Partie 2 – Les systèmes de pouvoirs

Le chômage

Note de la Rédaction, mars 2024 : Ce document est ancien et a servi pour des cours d’économie.

En principe le choc démographique avec le départ à la retraite des « baby boomers» nés entre 1945 et 1965 et l’arrivée sur le marché du travail des classes « creuses» nées après 1975, devait à partir des années 1996 – 2000, renverser la situation puisque le nombre de jeunes entrant sur le marché du travail est nettement inférieur au nombre de sorties très important. Il ne devait donc plus exister de chômage mais au contraire un besoin de main d’œuvre non satisfait.

Nous savons depuis que les délocalisations, la désindustrialisation, l’automatisation du travail en production et maintenant en 2024, le développement de l’I.A., l’intelligence artificielle, ont fortement réduit les besoins en main d’œuvre. La conséquence est connue, le maintien d’un chômage structurel autour de 10% qui pénalise surtout les jeunes.

Nous connaissons la cause de ce chômage structurel en France : le nombre insuffisant de création d’emplois.

1) les origines du chômage

Extraits :

” Toute collectivité humaine doit, pour assurer la couverture des besoins de ses membres, mettre en œuvre leurs capacités de travail, c’est à dire leur capacité d’utiliser et de transformer leur environnement naturel afin de produire des biens matériels et des services utiles. De multiples facteurs peuvent expliquer que la mobilisation de ces capacités de travail ne soit pas totale ; une telle sous-utilisation s’observe, sauf périodes exceptionnelles, dans tous les systèmes sociaux que l’histoire nous permet d’observer. Elle ne suffit pas pour définir l’existence du chômage, situation dans laquelle un individu est à la recherche d’un emploi et n’en trouve pas. Le chômage ne naît que dans des formes spécifiques d’organisation sociale caractérisées par la généralisation du salariat comme forme dominante de mise en œuvre du travail rémunéré. L’apparition du chômage suppose donc réunies plusieurs conditions.

  • Le chômage implique une coupure entre temps de travail social, destiné à procurer un revenu, et temps de travail privé ou domestique, destiné à la satisfaction directe des besoins du groupe familial…. La variation de leurs temps de travail respectifs, et donc du niveau de satisfaction des besoins, sert de régulateur; travail social et travail privé sont constamment imbriqués dans l’activité concrète.
  • L’apparition du chômage suppose que le travail social soit l’objet d’un échange marchand, c’est à dire que le travailleur vende sa force de travail à un employeur. C’est le fait de ne pas trouver un acheteur pour sa force de travail qui définit le statut de chômeur.
  • Le chômage naît avec la généralisation du salariat ; dans ce cadre, le travailleur ne dispose pas d’autre possibilité de participation au travail social, et donc de source de revenu, que l’obtention d’un emploi salarié.
  • L’histoire du chômage est donc celle de l’extension du salariat, autrement dit de l’extension du mode de production capitaliste “.

2) les interdépendances entre emploi, chômage et inactivité.

Le chômage n’est pas uniquement l’écart résiduel entre les offres et les demandes de travail. Le niveau de chômage conditionne d’une certaine manière le niveau de l’emploi. La stratégie des entreprises va recourir plus ou moins à l’emploi selon le niveau de contraintes du marché du travail, le rapport de force avec les syndicats. En cas de crise, l’État va aider la création d’emplois dans les entreprises et ces aides ont un effet d’aubaine qui tend à disparaître lorsque le chômage est faible.

Le lien entre chômage et inactivité varie aussi en fonction du niveau d’emploi. En cas de chômage élevé, les jeunes ont tendance à rester inactifs et poursuivre des études et les femmes ont tendance à travailler dans des tâches domestiques sans se porter demandeur d’emplois, ce qui minimise d’autant le nombre des demandeurs d’emplois. Inversement, en période de croissance et de création d’emplois, ces publics se portent demandeurs d’emplois. Ce phénomène joue pour les emplois industriels qui concernent davantage les hommes et pour les emplois tertiaires qui concernent davantage les femmes. Les destructions d’emplois industriels créent un chômage pour les hommes âgés alors que les créations d’emplois dans le tertiaire poussent les femmes à demander du travail, ce qui accroît aussi le nombre de demandeurs d’emplois.

Il n’en reste pas moins que vouloir rester dans des occupations domestiques non salariées signifie aujourd’hui se priver d’une source de revenus conséquents et restreindre son niveau de vie par rapport à un modèle de ménage constitué de deux emplois à temps plein et à durée indéterminée.

3) la montée du chômage repose sur une composante permanente et une composante conjoncturelle

« la composante permanente naît de la distorsion entre la croissance régulière en France de la population active et la quasi stagnation tendancielle de l’emploi global. De ce fait, les catégories qui entrent sur le marché du travail rencontrent d’énormes difficultés pour trouver un emploi ; il s’agit principalement des jeunes sortant du système scolaire et des femmes dont les taux d’activité ont poursuivi durant la crise le mouvement ascendant qu’ils avaient entamé antérieurement. De plus, l’accroissement du chômage conduit les employeurs à exercer une plus grande sélectivité à l’embauche : face à des candidatures multiples, ils peuvent élever le seuil de leurs exigences. Dès lors, les titulaires de bas niveaux de formation ou de qualification seront victimes de cette évolution ».

« la composante conjoncturelle est associée aux phases de récession industrielle ; les principales éclatent en 1974, 1980 et 1991. Elles sont marquées par des taux de croissance du produit intérieur brut proches de zéro ou négatifs. … La croissance du chômage est brutale ; elle résulte principalement des pertes d’emploi subies par les travailleurs : licenciements, fin d’emplois précaires…. Le chômage touche principalement les emplois industriels et les hommes en sont plus fortement victimes ; il atteint toutes les catégories d’emplois industriels, y compris les travailleurs qualifiés.

Dans les phases de croissance lente, la composante permanente est dominante ; le chômage évolue de manière inégalitaire. Dans les phases de récession industrielle, la composante conjoncturelle se superpose à la première et son influence l’emporte : le chômage croît rapidement, mais les inégalités se réduisent car les restructurations industrielles frappent des catégories jusqu’alors relativement épargnées ( hommes adultes, travailleurs qualifiés) »

4) le chômage est un phénomène inégalitaire

l’analyse statistique décrit la situation :

  • le taux de chômage des femmes est largement supérieur à celui des hommes, quelle que soit la tranche d’âge (en moyenne, 3,5 points de plus).
  • le taux de chômage des jeunes est plus du double de celui des adultes, quel que soit le sexe (en moyenne 10 points de plus).
  • Les taux de chômage reflètent les hiérarchies professionnelles : parmi les ouvriers, le taux de chômage des qualifiés est de 7,3%, celui des non qualifiés est de 17,1% (enquête INSEE, 2001).
  • Ces inégalités tendent à se combler dans la massification du chômage lors des crises qui touchent toutes les catégories de travailleurs. Mais la montée du chômage fait naître d’autres fractures sociales plus conséquentes et explosives.
  • Face au risque chômage, la comparaison internationale montre que les peuples n’ont pas la même réponse, ne mettent pas en place les mêmes moyens de prévention.

« En Allemagne, à la différence des quatre autres pays, le taux de chômage des jeunes est à peine supérieur à la moyenne nationale alors qu’en Italie il est le triple ; au Royaume-Uni, le taux de chômage des femmes est inférieur à celui des hommes alors qu’il est le double en Espagne.

Chaque pays apporte donc une réponse en fonction de sa culture. L’Allemagne à travers sa pratique de l’apprentissage s’occupe de placer ses jeunes dans un emploi. Dans les pays du sud, les traditions familiales perdurent : priorité à l’homme, puis à la femme, ensuite les enfants.

En France, nous avons dit sur ce site web que ce phénomène du chômage intervient dans une tradition qui privilégie le capital technique au détriment du facteur travail, traduction moderne de la défiance depuis 700 ans qu’ont les dirigeants envers le peuple qui pendant plus de quatre siècle entre 900 et 1 300 avait développé une société florissante sur la base d’une organisation en réseau et d’une propriété commune gérée par des ordres monastiques, des ordres chevaliers puis par des villes libres ou plus ou moins émancipées par rapport à un pouvoir royal de plus en plus faible et ruiné. Ce choix d’investir massivement dans les machines et les technologies sans se soucier des hommes, s’est justifié par le fait de devoir se soustraire à des charges de personnel jugées trop lourdes puis par des impératifs de compétitivité, arguments non fondés.

L’organisation du pouvoir dans la société française est pour nous directement en cause dans la gestion du chômage qui traduit plus la défense d’intérêts personnels privés qu’un intérêt général. Cette recherche de l’avantage maximal a pour conséquence que notre système de production n’utilise qu’une seule classe d’âge, celle des adultes. Une autre illustration réside dans l’utilisation maximale de la précarité dans de nombreuses branches du secteur tertiaire. A la décharge des employeurs, la volonté des politiques et de l’Éducation Nationale de développer puis de défendre un vaste monopole dans le système de formation des jeunes a joué un rôle primordial dans le faible taux d’activité des jeunes de 15 à 24 ans. Le même objectif d’élever le niveau de qualification des jeunes à Bac ou Bac+2 aurait du reposer sur une organisation de la formation commune entre école et entreprises, comme en Allemagne ou dans les pays scandinaves.

Les disparités des taux de chômage existent aussi sur le plan géographique entre la façade est de la France en voie de désindustrialisation et la façade ouest qui attire les entreprises du tertiaire ( proximité des plages, de la mer, etc.).

Au niveau des branches professionnelles, la branche de la construction arrive en tête (11,1% du total des chômeurs), elle concentre variations conjoncturelles, emplois précaires et main d’œuvre peu qualifiée. Le commerce utilise largement les emplois précaires. La branche de l’énergie (3,6%) est la mieux lotie car ses salariés, en majorité sous statut de la fonction publique, sont les plus protégés contre la perte d’emploi.

5) les conditions d’entrée en chômage.

” L’insertion des jeunes à la sortie de leur formation a été améliorée, le nombre de femmes qui arrêtent leur travail à la suite d’un mariage ou d’une naissance est en diminution. Par contre l’entrée en chômage se fait de plus en plus à la suite d’un licenciement. En 1975, ils représentaient 50% des entrées en chômage pour les hommes et 28,3% en 2001. Par contre les entrées en chômage suite à la fin d’un emploi précaire sont devenues les plus nombreuses : de 4,8% en 1975 pour les hommes, elles sont de 41,7% en 2001. Pour les femmes les taux sont respectivement de 7,8% et 38,8%.

L’accumulation des emplois précaires qui amènent en majorité des périodes de chômage traduit cette fracture sociale sauf que maintenant il n’y a plus que les inactifs voire les quelques oisifs volontaires qui se retrouvent démunis, une forte proportion de salariés ( environ 20% de la population active) se retrouvent aussi dans une situation sociale démunie et deviennent des travailleurs pauvres comme au 19ème siècle dont pourtant nous pensions oublier cette misère.

Globalement, l’évolution des causes d’entrée en chômage est donc caractérisée par le poids croissant des décisions prises par les employeurs et par le recul des facteurs qui traduisent les comportements d’activité de la population. » Ce fait s’ajoute à tant d’autres qu’il accroît plus qu’un malaise social, un sentiment d’injustice et une répulsion envers la classe dirigeante accusée de partialité et de briser la cohésion nationale entre la France d’en-haut et la France d’en-bas.”

6) la sortie du chômage

” L’employabilité, probabilité au sein d’une population de chômeurs, de trouver un emploi pendant une période donnée, est principalement fonction de l’ancienneté dans le chômage. La probabilité de retrouver un emploi diminue lorsque la durée du chômage s’allonge. Les critères de sélection des employeurs favorisent cette exclusion des chômeurs de longue durée.

Le fait qu’un salarié en emploi précaire perd son emploi et en retrouve rapidement un ne peut être interprété comme une bonne employabilité. La sortie des emplois précaires pour des emplois à temps pleins et à durée indéterminée est bien moindre. «  A l’opposé, ceux qui ont perdu un emploi durable éprouvent plus de difficultés pour sortir du chômage mais, lorsqu’ils y parviennent, ont plus de chance d’obtenir une réinsertion professionnelle stable ».

7) la typologie des chômeurs.

” Dans un contexte de chômage massif, la sélectivité du marché du travail augmente ; elle tend à scinder la population des chômeurs en sous-groupes dont l’employabilité est largement déterminée par leur passé professionnel.

Le chômage répétitif : concerne surtout les jeunes récemment sortis du système scolaire et des femmes qui cherchent, après une interruption longue, à reprendre une activité professionnelle. Cette catégorie se caractérise par un pourcentage élevé de travailleurs peu qualifiés et d’anciens titulaires d’emplois précaires ». Ils ont peu de droit à des allocations chômage et ils ne peuvent se montrer exigeants.

Le chômage de conversion frappe principalement des travailleurs qui, jusqu’alors titulaires d’un emploi stable, sont victimes d’un licenciement économique. » Ce sont principalement des hommes qui proviennent de l’industrie et du bâtiment. Ils bénéficient d’une indemnisation relativement favorable.

Le chômage d’exclusion constitue une troisième catégorie dont le développement représente l’une des conséquences les plus inacceptables de la crise économique. Il s’agit de travailleurs qui se présentent sur le marché du travail avec des handicaps tels que leur probabilité d’insertion est très faible dans un contexte de sélectivité accrue. Sauf s’ils bénéficient de mesures spécifiques, ils semblent condamnés à un chômage de très longue durée qui engendre la dégradation des aptitudes au travail, le découragement et finalement l’abandon de la recherche d’emploi. Parallèlement, leurs droits à l’indemnisation s’amenuisent ou disparaissent. » Cette population se compose d’abord de travailleurs dits « âgés ».

La crise touche des catégories nouvelles : les jeunes dont le niveau de formation est insuffisant qui, s’ils refusent d’entrer dans le cycle des emplois précaires et du chômage répétitif, se retrouvent dans la marginalité. S’ajoutent les travailleurs adultes victimes de licenciements économiques dans des régions en perte d’emplois et qui n’offrent plus de possibilité de reconversion. “

8) le traumatisme du chômage.

” Il touche l’ensemble des aspects de la vie individuelle, familiale et sociale.

Le chômage est d’abord la perte d’un statut social. « Le licenciement est perçu comme une exclusion arbitraire d’un processus productif dont le travailleur a assuré le développement. Alors que toute l’idéologie, y compris patronale, met l’accent sur le rôle déterminant des travailleurs dans l’efficacité de l’activité économique, ceux-ci prennent brutalement conscience de leur situation de totale dépendance : ils peuvent être rejetés sans que la qualité de leur travail soit mise en cause et sans que leur contribution à la prospérité passée de l’entreprise soit prise en considération. Le chômage est donc vécu comme un processus de dévalorisation…»

Nous reviendrons largement sur cet aspect car dans une organisation en réseau fondée sur la propriété commune, cette exclusion et cette dévalorisation n’existent pas. Nous savons que ce sont des conséquences de l’abus du droit de propriété individuelle des employeurs.« Le travail salarié est aussi à la base de la structuration du temps, aussi bien du temps de travail que du temps hors travail. Le chômage n’est pas vécu comme du temps libre mais comme temps vide ; l’expérience du désœuvrement est génératrice d’ennui, d’angoisse et de culpabilisation ; elle provoque une incapacité à profiter du temps disponible et, notamment, à développer des activités de substitution ». Nous voulons quitter cette structuration du temps conditionné par le salariat, c’est à dire par la décision d’un propriétaire individuel. Nous allons développer le temps de travail dans le cadre d’un projet de vie et l’associer au projet d’une génération, unité de mesure commune à celles et ceux qui peuvent contribuer et partager une culture de groupe plutôt homogène.»

Les répercussions du chômage sur les liens familiaux et sociaux, sur les difficultés financières, sont connues. Ils proviennent largement du fait que cette société et son système de pouvoir impose un modèle unique d’acquisition des richesses tout au profit des propriétaires des moyens de production et au détriment de ceux qui ne peuvent qu’offrir que leurs forces de travail aux premiers. L’alternative de l’organisation en réseau est la solution pour éliminer ces dysfonctionnements. Nous y reviendrons largement.

9) les explications théoriques sur les causes du chômage.

«Dans les débats politiques ou dans les médias, trois sources sont avancées qui peuvent se résumer d’une manière caricaturale ainsi :

  • Le chômage est dû à l’afflux de nouveaux arrivants sur le marché du travail ou à la présence injustifiée de certaines catégories de population sur ce marché.
  • Le chômage est dû aux chômeurs : ce sont la mauvaise volonté, la mauvaise information, l’inaptitude, les exigences excessives, voire la paresse qui expliquent pourquoi certains restent sans emploi ; celui qui veut vraiment travailler finit toujours par trouver un emploi.
  • Enfin, pour ne pas l’oublier, mentionnons l’instrument d’explication universelle de tout phénomène social : le progrès technique.

L’évolution démographique, l’augmentation du taux d’activité féminin, l’interruption des soldes migratoires positifs ne peuvent expliquer à eux seuls la rupture de 1973 et la forte progression du chômage de masse depuis. Ce n’est pas la population active qui a changé mais bien l’évolution de l’emploi. Les États-Unis et le Japon ont connu une évolution plus rapide de leur population active et pourtant leur taux de chômage est plus faible que celui de la France. «  Ces résultats sont incompatibles avec la thèse selon laquelle la croissance du chômage serait une simple conséquence de celle des ressources de main d’œuvre ».

L’évolution de la population suit l’évolution du marché du travail : recours à l’immigration en cas de pénurie de main d’œuvre comme dans les années 1950-1960. Ensuite elle a été modifiée lorsque l’état a décidé d’allonger la durée des études et de favoriser les départs en pré-retraite dans les années 1980 lorsqu’il était devenu inutile de former les salariés de plus de 50 ans aux automates programmables ( leur apprendre le calcul des intégrales, etc..), à la bureautique, etc. « L’évolution de la population active est le résultat d’un mode et d’un rythme de croissance.»

« L’inadéquation des qualifications acquises par rapport aux exigences des postes de travail nouvellement créés expliquerait l’inemployabilité de certaines catégories de main d’œuvre. La responsabilité repose alors sur le mauvais fonctionnement du système de formation, qu’il s’agisse de formation initiale ou de formation continue… Il en résulte un chômage frictionnel principalement dû à l’imperfection de l’organisation du marché du travail et aux différents obstacles à la mobilité ». Ceci explique certaines difficultés sur des marchés de l’emploi particuliers ( restauration, hôtellerie, services aux personnes…) mais cette insuffisance des systèmes de formation ne peut être tenu pour responsable de la baisse d’activité et d’une faible croissance par manque de compétitivité de la main d’œuvre. Les États-Unis dont le système de formation est critiquable a un taux de chômage faible alors que la Suède ou l’Allemagne qui ont un système de formation qui sert d’exemple n’ont pas été épargnés par une forte monté du chômage dans les années 1980. «  En comparaison internationale, il n’y a aucune corrélation globale, ni dans le temps, ni dans l’espace, entre niveau de formation de la force de travail et niveau de chômage. Il ne s’agit en rien de sous-estimer l’importance de l’effort de formation pour la performance économique mais de refuser la thèse d’une liaison causale avec le niveau du chômage.»

« La thèse de la recherche d’emploi devenue plus compliquée et qui obligerait les chômeurs à prolonger leur recherche d’emploi jusqu’à trouver celui qui leur convient, n’est pas plus de nature à expliquer le chômage de masse. Ceci serait vrai si le volume des offres d’emploi non satisfaites augmenterait, or il baisse en période de fort chômage. En général, en période de fort chômage, le chômage volontaire diminue et les demandeurs d’emplois se montrent moins exigeants.

L’évolution est souvent brutale et l’introduction d’une nouvelle technologie est source momentanée d’un chômage frictionnel. Ce niveau de chômage frictionnel peut être combattu par des efforts dans le domaine de la formation mais l’arrivée de nouvelles technologies bouleverse à chaque fois le marché du travail. A long terme, le phénomène est observé : il s’agit du déversement social d’un secteur à l’autre. Le problème actuel est que la suppression d’emplois dans le secteur tertiaire par l’introduction des nouvelles technologies informatiques de communication ne sera plus compensée par des créations d’emplois suffisantes dans l’industrie ou le secteur primaire.»

« Il existe donc bien une relation entre changement technique et emploi, mais cette relation n’est en rien automatique. Elle est fonction des processus économiques et sociaux qui opèrent dans trois domaines principaux :

  • les critères d’orientation de la recherche et de sélection des innovations
  • le niveau et les modes de satisfaction des besoins
  • les conditions d’utilisation de la force de travail.

Le changement technique n’est pas, par nature, créateur ou destructeur d’emplois ; il modifie les conditions de détermination du niveau de l’emploi. En résultera-t-il plus de consommation, plus de temps libre, plus de chômage ? La réponse ne réside pas dans le progrès technique mais dans les modes de régulation du système productif.»

10) le cœur du problème

10.1 l’épuisement d’un régime d’accumulation

« Après 1945, la généralisation du modèle de la consommation de masse entraîne des gains de productivité élevés (économies d’échelle) qui assurent tout à la fois la rentabilité des investissements et la possibilité d’une croissance du pouvoir d’achat des salariés. « Si les taux de croissance de la productivité sont étroitement corrélés aux taux de croissance de la production, ils demeurent d’un niveau légèrement inférieur et, de ce fait, la quantité de travail nécessaire augmente lentement. Un lent mouvement de réduction de la durée du travail amplifie l’évolution en termes de nombre d’emplois… c’est le cercle vertueux.

Mais ce cercle vertueux ne peut être maintenu que par des investissements toujours plus importants jusqu’au moment où la rentabilité du capital investi diminue : le taux de profit réalisé par rapport au capital investi diminue. Les entreprises ont tendance alors à s’endetter pour poursuivre leurs investissements et la hausse de l’inflation devient utile pour rembourser plus facilement les emprunts. « Tous les éléments sont réunis pour une rupture de ce pseudo-équilibre de croissance rapide. La crise du système monétaire international à partir de 1971, les politiques conjoncturelles de freinage de l’activité adoptées par la plupart des pays en 1973, le quadruplement du prix du pétrole fin 1973 vont se conjuguer pour déclencher effectivement cette rupture.»

Pour sortir de cette crise, deux modèles sont avancés :

  • « rétablir les conditions de la performance économique selon une logique de flexibilité productive. Accélérant l’introduction de technologies nouvelles, il fait reposer la compétitivité sur la qualité des produits et des services. Cela suppose des collectifs de travail qualifiés, motivés et adaptables ; la stabilité du statut salarial est garantie en contrepartie de l’acceptation de nouvelles formes d’organisation du travail, d’aménagement des temps de travail, d’une mobilité professionnelle associée à une politique de formation. Des accords définissent à moyen terme les conditions de cohérence entre les niveaux respectifs de l’emploi, de la productivité et des salaires. Selon des formes différentes, l’Allemagne, le Japon et la Suède ont cherché, au cours des années 1980, des solutions de ce type.
  • la restauration systématique des mécanismes du marché et des critères de rentabilité microéconomique. « Elle implique une flexibilité maximale des conditions d’emploi et de salaire, génératrice d’une précarisation du rapport salarial. Avec des réussites différentes, les pays anglo-saxons ont privilégié cette option. Avec la décennie quatre-vingt-dix, elle semble avoir triomphé. Aux yeux des théoriciens de la régulation, le mauvais modèle a chassé le bon. L’emploi et les salaires sont devenus les variables d’ajustement du système.»

10.2 l’accumulation de rigidités néfastes

C’est la thèse de l’OCDE, elle est aujourd’hui dominante.

10.3 le débat entre chômage « classique » et chômage « keynésien

« Depuis l’éclatement de la crise, un débat se poursuit entre ceux qui situent l’origine du ralentissement de l’activité, du fléchissement de l’emploi et de la croissance du chômage dans l’insuffisance du niveau de la demande globale et ceux qui expliquent les mêmes phénomènes par la chute de la rentabilité du capital.»

« La théorie «classique » a été corrigée par la théorie de l’équilibre de prix fixe (souvent appelée théorie du déséquilibre) proposée par Edmond Malinvaud « qui adopte une hypothèse opposée à la théorie classique : celle de la rigidité des prix en courte période. L’équilibre ne se réalise donc pas par ajustement des prix mais par ajustement des quantités : si l’offre est plus grande que la demande, certaines offres ne trouvent pas preneur et, réciproquement, si la demande est excédentaire, certaines demandes ne sont pas satisfaites. Cette problématique permet de prendre en compte l’existence d’un chômage involontaire ; il apparaît lorsque, pour un taux de salaire donné sur le marché du travail, la quantité de travail offerte est supérieure à la demande de travail émanant des employeurs. La rigidité du taux de salaire interdit un ajustement immédiat ; de ce fait, une partie des travailleurs disposés à accepter le taux de salaire courant ne trouveront pas d’emploi. Au cours d’une même période, les désajustements peuvent être de même sens ou de sens opposés sur le marché du travail et sur le marché des biens. Dans ces conditions, deux types de chômage peuvent apparaître.

  • le chômage keynésien résulte de la conjonction d’offres excédentaires sur les deux marchés : des entreprises sont disposées à produire plus mais ne le font pas par suite de l’insuffisance de la demande ; des travailleurs se présentent sur le marché du travail et ne trouvent pas d’emploi. L’insuffisance du niveau de l’activité économique explique l’existence de ce chômage alors que les travailleurs comme les employeurs souhaiteraient atteindre un niveau global d’emploi et de production plus élevé.
  • Le chômage classique naît de l’existence d’excédents de sens opposés sur les deux marchés. Comme dans le cas précédent, les ressources de main-d’œuvre disponibles sont supérieures au niveau de l’emploi mais sur le marché des biens, la situation est inversée : les entreprises offrent des quantités inférieures à la demande. Cette situation peut résulter d’une insuffisance des services productifs (contrainte physique) ou du fait qu’un niveau de production plus élevé est jugé non rentable par les entreprises (contrainte de marché). Sur une longue période, la première contrainte s’apparente à la seconde : l’insuffisance des équipements productifs résulte d’un niveau trop faible des investissements dans le passé, ce qui s’explique par le fait que des investissements additionnels étaient jugés non rentables par les entreprises. C’est donc l’insuffisance de la rentabilité qui engendre le chômage classique.»

En principe un chômage classique ne peut pas se prolonger, il se transforme en chômage keynésien du fait de la pression exercée sur la demande (selon Malinvaud). « Le chômage keynésien n’engendre aucun mécanisme de rééquilibre automatique ; il peut se reproduire indéfiniment en l’absence d’une politique économique appropriée ; le maintien durable d’un chômage keynésien est générateur d’un chômage classique potentiel qui se manifestera lors de toute amorce de reprise ; en effet, l’insuffisance du niveau de l’investissement crée progressivement une situation dans laquelle il ne sera plus rentable pour les entrepreneurs de répondre à un accroissement de la demande.»

11) l’enjeu de politique économique

« Les débats théoriques sur la nature du chômage contemporain ne sont pas que raffinements d’experts. Ils sont au centre de l’affrontement entre les deux stratégies de politique économique qui s’opposent depuis l’éclatement de la crise. Selon le diagnostic posé sur la cause principale de la croissance du chômage, les solutions seront divergentes.

Les économistes d’inspiration libérale considèrent que nous sommes fondamentalement en présence d’un chômage « classique ». L’objectif est donc la création d’une dynamique rentabilité-investissement-emploi… De telles stratégies ont inspiré les politiques de la plupart des pays industrialisés dans les vingt dernières années. Elles se sont heurtées à une difficulté évidente : l’élargissement des marges de profit suppose une pression sur les deux autres composantes du produit national, la masse salariale et les prélèvements publiques. Dans ce cas, comment espérer voir les profits se transformer en investissements au moment où la demande globale se trouve comprimée ? Si les investissements se réalisent, ce seront des investissements de productivité, destinés à améliorer la compétitivité face à une demande stagnante, et non des investissements de capacité, destinés à accroître le niveau de production. Ils auront donc un effet destructeur et non créateur d’emplois.

La seule issue à cette contradiction est l’élargissement des parts que le système productif national occupe sur le marché mondial…. Mais si ce résultat est atteint, il faut souligner qu’il ne peut l’être qu’aux dépens des économies concurrentes. Si les politiques libérales se généralisent, chaque pays contribuera, par sa politique, à déprimer la demande globale à l’échelle mondiale tout en espérant y accroître sa part de marché. C’est un jeu à somme négative, qui engendre un cycle cumulatif régressif.

A l’opposé, l’interprétation keynésienne du chômage conduit à donner la priorité à la relance de l’activité économique grâce à une action sur la demande globale. «  C’est la dynamique demande-production-emploi …. Les expériences nationales inspirées de cette logique ont échoué sous la pression de la « contrainte extérieure » : dans les structures actuelles, la relance de la demande a des effets inflationnistes et se heurte à l’existence de secteurs d’activité dont l’offre est inélastique. Maintenir un taux de croissance supérieur à celui des économies nationales concurrentes, c’est engendrer un déficit de la balance commerciale qui appelle inéluctablement le retour à l’austérité.

La seule issue apparaît à l’échelle internationale ; l’harmonisation des politiques nationales de relance, modulées selon la situation initiale des différentes économies, devrait assurer des compensations dans le domaine des échanges commerciaux. Le problème est que la réussite de ces stratégies repose sur l’accord des pays qui, parce qu’ils sont dans une situation favorable du point de vue de l’inflation et de la balance commerciale, accepteraient de sacrifier cet avantage relatif sur l’autel de la relance mondiale. L’expérience montre que ces espoirs sont vains : ces pays sont plus portés à se poser en modèles qu’à renoncer, au profit des autres, à la situation qu’ils ont acquises.»

12) un taux de chômage d’équilibre

Devant l’incapacité des économies à rétablir un équilibre de plein emploi, il y aurait des conditions nouvelles de régulation des marchés qui engendreraient un certain volume de chômage nécessaire à la réalisation de l’équilibre macroéconomique. « Les courants d’inspiration keynésienne et néoclassique proposent deux interprétations de la détermination d’un taux de chômage d’équilibre.»

12.1 la courbe de Philips et NAIRU

« Historiquement on constate une relation négative entre taux de chômage et taux de croissance des salaires nominaux. En période de chômage faible, les salariés sont en position favorable pour demander des augmentations de salaires et profitant de la bonne conjoncture, les employeurs répercutent les hausses de salaires sur leurs prix. Ainsi est enclenché un mouvement d’inflation auto entretenu. Le raisonnement est symétrique pour un taux de chômage élevé.

Un système économique doit nécessairement faire un arbitrage entre chômage et inflation. Cet arbitrage définit un taux de salaire non accélérateur d’inflation (NAIRU : Non Accelerating Inflation Rate of Unemployment), son niveau est fonction des caractéristiques de chaque économie. Une conséquence importante en découle : une politique de relance n’a d’effets positifs durables que si le taux de chômage effectif est supérieur au NAIRU. Dans le cas contraire, elle provoquera l’accélération de l’inflation. Lorsque la priorité est donnée à la lutte contre l’inflation, des taux de chômage élevés peuvent être durablement nécessaires.»

12.2 L’effet de cliquet

Au cours d’une période, une économie par son comportement a un impact qui se poursuit au cours des périodes suivantes. «  Par exemple, un choc conjoncturel qui provoque une poussée du chômage peut accroître durablement le taux de chômage d’équilibre : dégradation des capacités professionnelles à cause du chôme de longue durée, impact du comportement des titulaires d’emplois stables (et de leurs syndicats). Ainsi, les trois récessions économiques survenues depuis 1973 auraient-elles pu avoir un effet de cliquet, relevant à chaque fois le niveau du taux de chômage d’équilibre en l’absence d’une politique active visant à en éliminer les conséquences durables.

«Le taux de chômage d’équilibre n’est pas un taux de chômage inéliminable. Le taux de chômage d’équilibre reflète les caractéristiques structurelles d’une économie et les choix de politique économique et sociale qu’elle a faits dans le passé. Une autre politique peut se donner pour objectif de transformer ces caractéristiques.»

13) Une critique de l’économisme

L’observation des disparités nationales dans le niveau et l’évolution du chômage conduit Philippe d’Iribane à mettre en cause, à juste titre, les schémas d’explication qui ne reposeraient que sur la prise en compte des performances macroéconomiques. Seule l’analyse des logiques sociales et des modèles culturels lui paraît rendre possible la compréhension des réactions différentes observées face à une même conjoncture économique mondiale. Il oppose, par exemple, trois logiques nationales contrastées :

  • aux États-Unis, toute activité professionnelle est jugée honorable, quels que soient son statut et sa rémunération ; les individus sont donc prêts à accepter les emplois qui s’offrent aux conditions imposées par le marché du travail ; ils ne restent au chômage que pour une brève durée grâce au respect de cette logique marchande
  • en Suède, une éthique du travail ancrée dans les mentalités fait que la communauté est tenue d’offrir une activité à tous ses membres mais qu’elle exerce une forte pression sur ceux-ci pour qu’ils acceptent les emplois proposés et donc les transformations de structures d’emplois associées aux restructurations
  • en France, la nature de l’emploi occupé définit la position sociale dans un système stratifié et hiérarchisé ; employeurs comme travailleurs ont intégré une conception des postes « socialement acceptables » : face à un déséquilibre du marché du travail, un travailleur préférera rester en chômage plutôt que subir un déclassement qu’il vivrait comme une déchéance : à l’opposé, les employeurs renonceront à offrir des emplois qu’il savent « inacceptables.»

Cette thèse met l’accent sur un fait important : le chômage n’est pas le produit d’un déterminisme économique. Mais cette analyse explique surtout les différences de réactions nationales face aux perturbations du marché du travail, elle ne porte pas sur les origines de ces perturbations… L’analyse économique reste nécessaire pour comprendre la rupture du modèle de croissance de plein emploi et le gonflement du chômage qui en a résulté.

Ce que nous retenons pour la suite de notre mouvement

  • le chômage est lié à la généralisation du salariat, à un modèle de production dans un système économique fondé que sur la propriété individuelle.
  • l’origine de la crise depuis 1973 est liée à une accumulation soit de capital qui en limite la rentabilité, soit de biens de consommation qui sature les marchés et fait baisser la demande. La crise est liée en 1973 à un haut niveau d’inflation qui brise le cercle vertueux antérieur qui existait depuis 1945.
  • les réactions nationales fondées sur des valeurs de communauté ou sur un rêve de liberté d’enrichissement arrivent à limiter le chômage en faisant en sorte que les demandeurs d’emplois acceptent sans trop discuter les emplois proposés.
  • le chômage accentue le rôle des employeurs dans la sélection sociale et crée un sentiment général d’injustice.
  • Les politiques économiques qui limitent l’inflation et défendent les monnaies accroissent le niveau d’un chômage d’équilibre : en 1994, les chômeurs français ont ainsi été sacrifiés sur l’autel de la mise en route de l’euro. En 2003-2004, les chômeurs européens continuent à faire les frais d’un euro fort et de la politique anti inflationniste de la BCE ( banque centrale européenne).
  • L’économie libérale semble incapable de généraliser ses théories à l’ensemble des pays sous peine d’une déflation explosive.
  • L’économie keynésienne veut en prendre en compte les besoins insatisfaits dans nos sociétés mais se heurte au problème de la rentabilité des investissements à court terme.
  • Aucune solution n’est mise en valeur pour sortir de la crise sinon une harmonisation des politiques économiques nationales sur le plan mondiale. Face aux conséquences négatives de ses utopies ( part non réalisable dans le fonctionnement d’un système), notre système économique avance une nouvelle utopie.

En France le chômage est de nature plutôt structurelle.

Malgré la reprise de la croissance, il persiste à un niveau élevé. Il dépend étroitement de la structure relativement rigide du marché du travail ( législation du travail importante, participation des partenaires sociaux ). Aux États-Unis, le chômage est de nature plus conjoncturelle. Du fait d’un marché du travail flexible, le volume de l’emploi est plus sensible aux variations de la conjoncture économique. Il y a aussi l’explication liée à la dominance du style de direction paternaliste dans les pays qui ont de mauvaises relations sociales : ce paternalisme accentue le niveau du chômage alors que dans les pays qui ont des relations coopératives entre salariés et employeurs, le niveau du chômage est nettement plus faible et le retour au plein emploi plus rapide.

Nous complétons cette analyse du chômage en France par l’étude un peu plus approfondie de la structure du chômage selon les niveaux de diplôme et le sexe. Le chômage est une perte considérable d’utilisation des compétences et donc un manque de gains de productivité. Face à un chômage structurel important depuis des décennies, les chômeurs sont une catégorie de citoyens qui ont intérêt à quitter le système de pouvoir libéral pour développer à nouveau nos réseaux citoyens de vie sociale. Il est donc important d’examiner ce qui se passe sur ce niveau des diplômes.

chômage en France par niveau de diplôme et sexe

source des deux tableaux : https://www.insee.fr/fr/statistiques/3595067?sommaire=3541412

Entre 2001 et 2017, le tableau sur la répartition des chômeurs par diplôme et par sexe montre tout d’abord que les femmes sans diplôme sont 1/3 de moins en 2017 qu’en 2001. Par contre , elles ont plus que doublé avec un diplôme d’études supérieures. Dans l’ensemble, le chômage des femmes a peu évolué (17,36%) alors que celui des hommes a augmenté de 50% sur cette période.

La structure par âge du chômage en donne une première explication. Les chômeurs de 50 ans et plus ont augmenté de 128% entre 2001 et 2017 (163% depuis 1982). Le chômage des 15-24 ans a diminué de –15,65% entre 1982 et 2017 et de –27,42% depuis 2001.

En 2017, pour les diplômes, le fait majeur se situe au niveau du BAC ou du BP (Brevet professionnel). Ces chiffres traduisent les échecs au début des études supérieures suivis d’une période de chômage. Les hommes au chômage sans diplôme ou avec le Bac représentent 45% de l’ensemble des chômeurs hommes, tout comme chez les femmes. Ce qui est énorme et significatif du dysfonctionnement de la société française qui est plus une juxtaposition de groupes sociaux-professionnels qui s’ignorent qu’une société rassemblées dans une même culture et qui se développe durablement. Nous retrouvons bien ici une des caractéristiques des systèmes de pouvoir qui divisent pour régner.

De là à dire que le Bac ne sert à rien est très facile mais faux car une insertion et une réorientation professionnelles est plus accessible avec le Bac que sans aucun diplôme. La priorité est donc bien de trouver une formation autre que celles présentées dans les Universités et c’est au niveau des Universités que se situent la solution. Cette solution, nous l’avons montrée correspond à l’élimination de sa fonction de sélection des élites. Si ceci s’avère impossible pour des raisons politiques liées au fonctionnement du système de pouvoir libéral, dans les réseaux de vie sociale, ce dysfonctionnement n’existe pas et c’est une raison de plus pour que ces jeunes diplômés quittent ce système .

Au niveau BAC+2, il y a une nette différence entre les hommes et les femmes comme si les employeurs préféraient les femmes pour les métiers du tertiaires. La désindustrialisation du pays explique certainement aussi cette situation par la baisse des emplois de techniciens supérieurs en usines.

En 2017 sur l’ensemble des chômeurs, les femmes arrivent en premier au niveau du Bac (11,94%) et les hommes au niveau du CAP,CEP (15,10%) juste devant les sans diplôme (13,70%). Les études ne sont plus forcément une garantie d’emplois pour tous (toutes) les diplômés(es). Ceci est la conséquence du Mal français que nous avons décrit à partir des données entre 1984 et 1994 sur l’obtention des gains de productivité et leurs utilisations. La France ne sait pas créer d’emplois et surtout d’emplois qualifiés pour accueillir l’ensemble de ses nouveaux diplômés.

Ces tableaux nous permettent de définir une des cibles prioritaires à sensibiliser et à éduquer pour quitter nos systèmes de pouvoir. Car ce sont bien les citoyens diplômés au chômage qui ont le plus intérêt à développer les réseaux de vie sociale, la démocratie directe locale participative. Les chômeurs sans emplois présentent dans un premier temps un effort de formation que les réseaux de vie sociale ne pourront prendre en charge qu’une fois qu’ils auront été mis en place durablement.

Pour une société sans chômage dans Nos réseaux de Vie

Sur le site de fileane.com, nous ne prenons pas partie pour la mise en œuvre d’une théorie par rapport à une autre ; nous quittons nos systèmes de pouvoirs pour mettre en place une organisation en réseau.

Nous avons montré que le système de pouvoir économique libéral et nos systèmes de pouvoirs politiques ne fonctionnent qu’en utilisant le mécanisme de l’exclusion : le principe d’autorité comme le principe d’efficacité ne fonctionnent qu’en excluant celles et ceux qui n’en sont pas satisfaits. Nous l’avons montré dans Autorité-Pouvoir-Commandement.

Le chômage, pour nous et même si Freyssinet prend garde de le dire aussi clairement, est la conséquence “naturelle” du fonctionnement de ce système de pouvoir économique libéral. Une propriété individuelle ne peut s’enrichir qu’au détriment des autres propriétés individuelles. Celui qui est assez riche pour pouvoir épargner peut placer cette épargne dans la propriété de moyens de production qui vont lui procurer un revenu supplémentaire grâce à cette épargne. Mais pour optimiser son placement financier, la répartition de la valeur ajoutée créée doit se faire à son avantage.

Les avantages économiques et financiers tirés de l’utilisation du capital technique ont pour conséquences la suppression d’emplois. La lutte pour la survie passe par l’obtention d’une place sécurisée dans un oligopole sur un marché et la lutte contre les nouveaux entrants sur ce marché. En oligopole, la fixation du prix ne dépend plus de l’offre et la demande mais du niveau d’épargne disponible. Les consommateurs doivent puiser dans leur épargne et payer des prix de plus en plus élevés pour que croissent les profits des sociétés commerciales et les dividendes des actionnaires. Si vous ne placez pas votre épargne en actions pour collaborer à cette domination financière des marchés, alors vos revenus baisseront années après années : vous vous placez en situation d’être exclu(e). Tout concourt donc pour la suppression d’emploi et la non création de nouveaux emplois sur ce marché.

Le chômage est la production permanente du système économique libéral fondé sur la seule propriété individuelle. L’interdiction de développer la propriété commune seule capable d’enrichir les exclus de ce système économique ( comme elle est capable d’enrichir quiconque veut bien y adhérer ) sous prétexte que le développement de l’économie non marchande est capable de ruiner l’économie marchande et l’état, ne peut qu’aggraver cette crise sociale majeure.

Le pacte républicain établi après 1860 à l’aide des idées d’ Émile Durkheim vole ainsi en éclat : l’état et ses administrations sociales ne peuvent plus prendre en charge les exclus de ce système économique et les exclus du travail : le financement du chômage, de l’inactivité ( et de la retraite en particulier) et de la santé devient un gouffre car les cotisations rentrent de plus en plus insuffisamment alors que les dépenses ne cessent d’augmenter. Les finances publiques ne peuvent que jongler entre déficits et remboursement de ces derniers lors des cycles de croissance mais si cette croissance tarde, les déficits deviennent colossaux et interdisent tout progrès social lors des phases de croissance. Toutes les mesures ont été prises par les dirigeants politiques et aucune ne marche pour stopper ce mécanisme implacable. Il en ira de même jusqu’à l’explosion sociale tant que nos sociétés ne reviendront pas à utiliser à nouveau la complémentarité entre propriétés individuelle, commune, collective et la rémunération du travail avec une Monnaie pleine.

Le livre du professeur Jacques Freyssinet illustre bien la pensée dominante. Toujours rester au niveau des dogmes de l’idéologie capitaliste et libérale.

Les problèmes et les solutions viennent des marchés, de l’ajustement entre l’offre et la demande. Organiser, planifier la production des biens et des services en fonction des besoins sont absolument étrangers à cette pseudo-science économique car ce serait reconnaître la primauté du politique sur l’économique. Lorsque la satisfaction des besoins des consommateurs est atteinte, pour éviter le risque de sur production et de pertes fatales pour les dirigeants de ce système libéral, il devient préférable de réduire la production et les investissements, de laisser se développer le chômage, la précarité, la pauvreté si ce n’est la misère à nouveau présente.

Personne dans ce système n’est capable d’élargir le travail à l’ensemble de l’activité humaine et ne veut développer des œuvres capables d’élever le niveau de vie et de les transmettre aux générations futures. La raison est largement connue. Ce serait accepter la propriété commune, les biens communs et l’action politique, l’utilisation de la Monnaie pleine, la démocratie directe locale participative comme nous l’avons décrite dans la première partie des Réseaux de vie sociale.

Sur notre site web fileane.com, remettre le travail devant le capital est la raison d’être de cette synthèse sur le chômage .

Abraham Lincoln s’est fait élire deux fois Président des USA en répétant cette évidence qu’une majorité d’électeurs américains avaient bien compris : « le travail précède le capital. Le capital est seulement le fruit du travail et il n’aurait jamais pu exister si le monde du travail n’avait tout d’abord existé. Le travail est supérieur au capital et mérite donc une plus grande considération (…). Dans la situation actuelle, c’est le capital qui détient tout le pouvoir et il faut renverser ce déséquilibre »

Les financiers de Londres ont agit pour que ce Président soit assassiné et que de telles politiques ne puissent se développer.

Alors…. il reste dans ce système libéral, l’éternel chômage qui ne cesse de se développer sauf si la démographie s’inverse et que la population diminue, que la jeunesse ne s’aime plus suffisamment pour assurer un niveau de naissances capable de garantir une croissance démographique.

Mais nous sortons déjà du cadre de référence des dirigeants du système libéral : seule la maximisation de leurs profits doit être prise en considération et quant à la démographie, ils se réfèrent volontiers aux thèses malthusiennes luttant contre la surpopulation avec des moyens tout bonnement criminels contre l’humanité.

commander le livre : le chômage de Jacques Freyssinet

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Autre documentation qui est en relation avec le chômage

La croissance en question,

Le Monde, supplément spécial, 31/05/07 Hervé Kempf

Croissance, croissance, croissance ! Économistes, politiques, entrepreneurs, journalistes, tous n’ont que ce mot à l’esprit quand il s’agit de parler des solutions à apporter aux maux de la société. Souvent, ils oublient même que leur mot fétiche n’est qu’un moyen, et le posent en objectif absolu, qui vaudrait par lui-même.

Cette obsession, qui rassemble la droite et la gauche, est aveugle à l’ampleur de la crise écologique : changement climatique, mais aussi crise historique de la biodiversité et contamination chimique de l’environnement et des êtres. C’est que l’instrument qui sert de boussole aux responsables, le PIB (produit intérieur brut), est dangereusement défectueux : il n’inclut pas la dégradation de la biosphère. Cela signifie que nous contractons à l’égard de celle-ci une dette toujours croissante. La dérégulation émergente des grands écosystèmes planétaires est le prix de cette dette. Si rien ne change, les annuités ne vont plus cesser de s’en alourdir

L’obsession de la croissance est aussi idéologique, car elle fait abstraction de tout contexte social. En fait, la croissance ne fait pas en soi reculer le chômage : “Entre 1978 et 2005, le PIB en France a connu une croissance de plus de 80 %, remarque Nicolas Ridoux dans le journal La Décroissance d’avril. Dans le même temps, non seulement le chômage n’a pas diminué, mais il a doublé, passant de 5 à 10 %.” Le Bureau international du travail et la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement confirment : malgré une hausse du PIB mondial de 5 % par an, le chômage ne diminue pas. Le Fonds monétaire international et la Banque mondiale observent aussi que l’élévation du PIB ne fait pas reculer la pauvreté ni l’inégalité. En réalité, l’invocation permanente de la croissance est un moyen de ne pas remettre en cause l’inégalité extrême des revenus et des patrimoines, en faisant croire à chacun que son niveau de vie va s’améliorer.

Il y a urgence à ré interroger le sens et le contenu de cette obsession moderne. Une piste nouvelle est de viser la réduction des consommations matérielles, c’est à dire des prélèvements que nous faisons sur les ressources naturelles. Un rapport du Parlement européen, présenté en mars par la députée Kartika Tamara Liotar, le propose : « Il convient de réduire par quatre, à l’horizon 2030, la consommation de ressources primaires non renouvelables dans l’Union européenne.»

Rares sont les politiques qui prennent conscience de l’urgence. Le 16 janvier, dans une conférence de presse à Paris, Alain Juppé déclarait : “C’est une autre croissance qu’il faut inventer, qui s’accompagne d’une décroissance des gaspillages, et nous avons besoin, dans un monde frappé par la pauvreté et les inégalités, d’une croissance moins consommatrice des énergies et des ressources non renouvelables, une croissance respectueuse des équilibres naturels, une croissance qui s’accompagne d’autres modalités de consommation et de production.” Très beaux mots. Qu’il faut faire vivre, Monsieur le Ministre !

255 000 emplois supprimés en France en 2009!

Emmanuel Lévy- Marianne | Samedi 7 Août 2010 à 07:01

Et pour la deuxième année consécutive, ces emplois n’ont pu être compensés, comme c’était le cas dans les périodes précédentes, par le dynamisme du secteur tertiaire. Durant ces deux années, lui aussi a perdu de la substance : -112 000 emplois en 2008 et -121 000 l’année suivante… Moins sensible aux cycles conjoncturels, l’emploi salarié non-marchand (fonction publique, associatifs,…) a cependant joué son rôle d’amortisseur. « L’emploi salarié non-marchand progresse en raison principalement d’emplois aidés plus nombreux face à une mauvaise conjoncture », note la Dares. Et de fait, dans son plan de relance, le gouvernement a renoué avec les emplois aidés dont le principe avait été abandonné à son arrivée au pouvoir en 2007.

Au final, la destruction d’emplois dans l’économie tombe donc à 255 000 en 2009.

Cette profonde dégradation a également poussé ses effets jusqu’à modifier la part des emplois stables (CDI et fonction publique) dans le total de l’emploi. Épargnés au début de la crise, les salariés ayant un emploi stable, ont commencé par être touchés au tournant 2008-2009, alors que la mortalité des entreprises les employant connaissait une forte poussée : ce sont 260 000 CDI qui ont ainsi disparu dans l’économie, tandis que les quelques postes qui se récréent à nouveau fin 2009 sont le plus souvent  en intérim…

Déjà dramatique en soi, cette destruction s’est accompagnée d’un phénomène inattendu : la hausse de la population active. Malgré la dégradation de la conjoncture, déjouant ainsi les ressorts traditionnels qui posent qu’en tel cas les gens sont découragés de se présenter sur le marché du travail, 200 000 personnes ont grossi les rangs des « offreurs de travail » comme disent les économistes.

Plus d’offres de travail (+ 200 000), moins de demandes (255 000 postes détruits en 2009): voilà qui explique au trois quarts l’envolée du chômage, 713 000 personnes supplémentaires inscrites sur les listes du Pôle emploi en 2009, + 20 % sur un an.

En ce sens, la relocalisation de 50 000 emplois espérée par Christian Estrosi, le ministre de l’Industrie, dans une interview à La Tribune, n’est pas vraiment à l’échelle du problème. Comme le note une étude du Trésor, depuis 1980, l’industrie française a détruit près de 2 millions d’emplois. Le document de Bercy estime que, entre 2000 et 2007, 63 % de ces destructions sont le fait de la concurrence internationale, notamment de la Chine, pour les productions à faible valeur ajoutée, et l’Allemagne pour celles plus intenses en technologie.

source : http://www.marianne2.fr/255-000-emplois-supprimes-en-France-en-2009_a196021.html

document : janvier 2012, collectif Roosevelt

Voilà la principale explication du chômage et de la précarité qui ronge nos sociétés depuis 30 ans, voilà donc la cause fondamentale de la crise qui a éclaté depuis cinq ans : notre incapacité collective à gérer des gains de productivités colossaux. Car ces gains sont vraiment considérables : entre-temps, l’économie française produit 76 % de plus avec 10 % de travail en moins. Or, dans le même temps, grâce au baby-boom et grâce au travail des femmes, la population active disponible passait de 22,3 à 27,2 millions de personnes.

Source : collectif Roosevelt 2012, proposition 13, janvier 2012.

Le collectif Roosevelt reste dans le cadre d’un système de pouvoir fondé sur l’activité humaine limitée au seul travail proposé par les propriétaires privés des moyens de productions ou les administration publiques ou sociales. Les solutions proposées sont donc présentées sous les contraintes imposées par ce système libéral.

Les propos d’Einstein sur la mauvaise utilisation des gains de productivité ont été repris tout d’abord par Gunnar Myrdal (prix Nobel 1974) pour dénoncer l’imposture :

Les politiciens ne veulent pas partager les rendements croissants, cette « patate chaude » qui leur brûle les doigts

Comme l’écrit Reinert à la suite des auteurs de l’autre école, celle de l’intelligence et du savoir, les rendements croissants sont en effet “une patate chaude” entre les mains des politiciens.

Il n’est pas difficile de créer un cercle vertueux de création de richesses et de développement, mais pour une minorité dirigeante dans un système de pouvoir qui veut s’enrichir au détriment des autres, la difficulté insurmontable apparaît lorsqu’il s’agit de répartir les richesses produites.

Comment subitement expliquer que les richesses produites par des êtres humains bien formés, éduqués, intelligents et créatifs, capable de gérer et de trouver des synergies, comment expliquer que ces richesses produites en abondance reviennent quasi exclusivement à une minorité dirigeante et pas au reste du groupe social ? C’est absurde !

Personne ne peut accepter un tel vol, une telle spoliation des richesses, sauf si le groupe social est dominé par un régime politique qui légitime et cache cette spoliation et maintient sa domination à travers un rapport de force garantit par l’armée, la police, et masqué à travers le conformisme social envers cette domination d’une minorité dirigeante.

Pour d’autres explications, lire le diagnostic externe pour une Monnaie Pleine, l’environnement économique.

fileane.com répond de son côté que la solution est ancienne dans les réseaux de vie lorsqu’il s’agit de gérer l’ensemble de l’activité humaine. Une fois la satisfaction des besoins individuels satisfaits par le travail indispensable à la vie et survie, l’activité humaine entreprend la réalisation des œuvres qui élèvent le niveau de vie et sont transmises aux générations futures. Ces deux niveaux d’activité sont dirigés et gérés par l’action politique dans le cadre de la subsidiarité et la complémentarité entre les trois formes de propriété. Effectivement, dans les réseaux de vie, le chômage n’existe pas.

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