serait prêt, un point c’est tout ! Elle avait foi en lui. Gérard devait le laisser tranquille. Laurie promit de reporter cette discussion entre leur groupe et le poète à la célébration du troisième anniversaire de leur rencontre, fin juin prochain.
Le développement d’un centre communautaire pour leur mouvement
Sandra forma une équipe autour d’elle avec Frantz, Patrick, Gérard, des architectes, des historiens, des compagnons bâtisseurs pour sillonner le sud de la Bourgogne et le Beaujolais à la recherche d’une propriété, d’un château à reconstruire ou à restaurer.
L’équipe faisait attention de ne pas s’isoler en rase campagne mais cherchait à s’insérer à proximité d’une ville moyenne car leur centre communautaire allait devoir entrer en concurrence avec des centres commerciaux, des établissements scolaires, des gendarmeries et des administrations publiques.
Tous avaient compris le message de Laurie : la solution idéale consistait à rebâtir Cluny, pas moins ! Mais la raison poussait à un compromis plus abordable. Vers Pâques, le choix définitif fut prononcé. La présentation des trois derniers sites retenus se fit sur l’intranet et après un débat, le vote des adhérents scella la décision.
Une fois de plus, le bon sens, la logique s’étaient dégagés et la décision reçut de suite une adhésion générale. De fait, la propriété établie autour des vestiges d’un prieuré du XIIème siècle, était la seule à offrir ces racines historiques sur lesquelles se greffait leur mouvement. Les diverses maisons communes et communautés locales s’organisèrent pour rassembler leurs meilleures ressources humaines et matérielles et les envoyer dans leur nouveau centre communautaire.
Frantz demanda aux architectes de s’inspirer des bâtiments construits par Le Corbusier pour la communauté voisine de l’Arbresle mais Pierre se manifesta pour que les bâtiments marient plusieurs styles dont obligatoirement le roman et le gothique. Ce centre communautaire devait avoir pour missions le développement spirituel sur ses quatre principales voies dont la voie mystique, la plus simple au départ pour le plus grand nombre des membres de leur mouvement. Les fondations du cloître et de la chapelle restaient visibles et une reconstruction dans le style de l’époque était possible. Ce mariage des styles architecturaux conviendrait pour le mariage des cultures qui est le but temporel prioritaire.
Leur mouvement devait démontrer une maîtrise architecturale égale à celle du temps des cathédrales, peut être pas dans le gigantisme des constructions mais dans le respect de la conception, de l’usage du compas et de l’équerre, du verre et de la pierre.
Le poète leur envoya le dessin d’une double maison de vie à construire à l’écart du bâtiment principal et reliée à lui par un souterrain. Il donna la fonctionnalité de chaque chambre, de chaque porte. Personne ne comprit comment le poète avait pu trouver un tel plan que les historiens avisés des choses égyptiennes acceptèrent comme le plan probable d’une double maison de vie de la haute Égypte.
Laurie se joignit à eux pour une nuit, leur raconter comment elle avait scruté le zodiaque de Dendérah et le sphinx de Tanis, sa tête sur l’épaule du poète, comment des gouttes de larmes s’étaient épanchées des yeux du poète, comment il lui avait avoué qu’il avait toujours eu du mal à écrire sur cette époque tant une voix bien particulière et fidèle venait l’embêter et se mêler à son écriture. Laurie prit sur elle la décision de faire bâtir cette double maison de vie et Pierre regagna son silence.
Le premier objectif opérationnel était de rendre habitable les bâtiments existants pour l’accueil des membres qui allaient construire le véritable centre communautaire adapté à une double fonction : favoriser l’involution spirituelle et être capable de défendre le mouvement dans sa démarche d’évolution de la société.
La mairie voisine se montra surprise que les travaux commencent sans le moindre dépôt d’un permis de construire. Pour toute réponse, elle reçut un message avec une adresse Internet sur laquelle elle pouvait prendre connaissance en trois dimension de ce qui allait être construit, avec toutes les côtes des bâtiments. Ne manquaient que les plans des constructions souterraines et secrètes.
Quelques semaines plus tard, en lisant le journal local, le groupe pouffa de rire en découvrant que lors de la dernière séance du conseil municipal, l’achat de nouveaux micro ordinateurs plus puissants pour les services de la mairie et de l’école primaire, avait été refusé par la plupart des artisans qui probablement comptaient sur cet argent pour des travaux communaux leur revenant. Seul l’instituteur avait voté pour.
Sandra envoya une nouvelle fois un courrier avec l’adresse Internet et l’affaire en resta là. Elle invita par la suite l’instituteur et son école à venir à la propriété pour découvrir sur grand écran, ce projet de construction. Gérard leur proposa d’accepter quelques postes micro informatique équipés pour le multimédia et la visioconférence ainsi qu’un serveur pour développer leur propre réseau informatique sans connexions avec le Web. Il leur expliqua la démarche de leur mouvement pour construire un savoir et le partager en dehors du Web. Ce qui permettait aux élèves de travailler entre eux sans possibilités d’aller ailleurs sur le web. L’intégration de données venant du web devait être certifiée par les élèves eux-mêmes avec l’aide de leurs professeurs ou d’experts reconnus. Gérard n’oublia pas de mentionner que cet espace virtuel était disponible à la maison sur les micro-ordinateurs et pas disponibles sur les téléphones portables ou les mobiles. Mieux même, deux techniciens repartirent avec les enfants pour installer l’équipement le soir même et le lendemain, tous apprirent à utiliser leur Intranet hautement sécurisé et ses possibilités de télécommunications pour diffuser leurs activités scolaires et leurs projets personnels.
Le vendredi après-midi suivant, ce furent les enfants qui invitèrent le conseil municipal et seuls, lui présentèrent avec le vidéo-projecteur et un grand écran prêtés par Gérard, le projet de construction de la communauté. Les enfants étaient émerveillés par les voûtes, les deux rosaces, la promenade virtuelle parmi les piliers et les sculptures. Les adultes restèrent méfiants mais se communiquèrent leur curiosité. Régulièrement les enfants se connectèrent sur les intranets du mouvement.
La mise en place de leur premier centre de guerre électronique
Dans le château de Klaus, près de Pforzheim, Arnim et Anke avaient demandé à Sepp de leur détacher une équipe supplémentaire parmi les meilleurs ingénieurs. Dan et ses chevaliers venaient de réussir un superbe coup : grâce aux informations du réseau des agents secrets, ils avaient intercepté un avion de transport sur un aérodrome du Moyen-Orient. Steve et trois autres pilotes avaient atterri sur une base américaine proche de Strasbourg et avec l’aide d’autres complices, le matériel avait été acheminé jusqu’au château de Klaus.
Une moitié de la cargaison comprenait des missiles portables air-sol Stinger et l’autre moitié, du matériel d’écoute ROEM, de surveillance électronique et de transmission par satellite. Le matériel était destiné à des groupes islamistes fanatiques d’Asie centrale dans le cadre d’une vaste opération diplomatique orchestré par la C.I.A. dans le but de contrôler les ressources pétrolières de cette région. L’équipe des chevaliers avait menacé les services secrets américains de dévoiler l’affaire et le cas échéant, d’envoyer des commandos de chevaliers sur place en Asie pour prendre les preuves nécessaires de cette collaboration entre la C.I.A. et des terroristes islamistes.
Les ingénieurs du mouvement avaient pour mission de rendre opérationnel cet équipement électronique au profit de la communauté des chevaliers en l’utilisant comme porte d’entrée indétectable dans le système de renseignement et d’écoute électronique de la NSA et le réseau de satellites espions Échelon.
Début mai, après quelques semaines de travail, l’équipe devait se rendre à l’évidence. Cette technologie militaire restait hors de leur portée. C’est alors qu’ Arnim et Anke reçurent sur leur messagerie confidentielle, l’invitation de Pierre de se rendre dans le bureau de Sophia-Antipolis. Le poète avait une solution…
Incrédules, les deux se renseignèrent auprès de Laurie. Celle-ci leur conseilla d’avoir la foi, d’avoir foi dans le poète et les renvoya vers Frantz qui leur délivra deux billets d’avion pour Nice. Pour seule certitude, Sepp leur avait remis le listing des récentes connections de Pierre : il avait bien suivi jour après jour sur le réseau hautement crypté, toute l’évolution de cette affaire et la durée de ses connections démontraient qu’il avait eu largement le temps d’y réfléchir mais que voulait encore le poète ?
La réunion secrète de Sophia-Antipolis
Ce fut Jacques qui les accueillit à l’aéroport et les conduisit dans leur bureau des Bouillides. Vers dix-neuf heures, Pierre vint les rejoindre avec un autre homme d’environ trente cinq ans, peut-être plus. Pierre le présenta.
Michel travaillait dans son entreprise. Enfin, il avait été responsable du projet portant sur la ceinture électronique de l’Irak installé par leur entreprise lorsque ce pays faisait la guerre avec l’Iran et que ce pays était soutenu par les puissances occidentales. La Guerre du Golf avait mis évidemment fin à ce projet et depuis, Michel cherchait un nouveau projet capable de le motiver.
Il prit la parole pour déclarer sa satisfaction d’avoir pu constater que cette ceinture électronique irakienne avait parfaitement fonctionné et que seuls les commandos américains par des assauts à chaque fois répétés depuis leurs hélicoptères avaient pu venir à bout des différents fortins. Les missiles et l’aviation ne pouvant rien contre elle.
Jacques fut le premier à sortir de son étonnement. Lui aussi avait fait la Guerre du Golf. Michel s’excusa. Lors de ce conflit, il était déjà à Paris devant son poste de télévision. Il avait su que son entreprise avait été sollicitée par les alliés pour donner les plans de ces équipements mais lui, il s’était tenu en retrait. Cette guerre n’avait pas été la sienne.
Depuis quelques temps, il s’était intégré dans un département, ici sur le parc, qui travaillait sur des composants pour les télécommunications, des petites pièces de céramiques capables d’émettre et de filtrer des ondes acoustiques comprimées dans un signal. Cette application civile avait d’abord permis la réalisation d’un compresseur d’impulsions pour le satellite Topex-Poséidon et la mesure des océans. La précision stupéfiante de ces altimètres radars appliquée d’abord pour les radars embarqués des avions de chasse et le guidage des missiles, allait être maintenant déclinée dans des filtres à bandes pour la radio mobile, la transmission d’informations multimédia sur des récepteurs portables comme les téléphones mobiles, ouvrant grand ainsi la diffusion de l’Internet et du Web par les ondes radio.
Dans sa recherche d’une nouvelle responsabilité au sein de l’entreprise, il s’était lié plus amicalement avec Pierre et il souriait encore de toutes les manœuvres d’approches que ce dernier avait menées pour lui dévoiler l’activité de leur mouvement. Oui, il était partant pour s’engager sur la voie de leur chevalerie. Non, il ne connaissait pas précisément pourquoi il était là ce soir.
Arnim prit les choses en main. Il cherchait un expert dans l’électronique militaire, les stations d’écoute et de transmissions, de calcul et de dépouillement des données pour mettre au point le matériel de centre de guerre électronique subtilisé à la NSA. Michel confirma qu’il en était bien un expert. Ses diplômes des meilleures écoles françaises et américaines pouvaient également en donner foi. Arnim demanda à Pierre si Michel pouvait discrètement quitter leur entreprise pour rejoindre rapidement l’équipe de Sepp. Pierre prit sur lui pour négocier un préavis d’un mois. Arnim pouvait-il s’arranger pour fournir un contrat de travail à Michel, tiens dans une entreprise bavaroise plus ou moins liée à Siemens ? L’écran serait parfait pour ensuite récupérer Michel dans l’équipe de Sepp et ceci brouillerait les pistes côté français car tout comme Pierre, Michel était sur les listes de la DGSI et de la DGSE. Pierre et Michel avaient été habilités ” secret défense “.
Ce serait Pierre qui signalerait le départ de Michel à ses divers supérieurs. Anke précisa à Michel les conditions d’entrée dans leur mouvement. Il devait commencer par l’école d’amour. Sa femme le suivrait-il dans cette école sinon elle ou Laurie qui aimait toujours se rappeler à ses amours de surogate, se proposeraient pour être sa partenaire. Anke se connecta sur leur intranet et lui montra en quoi consistait cette école d’amour. Elle finit la démonstration par ouvrir son fichier de présentation ainsi que celui de Laurie… comme cela Michel pouvait déjà choisir en toute connaissance de cause.
Arnim abrégea la discussion pour se connecter au forum expert de Sepp. Celui-ci, prévenu, était en ligne et il put tester de suite la compétence de Michel. A un moment donné, Sepp organisa un travail sur écran partagé en mettant en route un tableau blanc. Michel et lui visualisèrent sur leur propre poste de travail une zone de travail commune sur laquelle ils agissaient simultanément sur les plans et schémas présentés. Très vite, Michel utilisa le tableau blanc comme brouillon et à l’aide de sa souris, il guida Sepp dans ses explications.
A un moment donné, Michel s’inquiéta sur la durée de leur communication. Elle était trop longue et pouvait faire facilement l’objet d’une détection surtout qu’il était constamment question de la NSA. Sepp, Arnim et Anke le rassurèrent. La communication se faisait à l’aide d’un cryptage de haut niveau sur leur propre intranet hautement sécurisé avec leurs propres serveurs et non pas sur l’Internet ouvert à tous. Ils pouvaient continuer à travailler tranquillement.
Au bout de deux heures, Sepp estima que ce premier contact suffisait. Avant de se quitter, Pierre leur demanda de livrer une première évaluation de leur rencontre. Sepp déclara que Michel était bien l’homme de la situation et il invita Jacques à se mettre en relation avec Sandra pour préparer la venue de Michel et de sa famille à Francfort. Michel avoua n’avoir jamais travaillé aussi vite et aussi bien que durant ces deux dernières heures. Le niveau technique était bien supérieur à celui qu’il connaissait dans son entreprise. Sepp lui répondit en souriant. Lui aussi n’avait jamais autant progressé que depuis qu’il animait cette équipe d’informaticiens et d’électroniciens dans leur mouvement.
Pour se montrer plus convaincant, toujours en écran partagé, il ouvrit un fichier pour montrer à Michel quelques séquences vidéo et quelques travaux réalisés par l’autre équipe en Californie. Si Michel venait les rejoindre, il pourrait travailler sur une ceinture électronique mondiale et peut-être encore meilleure que celle de la NSA parce que piratant cette dernière !
Les cinq laissèrent Sepp à son travail et Pierre les invita à dîner en bord de mer. Anke se chargea de régler l’addition. Pierre raccompagna Michel. Jacques, Arnim et Anke passèrent la nuit dans la maison de Laurie puis les deux regagnèrent leurs bureaux de Francfort et ensuite le château plus discret de Klaus.
La mise au point du centre de guerre électronique
Mi-juin, le renfort de Michel avait permis à l’équipe de Sepp de rendre enfin opérationnel le matériel d’écoute et de télécommunications.
Michel grâce à un testeur qu’il avait lui-même fabriqué, avait détecté la présence d’une puce espion mais il n’arrivait pas à la localiser entre plusieurs cartes systèmes. Il était certain que le matériel était protégé pour que même s’il tombe dans des mains ennemies, toutes les communications soient bien contrôlées par les services secrets adverses.
De plus, ce matériel était programmé pour utiliser Intelink, l’intranet spécifique de la NSA. Cet intranet n’a aucune passerelle avec l’Internet pour des raisons de sécurité. Sepp décida alors de construire à partir de ce matériel également un autre intranet parfaitement sécurisé et sans liaison avec l’Internet. Mais comment connaître ce qui se tramait chez l’adversaire et comment savoir si ce matériel contenait toujours une puce espion ?
Sepp, Anke, Dan et Arnim durent se rendre à l’évidence. La seule preuve possible du non piratage de leur nouvel intranet, proviendrait des quelques correspondants au sein de la NSA. Si à Fort Meade, ces correspondants trouvaient trace de l’utilisation du matériel des chevaliers, alors seulement ils sauraient que cet équipement était verrouillé électroniquement. Dan décida de courir ce risque.
Anke exigea d’avertir une centaine de chevaliers parmi les meilleurs, de demander à ce groupe un débat et un vote pour, en cas d’avis favorable, immédiatement renforcer militairement la sécurité du château de Klaus ainsi que commencer la formation sur l’utilisation des missiles portables sol-air. Arnim lui demanda si elle n’exagérait pas quelque peu. La jeune femme le toisa d’un regard fulgurant et dans ses deux beaux yeux bleu, le vieil officier comprit qu’il devait changer d’époque, que la facilité du temps de sa jeunesse était bien révolue et qu’il devait se mettre au diapason de cette fougue, de cette volonté implacable de se prémunir du caractère impitoyable de ce monde actuel.
C’était Anke qui commandait dorénavant dans son domaine spécial et à égalité avec Dan et dans son domaine à lui plus militaire. Arnim n’en prit pas ombrage. Il avait vu, entendu, senti comment Dan et Anke se faisaient assez régulièrement l’amour et il pouvait comparer ces étreintes aux siennes avec la même Anke. Il soupira… si tout avait été pareil lorsqu’il avait été jeune officier, tous ses camarades tués au combat seraient encore là et comme lui, tous seraient aux côtés d’Anke et de Dan… pour faire l’amour comme pour organiser une société moins violente, l’épée sous la garde du sacré.
L’utilisation du centre de guerre électronique
Une semaine après la mise en route du matériel, les premiers résultats tombèrent du calculateur de l’entreprise de Klaus sur lequel le système de gestion de base de données dérivé du logiciel Promis avait été installé fort discrètement. Une équipe d’anciens pirates informatiques reconvertis dans le groupe de Sepp s’activaient à utiliser Internet pour faire exécuter certains travaux sur deux super calculateurs européens lorsque ceux-ci, dans la journée ou la nuit, étaient en sous-charge.
Anke s’était rangé à l’avis d’ Arnim. Les communications à surveiller en premier, concernaient les mouvements d’extrême droite et leurs groupuscules para militaires avec leur idéologie nazie ainsi que celles de la police et de l’armée. Barbara avait insisté pour que soient également suivies les communications des syndicats professionnels des banques et des assurances car ce seraient bien eux qui les premiers demanderaient aux pouvoirs publics d’intervenir contre les Services d’échanges locaux et leur bancassurance, surtout pour détruire le fonctionnement de leur monnaie pleine, sans dettes.
Les programmes de recherche sur la base de données furent rédigés en conséquence. Sepp et Anke guettaient leurs boîtes aux lettres électroniques confidentiels. Ils attendaient le message des correspondants amis de la NSA pour savoir de quoi il en retournait avec leur centre de guerre électronique. Moins de deux semaines après la mise en route de l’équipement, le message tomba. Malgré les modifications apportées, tout arrivait à Fort Meade ! Les correspondants demandaient un délai d’une journée ou deux pour apporter eux-mêmes une solution de rechange.
Aussitôt la garde avait été renforcée au château et Dan avait réparti les gardes du corps, anciens de Bosnie, en protection de l’équipe de Sepp et des principaux dirigeants du mouvement.
Dan sur les conseil de Laurie, avait accepté de ne pas faire surveiller Pierre par un garde du corps et Arnim avait refusé son garde. Il était persuadé que si quelqu’un cherchait à l’abattre, il y arriverait de toute manière. Ce n’était pas la peine de faire tuer en même temps un deuxième chevalier. D’ailleurs, il allait restreindre ses déplacements et rester près de Klaus et d’ Anke. Il estima qu’il ne risquait rien.
Les correspondants agents-secrets présentèrent leur solution : enlever un équipement identique en place dans une station africaine peu défendue pour ensuite la démonter pièce par pièce de manière à pouvoir la copier, la refaire sans puce espionne ou tout au moins changer des cartes et utiliser ce matériel pour savoir quelle carte était en cause.
Dan avait une semaine pour monter l’opération et dans les heures qui suivirent les plans des lieux, la liste du personnel ainsi que des détails sur les habitudes de ce personnel arrivèrent dans la messagerie d’ Anke. Les agents-secrets d’autres puissances collaboraient avec la troupe des chevaliers.
Steve et son équipe habituelle reçurent un ordre de mission pour se rendre avec un avion cargo vide dans cet aérodrome africain. Les correspondants étaient efficaces d’autant que l’avion allait transiter par Ramstein. Ils s’excusaient : ils n’avaient pas pu se rapprocher davantage et le faire transiter par Lahr, une question de règlement… Fin juin, le deuxième équipement était arrivé au château de Klaus.
Le début de la guerre électronique
Le lendemain, les correspondants se firent pressants et inquiets. Le groupe des chevaliers avait été identifié et localisé par les services secrets adverses mais aucune décision n’avait été prise à leur encontre.
Les décideurs pesaient le pour et le contre de l’élimination pure et simple des chevaliers. Ces derniers savaient pertinemment que des membres de leurs équipes et à très haut niveau, collaboraient maintenant avec les chevaliers, préférant leurs causes éminemment humanitaires au service plutôt obscur rendu à un groupuscule inconnu et extrémiste qui possédait dans leur pays le pouvoir de fait par dessus les élus du peuple.Ces décideurs connaissaient par cœur le rôle de la secte des puritains anglo-saxons dans la vie politique américaine et dans la haute finance anglo-saxonne. Leur dogme de la prédestination des élus provient certes du mouvement protestant allemand et suisse mais ce groupe sectaire avait bien pris le contrôle d’un gouvernement mondial des plus riches. Une vengeance de leur part en guise d’avertissement était assurément dans l’air et les chevaliers devaient la prendre très au sérieux.
Durant les mois qui suivirent, les chevaliers et leurs adversaires menèrent chacun de leur côté les développements de leurs centres de guerre électronique. En septembre, les terroristes islamistes d’Asie Centrale s’attaquèrent au peuple américain à travers une action suicide sans précédent. Les correspondants des chevaliers à la NSA préférèrent mettre en sourdine leur collaboration avec le mouvement pour se consacrer entièrement à cette nouvelle guerre contre le terrorisme.
Anke reçut une proposition de collaboration de la part de son correspondant mystérieux de l’agence qui devait être, les preuves devenaient plus claires, le directeur même de l’agence. Anke réunit une visioconférence entre les membres fondateurs pour examiner cette proposition avant de la soumettre le cas échéant au reste de leur mouvement.
Pierre maintint une position ferme : les chevaliers n’avaient pas à coopérer avec la NSA et l’armée américaine dans cette lutte contre le terrorisme car la stratégie américaine était le contraire des valeurs de leur mouvement. Pierre les rappela brièvement : démonter le système industriel capitaliste pour mettre en place une organisation en réseau fondée sur les deux sources de savoir, réaliser l’alliance des contraires et non pas la domination d’une seule culture aussi laïque et éprise de liberté soit-elle, ne pas utiliser massivement les armes contre un peuple mais utiliser ces armes avec les forces des mondes supérieur et double pour vaincre les groupes de criminels, leur enlever les armes des mains et placer ces armes sous la garde du sacré.
Sans refaire un cours d’histoire, Pierre indiqua que cette position était identique à celle des dirigeants de l’ordre templier au Moyen-Âge lorsque ces chevaliers comprirent que la plupart des seigneurs de guerre francs et européens transformaient le nouveau royaume de Jérusalem non pas en plate-forme d’innovation culturelle pour réaliser socialement le mariage des cultures commencé à Cluny, Cîteaux, Clairvaux mais en simple copie de leurs royaumes européens fondés sur le système de pouvoir féodal avec toutes les luttes intestines pour le pouvoir que ce système générait.
Bernard de Clairvaux avait interdit aux chevaliers templiers de participer aux nouvelles croisades et l’Ordre du Temple avait longtemps refusé de financer l’emprunt pour racheter la liberté du roi Saint-Louis détenu à Tunis car les templiers n’avaient pas à effacer les inconséquences d’un roi de France qui n’avait pas voulu écouter les conseils avisés de leur ordre. Certes ce refus avait servi de prétexte à Philippe le Bel pour venger la mémoire de son grand-père.
Mais aujourd’hui, pour Pierre l’histoire se répétait d’une certaine manière. Les dirigeants de cette lutte contre le terrorisme mondial avaient le choix entre ne faire qu’à leur manière ou changer leurs habitudes, sortir de leurs systèmes de pouvoir pour entreprendre le mariage des cultures, l’alliance des contraires à partir d’un savoir global réunissant les deux sources de savoir. Pierre insista pour que Anke réponde officiellement au directeur de l’agence en mettant en forme cette position.
Le poète ajouta que si aucune balle n’était susceptible de traverser l’air de cette région, il voudrait bien seul ou avec Laurie, Romain et Claudine, organiser une première partie des célébrations d’Éleusis ou de Dendérah dans la grotte servant d’abri aux dirigeants de ces groupes terroristes. En souriant, le poète confirma qu’il garantissait la sortie immédiate de ces personnes de leur grotte et probablement leur conversion à un autre Dieu que celui pour lequel ils tuaient des êtres humains…. Bah ! Des druides celtes avaient bien dû s’employer à troubler le sommeil et la tranquillité de Jules César.
Ce que l’initié était capable de faire ne suffirait de toute manière pas à convertir l’ensemble du camp adverse… il reste toujours des esprits impénétrables à toute forme de lumière y compris spirituelle.
Les chevaliers ne participèrent pas durant la suite de cette guerre à une quelconque opération mais ils travaillèrent de plus bel au développement de leurs moyens de protection militaire. Leur mouvement avait été mis à l’index par les services secrets alliés. Le directeur de l’agence, au printemps de l’année suivante, adressa un long message à Anke pour lui transmettre son indignation et sa colère. Alors que ses services participaient activement au succès de la guerre contre le terrorisme mondial, il ne supportait plus de constater que les entreprises de piratage par les chevaliers de ses centres de guerre électronique, augmentaient en fréquence et en importance. Il en avait franchement marre de lire régulièrement dans sa boîte à lettres confidentielle la réponse d’ Anke, toujours la même, qu’il se trompait et d’objectifs et de moyens, qu’il devait suivre la position des chevaliers, changer d’épée et de combat.
Le premier combat militaire des chevaliers
Deux jours après la réception par Anke de ce long message, un correspondant adverse ami indiqua qu’un ordre de mission venait d’être transmis à un groupe d’action d’extrême droite résidant en Allemagne.
La recherche des renseignements sur leur ennemi
Dan décida de faire venir deux Huey pour quelques semaines dans le château de Klaus. Les officiers chevaliers les réarmèrent comme lors de l’expédition de Bosnie. Le point faible restait le calculateur du centre informatique de l’usine de Klaus. Il était trop lent pour digérer la masse des enregistrements. Sepp demanda à l’équipe de Californie de trouver une solution sur un supercalculateur d’une université américaine près de Palo Alto ou de Mountain View.
Le lendemain, la lecture des enregistrements de la direction du mouvement d’extrême droite démontra qu’elle avait reçu des informations très précises sur l’identité réelle d’ Arnim et de Klaus, sur leur gestion des fonds secrets nazis et sur l’existence probable d’un reste conséquent de ce trésor de guerre. Cette dernière information fut validée rapidement : il s’agissait d’une carotte agitée pour que ce mouvement d’extrême droite agisse contre Arnim et Klaus.
L’adresse du château apparut bientôt parmi les informations. La tentative de discréditer leur mouvement au travers d’un affrontement présenté ultérieurement comme un règlement de compte entre groupuscules d’extrême droite et néo-nazi, devint manifeste. Toutes les ressources du centre de guerre électronique, tous les moyens de renseignement ROEM, la pleine charge du calculateur furent monopolisés par la traque des communications de cette direction du groupe néo-nazi.
Il fallut trente six heures pour traiter les informations utiles et connaître la date et le lieu où un de ses commandos allait préparer une action contre le château. Il apparaissait par contre que les commanditaires, à coup sûr américains et d’extrême droite eux aussi, n’avaient pas cru bon de mentionner que le château abritait un centre de guerre électronique et était solidement défendu. Dan, Anke et Arnim en conclurent que les services secrets adverses utilisaient les groupes d’extrême droite des deux pays pour arriver à ses fins mais sans dévoiler la présence de ce matériel de renseignement, information susceptible assez rapidement de se retourner contre eux.
Les trois chevaliers se mirent instantanément d’accord. La logique voulait qu’ils exploitent immédiatement ces renseignements obtenus par cet énorme travail électronique et informatique. Rien qu’à travers cette capture d’informations, ils avaient la confirmation de la nécessité de développer un ordre chevalier pour protéger leur mouvement.
Toute la question reposait sur le laps de temps qu’ils auraient pour contrer l’adversaire de manière à ce que leur mouvement se développe, principalement sur le troisième niveau de travail : l’organisation politique, économique et sociale fondée sur une organisation en réseau à partir des deux sources du savoir et qui reconnaît la place première de l’être humain.
La riposte du commando de chevaliers
Un commando de chevaliers devait attaquer le commando néo-nazi lorsque ce dernier serait rassemblé et ce combat devrait faire réfléchir longtemps l’adversaire avant que ce dernier ne prépare d’autres attaques.
Arnim était le seul à connaître l’endroit et l’identité de quelques chefs de ce groupe néo-nazi. Ces informations lui étaient connues de par son activité d’agent secret au service de la C.I.A. C’était à lui de diriger l’attaque.
Anke en était naturellement dispensée car pour des raisons de sécurité, les deux dirigeants des actions spéciales ne pouvaient être ensemble sur le terrain. Dan voulut commander en second le commando. Arnim lui demanda de diriger un commando de réserve. Le vieil officier organisa son groupe autour de ses amis des Gebirgsjäger. Son neveu prenant le commandement en second. Arnim justifia cette composition comme relevant d’une affaire interne allemande et il demanda à pouvoir porter la croix des chevaliers du Saint empire romain germanique en dessous de la croix templière. Frantz donna l’autorisation de principe.
Dan n’accepta pas de laisser partir ainsi le commando. Il exigea la présence d’un témoin de nationalité non allemande et il pria Arnim d’accepter de prendre Jacques avec lui. Ce dernier dirigeait maintenant aussi le groupe chargé de la protection du club près de Baden-Baden. Dan le fit venir aussitôt.
Les mécaniciens des Huey arrivèrent avec un autre appareil, de leur aérodrome hollandais. Vers deux heures du matin, une vingtaine de chevaliers montèrent dans les appareils. Steve pilotait le Huey leader. C’était la première fois que les opérations allaient être transmises au centre de guerre électronique en utilisant des transmissions cryptées à haut niveau depuis le lieux des combats. C’était une autre réussite de l’équipe de Sepp.
Une heure plus tard, le commando des chevaliers fut sur place. Arnim dirigea le mise en place de son équipe autour d’une ancienne carrière de pierre qui servait de stand de tir. Les néo-nazis regroupés dans la propriété voisine viendraient tôt le matin régler ici leurs armes. Plusieurs chevaliers, anciens de l’expédition de Bosnie, demandèrent à Arnim s’ils devaient faire des prisonniers de manière à pouvoir les convertir ensuite à leur mouvement. Arnim leur répondit que cette œuvre de conversion n’est possible que pour un maître spirituel, qu’en l’absence d’un tel maître, ils ne feraient aucun prisonnier.
La mort d’ Arnim au combat
Vers huit heures, plusieurs véhicules tout terrain arrivèrent dans la carrière. Arnim ne leur laissa pas le temps de régler leurs armes. Il s’avança sur le chemin pour crier le nom du chef néo-nazi. Celui-ci, stupéfait, s’avança à son tour vers Arnim qu’il avait reconnu malgré sa tenue des troupes de montagne.
Mais un néo-nazi eut une réaction imprévue. Par peur ou par un instinct assassin et aveugle, il se jeta à terre dans le fossé au bord du chemin et aussitôt ouvrit le feu sur Arnim qui s’écroula. Le chef néo-nazi courut vérifier l’état d’ Arnim. Constatant qu’il était mort, il revint vers celui qui avait ouvert le feu et de son pistolet l’abattit froidement.
Les autres se regroupèrent près des véhicules pour sortir rapidement le reste de leur armement tant ils avaient compris qu’ Arnim n’était pas venu seul et qu’ils étaient tombés dans un guet-apens.
Jacques sortit de sa cachette et ordonna le feu. Les chevaliers bondirent à l’assaut sans arrêter de tirer. Lorsqu’ils arrivèrent aux voitures, plus aucun adversaire ne vivait. Jacques inspecta les véhicules, prit des sacoches avec des documents puis il y mit le feu.
Les deux Huey arrivèrent. Plusieurs chevaliers se précipitèrent sur le premier pour en sortir un brancard sur lequel ils placèrent le corps d’ Arnim. Moins d’une heure plus tard, le commando des chevaliers fut de retour au château. Laurie était en route depuis Baden-Baden. La nouvelle de la mort d’ Arnim avait été diffusée sans d’autres explications sur les intranets et sur Internet.
La gestion de crise suite à le destruction du commando néo nazi sur le sol allemand.
La menace étant écartée, Dan ordonna de dissoudre les deux commandos et de renvoyer les Huey sur leur base de cantonnement. Il décida de rejoindre avec Anke le centre informatique de l’usine de Klaus à Karlsruhe de manière à pouvoir réagir dès la lecture des informations.
La direction du groupe néo-nazi ne prit connaissance du massacre de son commando que vers midi. Elle ne comprenait pas ce qui était arrivée et elle donna l’ordre à son mouvement de faire silence. Déjà la police, alertée par le voisinage était sur place pour enquêter et emporter les morts. Vers 16 heures, Dan lut le rapport adressé au procureur. Ce qui était gênant, ce fut la découverte des traces d’hélicoptères. Les enquêteurs optaient pour un règlement de compte entre groupuscules néo-nazis mais la présence d’au moins un hélicoptère indiquait que les assaillants étaient puissamment armés et équipés. Les balles retrouvées prouvaient l’emploi de pistolets mitrailleurs de guerre et non pas d’armes de chasse.
Dan et Anke activèrent leur réseau de correspondants agents-secrets. Vers 19 heures, un message tomba directement sur leur messagerie cryptée à haut niveau. C’était un message de félicitation. Le correspondant regrettait que les chevaliers aient laissé derrière eux les corps de leurs ennemis ainsi que des traces de leurs Huey mais il déclara que les chevaliers feraient mieux la fois prochaine. Il s’interrogea sur la pertinence de cette nouvelle pratique à ne pas faire de prisonnier alors qu’ils avaient déjà réussi des conversions admirables en Bosnie et il signa d’un nom de code inconnu.
Anke authentifia l’origine du message. Il venait directement de Fort Meade. Agacée, elle le renvoya aussitôt à l’un des correspondants sympathisants de la NSA pour qu’il en découvre l’auteur. Dan la calma. Le correspondant avait pu juger de la qualité de la réaction des chevaliers et en professionnel des actions spéciales, il ne pouvait que se réjouir du succès des chevaliers et de la perte du commando néo-nazi. Le correspondant avait l’air de se réjouir de se découvrir des partenaires de jeu à sa hauteur, lui qui devait s’ennuyer dans la solitude de son pouvoir souverain sur le monde du renseignement au point d’occulter le vol par deux fois, de matériel sensible et secret défense.
Mais Dan du admettre qu’un dirigeant de la NSA avait découvert la présence chez lui des correspondants sympathisants. Un accord tacite était-il possible entre professionnels pour la réussite de telles opérations humanitaires lancées par les nouveaux chevaliers ? Anke décida de fermer leur messagerie et de clore cette opération spéciale.
Laurie veille sur la dépouille d’ Arnim
Vers 22 heures, Dan et Anke revinrent au château pour retrouver Laurie et veiller la nuit durant, la dépouille d’ Arnim. Le groupe des anciens durant l’après-midi s’était reformé.
Les femmes se souvenant des gestes maintes fois accomplis durant leur jeunesse, s’étaient occupé du corps du vieil officier pour le laver, le bander et faire disparaître les traces des blessures mortelles.
Laurie, trop fébrile, avait été évincée de ce groupe de femmes. Elle avait cherché à joindre Pierre sur son lieu de travail. Elle avait même eu au bout du fil la secrétaire de Pierre mais ce dernier était à Paris, en déplacement professionnel et Laurie n’avait eu que l’adresse de l’hôtel où Pierre était logé pour la nuit.
Pierre par goût comme pour des raisons de sécurité n’utilisait aucun téléphone portable comme la plupart des membres de leur mouvement. Elle laissa un message à cet hôtel mais elle savait que Pierre n’y rentrerait que très tard. Elle pouvait tenter de l’appeler directement sur le lieu de travail que la secrétaire lui avait indiqué mais finalement Laurie se ravisa. Pourquoi avait-elle besoin de l’aide de Pierre ? Ne pouvait-elle pas agir toute seule ?
Elle se rendit à la chapelle du château, étendit sur les carreaux sa cape de chevalier et se coucha à plat ventre dessus. Elle replia les bords sur son dos comme pour s’enrouler dans la cape et donner un peu de chaleur à cette enveloppe charnelle lorsqu’elle l’aurait quittée. Face contre terre, elle chercha à se décorporer, prit plusieurs chemins pour y parvenir puis, plus calme, elle trouva le bon.
Elle resta au fond du chœur, à courte distance de son corps charnel. Elle hésita sur ce qu’elle devait faire. Elle sentit qu’elle n’avait pas ses pouvoirs habituels aussi elle souhaita traverser le puits de lumière pour accéder au monde supérieur mais rien ne se passa. Personne ne vint. Elle exprima la volonté de savoir où était parti Arnim. Aucune réponse ne vint.
Elle voyait son corps étendu devant elle. Elle savait qu’elle avait fait un bout du chemin, qu’elle était partie. Laurie était consciente de sa décorporation mais elle comprit que chercher à savoir ce qu’il était advenu de l’esprit et de l’âme d’ Arnim n’était pas une raison suffisante pour refaire le voyage.
Sa foi suffisait. Mais elle préféra rester là à attendre. Les moments lui paraissaient des longueurs sans fin. Elle se dit que justement après tout ce temps, Arnim se serait installé chez lui, qu’il pourrait revenir dans le monde double la retrouver. Mais au fur et à mesure, Laurie comprit qu’un silence oppressant s’installait autour d’elle. Elle ne voulut pas regagner son corps. Elle préféra rester immobile alors que l’espace autour d’elle devenait plus opaque, froid et immobile.
Elle sentit enfin une présence s’approcher au dehors, devant la porte de la chapelle. Elle vit comment cette présence traversa la lourde porte fermée et cela ne la choqua point. C’était une présence comme elle du monde double. Jamais Laurie n’avait rencontré ce genre de présence, muette mais qui s’avançait imperturbablement vers elle. Elle rassembla son esprit et se souvint de l’anecdote de Pierre lorsqu’il lui raconta sa rencontre avec l’envoyé des Ténèbres. C’était bien cela ! Il était au milieu de l’allée centrale et elle préféra qu’il n’aille pas plus loin car il était bien plus proche qu’elle, de son corps charnel. Elle chercha en elle pour dialoguer avec son âme comme Pierre le lui avait dit et aussitôt la voix se manifesta en elle pour lui dire qu’elle pouvait regagner sans crainte son corps charnel.
Aussitôt Laurie se releva, troublée profondément par ce qu’elle venait de vivre. Il n’y avait pas que le voyage à travers le puits de lumière. L’envoyé des Ténèbres existait bel et bien. Il ne lui avait pas fait peur mais sans décision de sa part à elle, il l’aurait bel et bien emmenée dans le monde obscur du silence.
Péniblement elle ressortit de la chapelle pour gagner sa chambre. Elle se cloua sur une chaise devant la table de sa chambre et d’une volonté rageuse, elle imposa les mains pour demander que l’esprit de Svetlana se manifeste. Ce ne fut pas aussi simple que cela mais avec une débauche inaccoutumée d’efforts, la médium parvint à se relier à son esprit. Svetlana vint confirmer qu’avec d’autres êtres chers, elle était venue à la rencontre de l’âme d’ Arnim pour l’aider à franchir le puits de lumière. Oui, elle pouvait confirmer que l’identité humaine d’ Arnim était bien fondue avec la parcelle divine mais Laurie n’avait pas à s’inquiéter.
Pourquoi, elle Svetlana n’était pas venue aider Laurie en état de décorporation ? C’était simple : qui était le médium ? Alors ? Svetlana conseilla à son médium d’économiser ses forces sinon leur liaison allait s’interrompre. Laurie lui parla de sa rencontre avec l’envoyé des Ténèbres, comment elle s’était souvenue des propos de Pierre.
Svetlana se montra espiègle. Laurie devait questionner plus étroitement son amant de poète car celui-ci avait fait beaucoup de progrès dans ses négociations avec cet envoyé des Ténèbres. Oui, Pierre était en train de retrouver la voie de l’initiation sacerdotale vers les plus hautes fonctions sociales et politiques, les fonctions de grands prêtres et les fonctions de pharaon puisque ce poète intrépide et inclassable avait pour ses travaux irrationnels, choisi comme cadre de référence la civilisation de la haute Égypte.
Svetlana lui assura que ni elle ni Pierre n’auraient plus besoin de l’appeler pour qu’elle joue aux esprits malfaisants lors de la célébration des mystères d’Éleusis. Pierre se débrouillerait tout seul, comme un grand ! Pour le moment elle conseilla à Laurie de laisser Pierre seul dans ses recherches. Ne s’aimaient-ils pas ? Pouvait-elle douter rien qu’un instant qu’elle ne serait pas la première avec qui il partagerait les fruits de sa recherche ? Svetlana voulut rompre cette liaison et Laurie dut accepter.
Elle se coucha sur son lit et essaya d’imaginer ce que pouvait bien faire son diable de poète d’amant. L’histoire s’accélérait et elle savait que Dan n’arriverait pas à complètement remplacer Arnim. Mais qu’est-ce que Pierre pouvait encore trafiquer ?
Elle chercha. Ensemble ils avaient fait le tour du monde supérieur et il lui sembla impossible d’aller plus loin sur ce niveau sans abandonner définitivement une existence terrestre. Y avait-il des choses à chercher dans le monde double ? …Pour devenir un grand prêtre ou un pharaon de la plus antique des Égypte ?
Elle se prit à rire toute seule en superposant devant elle l’image du poète tour à tour ou simultanément en grand prêtre et en pharaon. D’un geste de profonde tendresse, elle baisa le doigt avec lequel elle avait répandu les gouttes qui s’étaient échappées du regard du poète devant le sphinx de Tanis et le zodiaque de Dendérah, dans la crypte du Louvre. Sa mémoire olfactive lui rappela comme le goût de ces larmes… elle tira la couette bien haut sur ses épaules pour avoir chaud durant son sommeil. Elle continua à se sourire les yeux fermés… son poète d’amant continuait à avancer sur le chemin de leur évolution, elle pouvait s’endormir… heureuse, malgré tout profondément heureuse dans l’attente du prochain partage, là-bas dans la seule boucle que fait le grand fleuve. Elle s’endormit au bord de l’eau. Elle n’eut pas la force de chercher à savoir si la présence voisine était un grand maître spirituel vivant là ou si c’était un batelier passant sa vie à comprendre les forces captivantes du fleuve.
Les funérailles d’ Arnim
Dan chercha son épouse parmi la quarantaine de personnes présentes. A côté du groupe des anciens, du groupe des fondateurs ne manquaient que Pierre et Françoise. Martha venait d’achever une cérémonie de prières. Anke les invita à la bibliothèque.
Brièvement, elle tira les enseignements de cette opération spéciale et leur soumit sa lecture à elle et à Dan du message de félicitations adressé à leur ordre chevalier. Chacun savait qu’ Arnim n’était que le premier chevalier mort au combat, qu’il y en aurait d’autres…
Dan demanda ensuite qui avait vu Laurie. Cela faisait des heures que plus personne ne l’avait vue. Cette absence jeta un trouble plus inquiétant dans l’assistance. Sandra décida d’aller voir si elle n’était pas tout simplement dans sa chambre. Les quatorze montèrent. Anke entra la première suivie de Dan. Elle vit que Laurie dormait. Elle fit signe aux autres de ne pas faire de bruit et tour à tour chacun vint rapidement observer le visage radieux avec lequel leur Laurie dormait profondément.
Tous se souvinrent des mêmes expressions de Pierre et de Laurie lorsque ces deux-là s’apprêtaient à utiliser leurs pouvoirs mystérieux. Ils comprirent que Laurie savait qu’ Arnim était sauvé, qu’il était chez lui dans le monde supérieur auprès de ses êtres chers et de son épouse. Anke les fit sortir et demanda à Dan de la réveiller doucement. Laurie embrassa amoureusement son mari et s’étira longuement sur le lit tout en lui demandant de rester coller à elle puis elle invita Anke à venir elle aussi partager ses étreintes amoureuses mais Anke, toute à son devoir, s’excusa et demanda à son amie de venir les rejoindre dans la bibliothèque. Laurie promit.
Elle se leva pour envoyer Dan chercher une épée de chevalier le temps qu’elle s’habille dans la tenue de leur ordre templier. C’est l’épée tendue fermement devant elle qu’elle pénétra dans la bibliothèque pour leur demander d’aller eux aussi revêtir la tenue de leur ordre et se rendre à la chapelle. Elle voulut que le corps d’ Arnim y repose. Elle invita Martha à célébrer avec elle une communion eucharistique et elle pria Dominique de lui apporter le texte des paroles que Pierre avait prononcées lors de leur première célébration, leur premier week-end à Baden-Baden.
Ils admirèrent la sérénité de Laurie, son sourire quelque peu espiègle mais dont ils ne lui en voulurent point. Seule, elle libéra son envie de clamer sa joie. Bien entendu, c’était évident, dans la boucle du grand fleuve, Pierre allait se choisir les fonctions de pharaon… ce serait elle qui exercerait les fonctions de grand prêtre… elle n’allait pas attendre son balourd de poète ! Dès ce soir, elle prenait ses fonctions et quant à lui, prière de ne pas trop traîner, hein ?